Compte-rendu / Table ronde sur le financement des projets innovants (14/12/16)

Compte-rendu / Table ronde sur le financement des projets innovants (14/12/16)
Par Damien Caillard

L’incubateur d’entreprises sociales Cocoshaker arrive à la fin de sa première promo. La seconde promotion prendra en 2017 la suite des 5 projets de 2016. Pour sensibiliser aux problématiques d’entrepreneuriat par l’angle du financement, une table ronde a été organisée par Cocoshaker à Epicentre, le mercredi 14 décembre 2016. En voici le compte-rendu détaillé.

Accès rapide aux sections:

  1. Liste des intervenants
  2. Synthèse des propos
  3. Vidéo complète de la table ronde
  4. Album photo de l’événement

Liste des intervenants

10 acteurs locaux du financement étaient présents:
  • Eric Borias et Sébastien Pissavy des Business Angels (respectivement Auvergne et Cantal) – rassemblement de particuliers qui investissent à titre personnel dans les entreprises, membre de la fédération France Angels
  • Cassandra Stoltz et Clément Rousseau de l’ARDTA (Agence de Développement des Territoires) – structure régionale qui accompagne des porteurs de projets (créateurs et repreneurs) qui souhaitent s’installer sur le territoire
  • Philippe Mouget du Crédit Mutuel Massif Central – responsable de la délégation régionale auprès des clients professionnels. Le Crédit Mutuel se développe en tant que banque de territoire qui accompagne l’écosystème
  • Benjamin Preteseille de Auvergne Active – solutions de financement, d’accompagnement, notamment pour les projets à caractère social et solidaire (membre du réseau France Active)
  • Solène Labiaule de l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Economique) – solutions de micro-crédit pour les projets n’ayant pas accès au crédit bancaire classique
  • Hélène Griveaud du Réseau Entreprendre Auvergne – association de chefs d’entreprise (PME) accompagnant des créateurs, avec un accent sur l’accompagnement
  • Yannick Izoard de BPI France – acteur public finançant les entreprises en général, et en particulier l’innovation
  • Alain Brasseur de CCI Innovation – dispositif de la CCI Puy-de-Dôme, accompagnant tout projet innovant et membre de la maison Innovergne, également porteur du prêt d’honneur AT2I+ dédié à la création innovante
  • Nicolas Roussel de Efficient Innovation – cabinet conseil en marketing de l’innovation, accompagnant les entreprises dans les dispositifs de financement et d’aides fiscales

Synthèse des interventions

La table ronde, animée par Emmanuelle Perrone de Epicentre, a abordé 5 questions autour du financement des projets innovants:

1 – Quels financements et dispositifs s’adressent à des entreprises innovantes en création ?

  • L’ARDTA propose la Résidence Entrepreneurs: dispositif d’accompagnement et de financement anté-création uniquement
  • La CCI Innovation coordonne AT2I+, dispositif qui intervient au moment ou après la création (dans un délai 3 ans)
  • La Bourse French Tech, proposée par BPI France, valide la faisabilité d’un projet d’entreprise innovante. La définition de l’innovation peut être technique, économique ou sociale. La bourse se fait en partenariat avec une structure d’accompagnement type incubateur ou Réseau Entreprendre. Le but est de tester le projet et de décider de la suite à donnée. Elle peut être apportée au porteur de projet en tant que personne physique, ou à une personne morale.
  • Le Réseau Entreprendre s’attache à la création d’emplois par l’entrepreneuriat: si le projet est potentiellement créateur d’emplois, il peut les intéresser, qu’il soit innovant, social … ou classique. L’intervention se porte autour de l’émergence réelle de l’activité (début du C.A. …) et pas à la formalisation de l’idée ou du business model.
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  • L’ADIE se concentre sur des petits projets – à moins de 20 000 €. L’outil utilisé est le micro-crédit, à 10 000 € maximum, pour de la création mais aussi du développement et du maintien d’activité. Plus rarement, cela peut porter avant la création pour financer un besoin spécifique comme une formation ou l’achat d’un logiciel.
  • Auvergne Active peut s’intéresser à un projet individuel pour lui faciliter l’accès au crédit bancaire, en proposant de la garantie ou de l’avance remboursable. Mais le projet doit être bien « ficelé ». Pour les projets d’utilité sociale, l’aide peut intervenir à toute étape de la vie de la structure.
  • Le Crédit Mutuel Massif Central se concentre sur le plan d’investissement et sur le plan de financement. Il peut intervenir en amont en tant que conseil, plutôt en aval quand la structure est formée. A noter que la Fondation d’entreprise Ark’ensol peut intervenir avec des avances à taux zéro en cas de création d’emploi. Beaucoup de ces actions se font en synergie avec BPI France et Auvergne Active notamment, car ces visions sont complémentaires.
  • Les Business Angels n’interviennent jamais avant la création. Il faut une preuve de fonctionnement, ou au moins de concept, et un vrai potentiel de croissance. Toutes les activités sont alors prises en considération. L’intervention se fait au capital de l’entreprise, de façon minoritaire, et souvent en aval des autres structures d’accompagnement. L’aide des Business Angels peut faire effet de levier pour du financement bancaire.

2 – Quelle est la première étape à franchir pour assurer le financement de son projet ?

  • BPI France: Le travail d’anté-création, et notamment l’incubation, aide beaucoup les chances de succès du projet pour obtenir des financements. Principalement parce que le « challenge » des intervenants en amont permet d’affiner le projet, par le jeu de la contradiction, et de le rendre plus crédible pour des interlocuteurs en aval.
  • Réseau Entreprendre: le territoire est relativement petit, les gens se connaissent bien et travaillent de concert. Si on se dirige vers un interlocuteur peu pertinent, celui-ci vous réorientera vers la bonne personne. Mais il faut d’abord « pousser la porte » et faire le premier pas.

3 – Quel accompagnement proposez-vous ?

  • CCI Innovation: le « parrainage » consiste – dans le cadre d’AT2I+ – à mettre en relation avec un chef d’entreprise expérimenté, pendant les premiers mois de création. L’idée est d’être épauler le créateur au lancement, notamment pour les jeunes sans expérience entrepreneuriale. Un autre programme, hors AT2I+, s’appelle « Tremplin PME« : accélération de la croissance par l’accompagnement à la recherche de financement (levée de fonds) par des ateliers de formation et des appuis individuels; également, aide au business development par un accompagnement thématisé (numérique, biotech …) de 10 jours
  • c-yannick-izoardRéseau Entreprendre: le lauréat du Réseau sera accompagné par son Parrain, une fois par mois pendant 2 ans. De plus , chaque lauréat est intégré à une Promotion d’une douzaine d’autres lauréats, réunis tous les mois pendant 3 heures. Ces réunions sont obligatoires pour former l’esprit de groupe. Elles comportent une intervention thématique puis un échange entre les lauréats. Le principe est que le facteur solitude conduit à l’échec.
  • Business Angels: beaucoup de Business Angels sont expérimentés ou retraités, et ils peuvent mettre leur réseau à disposition des projets aidés – au-delà de la prise de participation.
  • Efficient Innovation: l’intervention se fait avec BPI France pour étudier le potentiel et les contraintes d’une offre, souvent en amont du financement, afin de déterminer la meilleure aide à « activer »
  • ADIE: plus de la moitié des entreprises démarrent avec un plan de financement de moins de 8000 €. Ce sont souvent des projets « solitaires », pour lesquels l’accompagnement peut jouer le rôle de coaching, donner de la hauteur de vue pour trouver son positionnement et éventuellement être capable de rebondir. Les bénévoles de l’ADIE peuvent proposer cette aide.
  • France Active: le projet peut d’abord être conseillé pour évaluer le montant du financement demandé, également après l’opération, pour optimiser l’usage de la somme accordée
  • ARDTA: deux référents sont attribués aux projets aidés: un référent technique (sur le projet économique) et un référent territoire (pour les relations de proximité, y compris avec les élus) sur toute la région Auvergne

4 – Quels projets sont accompagnés … et lesquels ne le sont pas ?

  • ARDTA: les statuts auto-entrepreneurs et associatifs ne sont peuvent pas être pris en compte. Le critère principal est surtout le potentiel d’intégration à une dynamique territoriale existante, plus que de l’innovation dans l’absolu. L’intervention se fait sur du « non-matériel »: financement de formations, d’études de marchés, de frais de représentation et de communication … voire des loyers et des salaires
  • CCI Innovation: 3 cas de non-intervention: 1/ les entreprises non innovantes (selon l’estimation du Comité Innovergne, basée sur les règles de BPI France) 2/ les marchés de proximité. Le périmètre doit être au minimum national. 3/ les associations. Le financement de CCI Innovation intervient auprès du créateur en tant que mandataire social.
  • BPI France: intervention sur toute structure de moins de 2000 personnes, incluant les associations – avec un modèle économique viable (des produits propres – non publics – doivent payer les charges). L’innovation étant définie comme « la nouveauté et l’avantage apporté au bénéficiaire (client, utilisateur, salarié …) ». Pas d’aide aux entreprises en difficulté

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  • Réseau Entreprendre: pas d’intervention auprès des associations et des auto-entrepreneurs. Les activités agricoles et immobilières sont également exclues a priori.
  • ADIE: tout type de projet est pris en compte, à condition qu’il n’ait pas accès au crédit bancaire et que le plan de financement soit inférieur à 20 000 € (attention: l’aide apportée est maximum de 10 000 €)
  • Auvergne Active: le critère principal est l’emploi, pour toutes structures et projets personnels. Les projets d’utilité sociale sont privilégiés, prenant en compte l’aspect économique, l’impact territorial, la gouvernance, les partenaires … et pour les projets personnels, ça se rapproche de l’économie de proximité via des projets modestes
  • Crédit Mutuel: la fondation Ark’ensol nécessite de la création d’emploi, un investissement et un crédit bancaire. Cela peut ouvrir la voie à une avance à taux zéro. Si le projet a une dimension sociétale, des dons peuvent être ajoutés. Pour les projets innovants, une entreprise déjà accompagnée (incubateurs, réseau) sera privilégiée. L’autre critère est l’importance des apports personnels initiaux. Enfin, l’intervention peut être en « bas de bilan » (crédits à court/moyen-terme) comme en « haut de bilan » (au capital de l’entreprise).
  • Business Angels: il faut une société à capital comme base (principalement SAS et SARL). Surtout, les critères sont liés à l’envie des Business Angels qui sont des particuliers qui investissent leur propre argent: « il faut nous donner envie » résume Sébastien Pissavy.

5 – Quels montants d’aides sont envisageables ?

  • CCI Innovation: pas d’intervention en-deçà de 10 000 €. L’aide varie selon l’incubation préalable: un projet non-incubé aura un plafond de 40 000 €, 50 000 € en cas d’incubation. Ces sommes sont par personnes et peuvent concerner deux associés pour un projet (donc 80 à 100 000 € par projet max.). La somme est intégralement remboursée sur 5 ans, avec différé d’un an.
  • BPI France: plusieurs aides existent de 15 000 € (Bourse French Tech), à … 40 millions pour de l’apport en fonds propres, en passant par des aides de trésorerie à 300 000 €
  • Réseau Entreprendre: l’aide à la création/reprise varie entre 15 et 50 000 € par projet, sous forme de prêt d’honneur à la personne (0%)
  • ADIE: aide de 500 € à 10 000 € en micro-crédit, prêt à la personne remboursable en 48 mois. Ce prêt est renouvelable
  • Auvergne Active: prêt moyen de 5000 € à taux zéro pour les projets personnels, assorti de garanties bancaires (50 à 70% de l’emprunt bancaire). Dans ce cas, si le créateur a moins de 26 ans, il peut bénéficier de la prime Cap Jeunes (subvention de 2000 €). Pour les projets collectifs, l’enveloppe est plus variable selon la capacité de la structure à rembourser. Enfin, on peut financer des études de faisabilité pour créer une activité d’utilité sociale.
  • c-philippe-mougetCrédit Mutuel: la Fondation Ark’ensol finance jusqu’à 7500 €. La banque n’a pas de limite particulière, s’adossant à la BPI ou à Auvergne Active par exemple. Encore une fois selon le ratio apports personnels/financement demandé/modèle économique.
  • ARDTA: intervention variable se chiffrant en milliers, moins souvent dizaines de milliers, d’euros. Sur des frais ciblés (voir point plus haut), sans remboursement – prise en charge de factures déjà réglées.
  • Business Angels: apport au capital entre 20 et 100 000 € en général, avec sortie entre 5 et 10 ans plus tard. La moyenne est entre 50 et 80 000 €. Plusieurs tours de tables en fonction du développement de l’entreprise sont envisageables.
  • Efficient Innovation: ne pas oublier les dispositifs fiscaux pour entreprises innovantes: il y a le statut jeune entreprise innovante (gestion à Bercy), le Crédit Impôt Recherche (financement d’action de R&D), le Crédit Impôt Innovation (financement de l’avantage concurrentiel). Enfin, de nombreux dispositifs avec des agences nationales ou européennes existent, souvent sur de l’innovation onéreuse (500 000 à 3 millions d’euros de budgets), et donc pour des entreprises en développement.

D’une manière générale, précise Yannick Izoard de BPI France, les aides sont basées sur des dépenses prévisionnelles. « Vous n’en faites pas ce que vous voulez » insiste-t-il: un plan de dépenses fait l’objet d’un accord puis est financé. Il devra faire l’objet de justificatifs (factures). Cela peut être néanmoins différent pour les fonds propres.

6 – Avez-vous un exemple de projet innovant que vous avez accompagné ?

c-eric-boriasLe Bus 26 est cité par plusieurs acteurs: entreprise de restauration créée à Volvic, autour du concept d’un restaurant gastro dans un bus. L’ARDTA a été sollicitée en amont pour une Résidence Entrepreneurs (financement de salaires principalement). « Ce n’est pas innovant technologiquement » avoue Philippe Mouget, dont la banque a aidé le projet. « Mais les fondateurs avaient un très beau CV, et le concept était innovant, notamment au niveau sociétal« : le bus se déplace dans les petites communes et participe à leur notoriété. Enfin, le projet avait été accompagné en amont par des réseaux. La complexité résidait dans l’aménagement intérieur du bus et le respect des normes liées à la restauration dans ce cadre précis. Enfin, Eric Borias précise que le pitch, la complémentarité et l’enthousiasme porté par l’équipe a séduit les Business Angels, qui ont choisi de l’accompagner. Précision de BPI France sur le Bus 26: le concept existait déjà dans d’autres métropoles nationales, donc le projet n’a pas été aidé. BPI France se doit de comparer l’innovation au niveau national.

Autres exemples de CCI Innovation: Auditien, outils de formation digitale dans l’audition, projet porté par Guillaume Allermoz, ainsi qu’une plate-forme de mise en relation entre employeurs et handicapés, vrai exemple d’innovation sociale. Sur ce dernier projet, Yannick Izoard insiste sur l’intérêt social et économique, et sur le fait que BPI France est à la recherche de projet comme ça s’ils sont intelligemment montés (en termes de réponse à un besoin et de monétisation). Le Fonds d’Innovation Sociale, fonds régional basé à Lyon, va être étendu à l’Auvergne début 2017 pour aider ce type de projets.

c-solene-labiauleHélène Griveaud rend hommage à la ténacité des porteurs des projets Auditien et Bus 26, dont le financement a été particulièrement long: « il ne faut pas s’arrêter à la première structure de financement qui dit non ». Elle prend aussi l’exemple de Cell&Co, stockage biologique à Pont-du-Château, qui a été aidé par le Réseau Entreprendre parce que plusieurs emplois étaient à la clé.

Benjamin Preteseille de Auvergne Active évoque des projets d’utilité sociale: Epicentre d’une part, la librairie des Volcans d’autre part.

Sébastien Pissavy parle de Mecatheil près d’Aurillac, entreprise dans l’automatisme et la robotique datant de 1997. Investissement des Business Angels pour 100 000 € en juillet ayant débloqué des crédits bancaires à hauteur de 300 000 €.

***

En conclusion, un mot d’encouragement pour les porteurs de projets: curiosité / allez-y / enthousiasme / pugnacité / ne pas avoir peur de démarrer petit pour croître derrière / volonté / convaincre / dynamisme / la niaque / oser / faire rêver


Captation vidéo de la table ronde

Vidéo intégrale (1h20) sur YouTube:


Album photo de l’événement

Voir l’album photo de la table ronde et du cocktail

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.