Conf. Open Lab « Faut-il être proche(s) pour innover ? » du 2/10/17

Conf. Open Lab « Faut-il être proche(s) pour innover ? » du 2/10/17

Par Damien Caillard

Intervention de Damien Talbot, nouveau directeur de l’UEM, dans le cadre de l’Open Lab Exploration Innovation dirigé par Pascal Lièvre du CRCGM.

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Introduction

Proximité : idée que ce qui est proche est plus important, donc mieux (ex: « être proche de ses électeur », « proche de ses marchés »

La base de recherche est l’école de pensée « Dynamiques de Proximité »: un groupe de chercheurs économistes rejoint dans les années 90 par des gestionnaires, des géographes, des sociologues, etc. L’une des idées principales de ce groupe de travail est que la proximité géographique n’est pas systématiquement nécessaire pour innover, on peut la compenser. L’entrepreneur serait un acteur relationnel qui chercherait la mise en réseau. Le pôle de compétitivité est cependant un cas particulier, où les collaborations sont décrétées par l’acteur public, alors que le cluster est plus bottom-up (collaborations générées par les acteurs eux-mêmes)

L’acteur public dit donc : oui, il faut être proche pour innover.

L’école de la proximité

Traditionnellement, l’espace est un cadre neutre et uniforme, appréhendable par les coûts qu’il va imposer (logistique, axes de transports, entrepôts …).  Mais c’est restrictif : en fait, l’espace est en fait asymétrique, il pèse sur les relations (postulat de l’école de la proximité). Dès le début, elle cherche à s’émanciper de la vision de l’espace homogène, et tente de passer d’allocation à création de ressources. La localisation dans un espace géographique et le positionnement dans un espace social conditionnent les activités économiques des acteurs. L’espace est donc compris d’un point de vue géographique et social (Bellet et al. 1993)

Un des problèmes est qu’on n’a pas de définition du terme « proximité » seul. Il faut l’associer à des cadres théoriques : institutionnalisme, évolutionnisme, etc. C’est donc une grille de lecture qu’il faut compléter par d’autres visions mais qui permet ainsi de lire le terrain.

Les dimensions de la proximité

Première dimension, la proximité géographique, en termes de distance kilométrique. Mais celle-ci se complète d’un jugement subjectif, la perception humaine de la distance (liée à la capacité de chacun à se représenter les distances, à avoir envie de voyager, à franchir les obstacles).

Pour la proximité non géographique, Boschma (2005) a distingué quatre sous-catégories:

  1. la proximité organisationnelle, soit l’appartenance à un même arrangement institutionnel (hiérarchie, réseau, marché). Elle réduit l’incertitude inhérente à toute relation et à l’opportunisme des agents.
  2. la proximité cognitive qui renvoie au partage d’une même base de connaissances (exemple : brevets) lorsqu’elles sont codifiées. Elles ouvrent la voie à une compréhension mutuelle. Cette proximité est nécessaire pour que les firmes puissent absorber de nouvelles connaissances
  3. la proximité sociale qui mesure l’appartenance des individus à un même réseau social au sens de Granovetter (1985). En conséquence, le risque de conflits est diminué.
  4. la proximité institutionnelle, soit le partage de diverses institutions plus ou moins formelles comme les lois, les règles, les coutumes, le langage, les valeurs … qui fournissent un cadre stable aux relations inter-organisationnelles mais aussi inter-individuelles.

Toutes ces approches « fondent » la proximité, sur un double principe de similarité (entre acteurs individuels) et d’appartenance (à un réseau ou une organisation). Ces dimensions multiples s’articulent, en se renforçant (addition), en se compensant (proximité organisationnelle pour des structures éclatées géographiquement, par exemple), ou en se détruisant (comme la pollution induite par la proximité géographique).

Dans la pensée proximiste, la proximité conditionne les interactions. Qui vont elles-mêmes modifier les proximités en fonction de leurs effets. Examinons les effets des proximités sur l’innovation, sans oublier que cela s’inscrit dans une boucle de rétroaction

Proximité géographique et innovation

Ces effets ont été traités par des prismes multiples, comme les sciences de l’industrie, les relations inter-individuelles, les questions environnementales … la focalisation portant sur la production et le transfert d’informations et de connaissances. Les effets positifs des proximités favorisant les relations de confiance, ces échanges de connaissances et in fine l’innovation collective en bénéficient.

D’une manière générale, le renforcement des relations d’innovation grâce à la proximité géographique s’explique par différentes causes comme les externalités de connaissances (Krugman, 1995), la limitation de l’opportunisme par le face à face (Boschma, 2005), ou encore le sentiment d’appartenance généré par un espace géographique commun (Giddens, 1987). La proximité géographique est un donc un accélérateur de confiance. Mais la confiance est aussi un outil de contrainte, un verrou de la relation. La proximité lie les individus, les engage entre eux.

Autre angle d’attaque : celui entre la proximité cognitive et l’innovation. Les travaux montrent que la diversité et la profondeur des bases de connaissance favorise l’innovation. L’innovation collaborative est conditionnée par l’existence d’une proximité cognitive (Markusen, 1996) car elle génère une complémentarité et une capacité d’absorption : vérifier l’utilité de ce que l’autre détient comme connaissance ou compétence.

Mais la proximité cognitive est paradoxale, car elle peut générer – en cas de proximité trop forte – un effet de « lock in« , une sorte de consanguinité cognitive, mais aussi une myopie. Pour bien innover, il faut être ni trop proche, ni trop loin. Par exemple, développer des relations inter-clusters autant qu’intra-clusters.

En complément, la proximité organisationnelle permet de contrôler le transfert de connaissances. Selon Williamson et Nooteboom, tout transfert de connaissances comporte trois risques : la perte des investissements spécifiques en cas de rupture de la collaboration ; un comportement opportuniste qui reste possible (captation de résultats au profit d’un seul acteur) ; la propagation involontaire des résultats vers les concurrents (spill-over). Ces risques peuvent être relativement maîtrisés par le contrôle organisationnel.

En termes de proximité institutionnelle, le degré d’inertie de l’environnement institutionnel (en partie façonné par les acteurs public) a un effet positif, ou négatif, sur l’émergence de l’innovation. Moins de travaux ont cependant été consacrés à cette approche. Un des soucis étant qu’il est difficile de modifier une institution.

Enfin, pour la proximité sociale, la confiance peut être encore plus renforcée (exemple d’une même famille développant des liens d’entreprise)  … l’extrême étant le développement de relations mafieuses.

Conclusion

En conclusion : Damien Talbot se consacre aux effets de la proximité sur le contrôle. On n’a pas traité dans cet échange la notion de jugement : comment est perçue la proximité par les 2 acteurs ? Que se passe-t-il quand la proximité est perçue différemment (positivement ou négativement) par les acteurs « proches » ?


Damien Talbot revient sur le point à retenir de cette conférence:


Pascal Lièvre, co-fondateur et animateur de l’Open Lab Exploration Innovation, évoque la place de cette conférence dans le cycle global:


Pour en savoir plus:
le site de l’Open Lab Exploration Innovation


À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.