« J’apprécie l’univers très décomplexé qu’offre le crypto art », Amylee

« J’apprécie l’univers très décomplexé qu’offre le crypto art », Amylee

Emilie Garcia, alias Amylee, est une artiste du Cantal. Elle s’est lancée en 2020 dans le crypto art, l’art numérique associé à la blockchain. Une plongée dans un univers nouveau où les codes sont radicalement différents du marché de l’art traditionnel. Un témoignage « behind the scene » pour mieux comprendre le fonctionnement de cette tendance de fond.

Ce dossier spécial est sponsorisé par Le Village By CA Centre France. Le Village by CA Centre France apporte son soutien à la mise en lumière des acteurs locaux de l’innovation.

Amylee, Pouvez-vous nous raconter votre parcours depuis la crèche ? 

Amylee : Originaire de Nîmes, je suis artiste peintre professionnelle depuis 2008. Je peins des tableaux très colorés à la peinture acrylique ; des portraits fleuris et des floraisons abstraites sur toile. Mes tableaux sont représentés dans plusieurs galeries d’art à l’étranger au Royaume-Uni, en Autriche, et en Suisse. En parallèle de la peinture, j’anime un blog sur l’artiste et l’entrepreneuriat www.amylee.fr

Au fil des années, amylee.fr s’est transformé en Atelier Conseil pour Artistes. Un Atelier qui propose des rendez-vous, des livres, des webinaires, des formations pour aider les artistes à développer leur carrière et à mieux s’équiper pour s’épanouir dans ce métier. Gilles, mon conjoint, a rejoint mon activité il y a 4 ans, quand nous sommes revenus de Londres pour s’installer dans le Cantal près de ma famille. 

Nous nous sommes installés dans le Cantal en 2018. Lors du premier confinement de mars 2020, j’ai dû faire face à un problème majeur quand on est une artiste peintre représentée en galerie. Toutes les galeries d’art, avec lesquelles je travaillais, ont dû fermer. J’ai été fortement impactée.

Lors d’une soirée d’entrepreneurs à Aurillac, nous avions rencontré un designer et NFT artiste cantalou, Serge Vieillescaze, alias CryptoClay, qui nous avait parlé des NFT, mais à cette époque, nous étions sur d’autres projets. En 2020, les NFT sont revenus à nous. Nous avons alors sauté le pas pour mieux comprendre l’écosystème, la création et les opportunités réelles qui existent.

Les nouvelles technologies et le numérique peuvent effrayer. On se dit que c’est trop complexe, que ce n’est pas pour nous etc ..

Avec Gilles, nous apprécions d’être précurseurs dans un domaine. Quand on fait quelque chose, on le fait à fond. Et quand on partage un savoir-faire, on préfère l’avoir testé avant. C’est tout ce qui fait la qualité de nos écrits sur le blog et ailleurs. Au départ sur la blockchain, il faut s’approprier un nouveau vocabulaire, des nouveaux outils, ce n’est pas évident. On a beaucoup lu sur les NFT et le crypto art. Le fait d’avoir été aidés par Serge Vieillescaze a été bénéfique pour nous, car il a su nous éviter les erreurs du débutant. À un moment donné, on a eu un déclic pour comprendre vraiment le fonctionnement et y prendre goût. 

Quand on est artiste et qu’on se dit : ”Ok, je me lance dans le crypto art!” Comment ça se passe concrètement?

Il y a plusieurs types de processus créatifs pour faire du crypto Art. Personnellement, je n’avais pas envie de créer une œuvre d’art juste à partir d’une photographie basique au format JPEG. Je voulais créer des œuvres numériques animées, et j’ai eu la chance d’avoir sur mon chemin la graphiste et motion designer, Renate Frotscher alias Wee Wicked Witch (basée à Maurs-la-Jolie) et nous avons sauté le pas ensemble.

Nous avons lancé, en mai 2020, une collection intitulée New Field of Thoughts (qui signifie Nouveau Champ de Pensées). A partir de photographies numériques de mes tableaux, Renate a travaillé sur des animations. La collection de ce duo regroupe une quinzaine d’œuvres. Des créations disponibles sur Known Origin et Foundation, deux plateformes sur la blockchain ethereum. 

Est-ce que ça a bien fonctionné ?

Amylee : Pour un premier essai, c’était plutôt satisfaisant. Nous avons fait quelques  ventes et de jolies publications presse. Nous ne nous sommes pas arrêtées là, car le duo nous avait rendues plus confiantes sur la blockchain. Si j’ai un conseil à donner à un artiste qui souhaite se lancer, c’est de penser à s’associer à un autre artiste. Ça rend le projet moins effrayant et ça permet de toucher une communauté plus large. 

Les réseaux sociaux les plus actifs pour les NFT restent indubitablement Twitter et Discord. Il faut avoir du temps à consacrer aux échanges avec les membres des différentes communautés. Que ce soit la nôtre, ou celles que l’on intègre.
Sur ma communauté Twitter, on retrouve plutôt des personnes sensibles à mes œuvres “traditionnelles”. Sur Discord, on a des collectionneurs avec différents profils et qui s’intéressent aux NFT en tout genre.

Pour se faire connaître, il est important de faire partie de différents groupes. Par exemple, il existe des communautés spécifiques de femmes créatrices de NFT. A chaque fois que l’une d’entre elles met en ligne un nouveau NFT (NFT Drop), on partage, et on retweete l’information sur nos propres réseaux.

Les premières œuvres de notre collection ont été achetées par des collectionneurs américains très friands des œuvres “genesis” des artistes. Ils préfèrent ainsi investir dans l’œuvre n°1 d’une collection d’artiste. C’est un peu comme les personnes qui collectionnent le Numéro 1 d’un magazine fraîchement sorti de kiosque.

Comment est-ce que l’on définit la valeur d’une œuvre numérique NFT ? 

C’est une démarche qui n’est pas facile quand on découvre le monde des NFT. Certains artistes du monde du gaming préfèrent proposer des prix élevés parce qu’ils ont déjà une notoriété et une très grosse communauté. Pour un artiste débutant, le plus difficile est de trouver le juste équilibre pour ne pas surévaluer ou sous-évaluer l’œuvre digitale.  Mes prix commencent à partir de 0.3ETH* (*700 euros) sur Foundation et KnowOrigin. 

Un point très important lorsque l’on fait un NFT en collaboration avec d’autres professionnels, c’est d’établir des contrats de partenariats (smart contract) pour les droits d’auteur et les commissions. De cette manière, on travaille sur des bases saines et bien plus confortables.

Vous avez lancé une première collection de NFT il y a un an. Êtes-vous prête à renouveler l’expérience ? 

Amylee : Très vite, après mon duo avec Renate, je me suis lancée dans une collection solo intitulée artZkid disponible sur la place de marché Rarible. Ce sont des collectibles, des cartes numériques (inspirée des collections Crypto Punk ou Apes) qui proposent les gamins célèbres du monde de l’art, des œuvres en plusieurs exemplaires en vente aux enchères.

200 collectibles sont prévus pour toute la collection, mais si vous allez sur la plateforme Rarible, vous verrez qu’ils ne sont pas tous en ligne. La raison est très simple. Le « mint », c’est-à-dire la mise en vente d’un NFT a un coût non négligeable. Je “minte” donc mes artZkid par petite vague. 

Il faut compter environ 100 dollars. Si je les mettais tous en vente en même temps, cela nécessiterait une avance de trésorerie importante. Je préfère les vendre un à un, les bénéfices de l’un servant à « minter » le suivant.

Comment est-ce que l’on innove avec les NFT ?

En décembre de l’année dernière à Paris, nous sommes allés à une exposition 100 % NFT, au MoCA. C’est une expérience fabuleuse. Les œuvres sont présentées sur des écrans digitaux. On y trouve tous les types de créations, même des hologrammes. 

Les œuvres peuvent être en mouvement, en musique, donner la sensation de venir vers nous, de changer de forme à certains moments. Par exemple, on peut créer un arbre qui fleurira chaque printemps et perdra ses feuilles chaque hiver. 

L’expérience peut devenir très sensorielle. Un processus plus difficile à obtenir avec une œuvre sur toile peinte à l’huile ou à l’acrylique ou sur sculpture gravée dans le marbre.

Il ressemble à quoi le collectionneur de NFT ? A-t-il un profil type ?

On trouve différents types de collectionneurs sur la blockchain, mais dans la grande majorité, ils ont moins de 25 ans. Certains achètent par pulsion, d’autres par conviction, pour soutenir ou investir. Les collectionneurs sont ravis de partager au grand public leurs collections de NFT. Ils utilisent alors les places de marché pour présenter leur acquisition. Un moyen qui permet de faire de la très bonne publicité aux artistes représentés dans ces collections. Il y a également l’aspect spéculation qui bat son plein en ce moment. Finalement, on retrouve exactement les mêmes comportements que sur le marché de l’art traditionnel.

Amylee, Qu’est-ce que vous pourriez conseiller à un artiste qui voudrait se lancer ?

Pour un artiste qui souhaite se lancer, je dirai qu’il faut vraiment avoir envie d’y aller. Ça ne sert à rien de se dire, je ne suis pas convaincu, et pourtant, je vais quand même le faire. Sans passion, on ne tient pas longtemps ! Ça demande un gros investissement en temps et en motivation.

J’apprécie l’univers très décomplexé qu’offre la blockchain. Tout le monde peut se lancer. Dans le monde traditionnel de l’art, beaucoup de barrières subsistent et les artistes entre eux ne sont pas vraiment coopératifs même si ça tend à changer petit à petit. Beaucoup d’artistes traditionnels pensent qu’il faut sortir d’une école d’art pour réussir. Dans le crypto art, les autodidactes sont très à l’aise.

En France, on est un peu à la traîne sur les NFT et le crypto. Il existe bien des petites communautés francophones, mais il faut reconnaître que tout se passe plutôt en anglais. Pour découvrir des NFT artistes français, je vous recommande d’aller surfer sur le MoCA, Museum of Crypto Art. et pour se former, il existe des podcasts très populaires : NFT Morning, NFT Business ou le podcast sur Twitter animé par Gilles NFT Premiers Pas.

Amylee, c’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

Gilles travaille actuellement sur une formation en ligne consacrée aux NFT. Elle sortira avant l’été 2022. Notre communauté d’artistes est en demande de ce type de ressources, car les artistes ne trouvent souvent que du contenu hermétique, tout en anglais. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter.

Dans la tête d’Amylee ?

Ta définition de l’innovation : “imaginer et oser autrement”

Où est-ce que tu vas pour la pêche à l’info : Podcast, Reportages YouTube ou livres chez mon petit libraire de quartier

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : j’en ai deux : le magazine mensuel de LiveMentor Odyssées d’Entrepreneurs, et le site Inspiration Créative de Killian Talin 

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : J’en ai 3 car j’aime beaucoup rire !! Des séries comme Kaamelott, les Monty Python, le Palmashow

Une femme qui t’inspire/experte : Coco Chanel, et plus proche de nous l’écrivain américaine Elizabeth Gilbert

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.