De plus en plus de projets de matériauthèques voient le jour sur les territoires, répondant à un besoin croissant de réemploi des matériaux de construction. Des précurseurs comme Mineka, en région lyonnaise, ont désormais acquis suffisamment d’expérience pour partager les bonnes pratiques et les questions essentielles à se poser.
Quelles sont les conditions de réussite pour ce type de projet ? Quelles collaborations développer pour assurer leur pérennité ? Existe-t-il un modèle économique durable ? Ce sont les questions abordées lors du webinaire organisé par la CRESS Auvergne-Rhône-Alpes, en partenariat avec Mineka et d’autres acteurs du réemploi. Ils présentaient leur guide des bonnes pratiques.
1. Comprendre le concept de matériauthèque, un projet de réemploi à fort impact en Auvergne
Une matériauthèque est un lieu où sont stockés et redistribués des matériaux récupérés, principalement issus de chantiers de déconstruction ou de surplus de construction. Elle permet de prolonger la durée de vie des matériaux et d’encourager leur réemploi, limitant ainsi la production de déchets. L’objectif est non seulement écologique, mais également économique, en offrant une alternative moins coûteuse aux matériaux neufs.
2. Analyser l’existant et le besoin local
Avant de se lancer, il est primordial de réaliser une analyse approfondie du territoire et des acteurs présents. Commencez par explorer l’écosystème local du réemploi. Y a-t-il déjà des matériauthèques ou des ressourceries actives ? Quels sont les acteurs de la construction et de la déconstruction, et comment gèrent-ils actuellement leurs déchets ?
L’étude des besoins locaux est essentielle. Identifiez les pourvoyeurs potentiels de matériaux (entreprises de construction, démolisseurs, artisans) et les futurs utilisateurs (architectes, particuliers, collectivités). Les réponses à ces questions orienteront les choix stratégiques de la matériothèque, comme les types de matériaux à collecter et les services à proposer.
3. Choisir les matériaux à fort potentiel de réemploi
Tous les matériaux ne se prêtent pas également au réemploi. Pour garantir la viabilité de votre matériauthèque, il est crucial de se concentrer sur les matériaux ayant un fort potentiel de redistribution. Parmi eux, on retrouve :
- Le bois : qu’il s’agisse de poutres, de planches ou de panneaux, le bois est très demandé pour sa facilité de réutilisation.
- Les matériaux de revêtement : carrelage, faïence, parquet sont des gisements intéressants.
- La quincaillerie et les équipements sanitaires : robinetterie, portes, fenêtres.
- Les surplus neufs : des matériaux non utilisés lors de précédents chantiers, qui se vendent rapidement.
Il est important d’être sélectif et de définir un cahier des charges précis pour éviter que la matériauthèque ne se transforme en déchetterie.
4. Choisir un lieu et aménager le stockage pour les projets de réemploi en Auvergne
Le choix du lieu est déterminant. Il doit être accessible et disposer d’une surface de stockage suffisante. Idéalement, il doit être équipé pour le chargement et le déchargement de matériaux lourds. L’aménagement du stockage doit être pensé en fonction des types de matériaux collectés : rayonnages pour les planches, espaces dédiés pour les éléments volumineux (portes, fenêtres), et zones de tri pour les petits objets.
Les investissements de départ incluent souvent l’acquisition de chariots élévateurs, de transpalettes, de rayonnages et d’outils pour le tri et le reconditionnement des matériaux.
5. Respecter les aspects juridiques et réglementaires
En effet, le secteur du réemploi est en constante évolution, notamment avec l’introduction de la loi AGEC (anti-gaspillage et économie circulaire) et la mise en place de la filière REP (responsabilité élargie du producteur) pour les produits du bâtiment. Il est donc essentiel de mener une veille juridique active. Cela permet de rester en conformité avec les nouvelles réglementations, notamment en matière de collecte, de transport et de vente des matériaux.
Il est également nécessaire de clarifier le statut juridique de la matériauthèque : association, société commerciale, coopérative ? Ce choix influencera les responsabilités, la gouvernance et les possibilités de financement.
6. Construire un modèle économique viable
Une matériauthèque ne peut se financer uniquement par la revente de matériaux. Il est nécessaire de diversifier le modèle économique :
- Vente de matériaux : le cœur de l’activité, avec une tarification attractive par rapport au neuf.
- Prestations de services : collecte sur chantier, dépose sélective, conseil en réemploi.
- Ateliers et formations : sensibilisation des professionnels du bâtiment, ateliers de bricolage pour le grand public.
- Activités annexes : location d’espaces de stockage, coworking, services de livraison.
Diversifier les activités permet de stabiliser les revenus et d’assurer la pérennité de la structure.
7. Mobiliser les partenaires locaux et les collectivités
Ainsi, le soutien des collectivités locales et la collaboration avec les acteurs économiques du territoire sont des atouts majeurs pour le succès d’une matériauthèque. Ils peuvent apporter un soutien financier, logistique, voire réglementaire. Les partenariats avec des entreprises du BTP, des déchetteries et des associations locales permettent de structurer un réseau solide de collecte et de redistribution des matériaux.
8. Évaluer et adapter le projet en continu
Enfin, une matériauthèque est un projet évolutif qui doit s’adapter aux réalités du marché et aux besoins du territoire. Il est crucial de mesurer régulièrement les performances (quantité de matériaux réemployés, volume de vente, satisfaction des utilisateurs) et de recueillir les retours des parties prenantes pour ajuster l’offre de services.