Table ronde Open Innovation – 27 juin 2016

Table ronde Open Innovation – 27 juin 2016

Le premier événement du Connecteur a eu lieu le lundi 27 juin à 12h30, dans le cadre de la journée Culture Startup organisée par l’incubateur SquareLab de l’ESC Clermont. Il a permis de présenter l’approche de cinq acteurs privés – deux start-ups et trois grands groupes – sur leur manière de collaborer ensemble: l’Open Innovation.

Nos intervenants étaient ainsi:

Cliquez sur un nom pour accéder au résumé de son intervention.

Pour accéder au fichier audio (podcast format MP3): cliquez ici

Cette table ronde était animée pour le Connecteur par Frédéric Domon de Preda, start-up spécialisée dans le micro-apprentissage. Les photos ont été réalisées par Paul Pinault du Connecteur. L’événement a accueilli près de 80 spectateurs: merci à toutes et à tous pour votre présence et vos questions !

Vous pouvez retrouver ci-dessous les principaux points évoqués.

Engie, une stratégie de partenariats variés

Denis Tessier, directeur régional d'Engie (Clermont)

Denis Tessier, directeur régional d’Engie (Clermont)

Le Connecteur a l’honneur d’avoir comme « parrain » Denis Tessier, directeur régional d’Engie. Il a lancé cette table ronde par un mot d’introduction sur l’histoire de son groupe, depuis le Canal de Suez en 1869 jusqu’au récent changement de nom (Engie étant la nouvelle appellation de GDF-Suez).

Un des principes de l’action d’Engie depuis plus d’un siècle est celui du partenariat. Cela fournit une capacité à mélanger les genres, entre différentes tailles de structures, entre des acteurs publics et privés, et in fine enrichit les résultats produits.

Depuis deux ans, Engie a lancé une stratégie d’Open Innovation à travers des moyens dédiés en interne, et la participation à plusieurs projets territoriaux de type « Quartier Numérique ». A Clermont, cela a pris la forme du Bivouac, l’accélérateur ouvert depuis janvier 2016 à la Pardieu.

Comme le résume Denis Tessier, « Les révolutions changent, du Canal de Suez au digital en passant par l’électricité depuis 160 ans (…) Nous sommes toujours à la recherche des bonnes connexions. C’est dans notre patrimoine génétique »

Des start-ups maison en immersion dans les grands groupes

A Grenoble, le CEA LETI est le centre de recherche spécialisé dans les micro et nano technologies. Il compte environ 2200 personnes, et a pour stratégie la création d’innovation et le transfert vers des partenaires industriels, en France ou à l’international. Philippe Ruffin en est le directeur, et pour lui l’Open Innovation est un véritable outil de capital risque*.

Philippe Ruffin, responsable programme start-ups au CEA LETI (Grenoble)

Philippe Ruffin, responsable programme start-ups au CEA LETI (Grenoble)

Le CEA LETI crée aujourd’hui 5 à 6 start-ups par an, soit une soixantaine depuis sa naissance. Pourquoi cette stratégie de « spin offs* » ? Principalement pour « accéder à des zones de marchés où nous ne pouvons pas aller, car nous ne sommes pas assez agiles »: les start-ups ont cette capacité à récupérer de la connaissance marché plus fine et plus réactive. A l’instar de Mooréa, une start-up créée au CEA LETI puis rachetée par un acteur américain, et qui « campait » chez ses donneurs d’ordres: un expérience idéale en immersion auprès des opérationnels – alors que le coeur de métier du CEA LETI est plutôt en lien avec la R&D. Les start-ups externalisées peuvent ensuite revenir vers le CEA LETI pour établir des partenariats à long terme. Comme le résume Philippe Ruffin: « Les start-ups nous permettent de préparer le coup d’après avec les grands groupes. »

Le rapprochement des start-ups (à vocation B2B*) du CEA LETI avec les grands groupes est un moyen de « dérisquer » les projets. Pour ces projets basés sur une forte innovation technologique, capital-intensive* (3 ou 4 millions d’euros nécessaires au lancement), le financement n’est en effet possible que si les risques principaux sont levés auprès des grands groupes. Un processus rôdé d’après Philippe Ruffin, puisque « cela fait partie de la démarche ».

Concrètement, la création des start-ups est opérée par le CEA LETI avec l’aide d’autres fonds de Corporate Venture* des grands groupes partenaires comme Engie ou Valeo. « C’est important que des grands groupes français se positionnent sur nos start-ups », insiste Philippe Ruffin, « car l’activité est souvent proche des investisseurs ». Investir français est donc un gage de développement économique local, ou du moins national – ce qui fait partie de la mission du CEA LETI. La clé étant de « prévoir les possibilités de sortie » à condition de rester en France ou en Europe.

Dépasser la relation client/fournisseur pour développer l’entreprise

François Caussade, CEO de ANS Biotech (Clermont)

François Caussade, CEO de ANS Biotech (Clermont)

Retour en Auvergne avec ANS Biotech, la start-up de 12 salariés dirigée par François Caussade. Dans son activité (pharmacie pré-clinique de la douleur), ANS Biotech s’est installée il y a 10 ans dans notre région « car l’écosystème* s’y prêtait »: partenariats académiques, CHU, acteurs privés … permettant de mieux comprendre les mécanismes de la douleur et surtout de proposer des solutions intégrées pour clients. Autre avantage de cette intégration à l’écosystème: un apport en crédibilité pour entreprendre une démarche internationale auprès des grands donneurs d’ordres européens, américains, japonais.

Cette intégration s’est concrétisée dans la participation d’ANS Biotech au consortium Analgesia, un partenariat public-privé dans l’étude et le développement de solutions contre la douleur. Des partenariats académiques et privés ont été mis en place, du savoir-faire et des compétences ont été mis en commun pour une approche plus pertinente des problématiques, de l’innovation, autorisant de nouvelles approches expérimentales.

« Analgesia nous apporte un vrai dynamisme pour capter de nouvelles opportunités » qui peuvent être connexes au coeur de métier, estime ainsi François Caussade. Avec l’exemple de l’arthrose, de la douleur animale ou de la notion globale de qualité de vie pour les « personnes souffrantes ».

L’Open Innovation, une révolution en interne

Areva en région Rhône-Alpes, ce sont 5000 collaborateurs, travaillant principalement sur la maintenance des centrales nucléaires. Les problématiques sont celles de la mobilité, de l’intervention chez les clients, et de la sécurité dans un cadre industriel. Baptiste le Sueur est responsable produit et innovation à Lyon, en charge de la politique interne d’Open Innovation. Et, de son propre aveu, « ce n’est pas simple dans un grand groupe. »

Baptiste le Sueur, stratégie produit et innovation Areva (Lyon)

Baptiste le Sueur, stratégie produit et innovation Areva (Lyon)

Début de l’aventure en 2012, avec un portail web de candidatures « Areva PME Innovation« . Problème, cette première initiative était davantage axée sur la communication corporate que sur l’établissement de vrais partenariats. En interne, ce portail servait donc surtout d’outil de veille. Rectification de tir donc, jusqu’à la situation actuelle – bien plus satisfaisante – avec le même outil mais bénéficiant d’une approche plus ouverte. Aujourd’hui, 400 PME et start-ups sont référencées, ce qui donne lieu à 5 à 10 projets par an. Les appels à projets ne sont proposés que s’il y a un véritable budget en « aval », c’est la clé de leur réussite.

En effet, et Baptiste le Sueur insiste là dessus: la start-up attend du grand groupe plus que du « simple relationnel »: de vrais investissements, avec des lignes budgétaires sécurisées, et un partenariat structurant pour elle. Côté grand groupe, il y a un gros travail à mener sur les mentalités, quitte à remettre en cause certains points fondamentaux: propriété industrielle, règles d’achat et d’investissement à rendre plus souples … en tant que responsable Open Innovation, il faut donc s’armer de patience et travailler sur le temps long pour mettre en place des mécanismes flexibles, mais cela finit par payer.

En ce qui concerne la propriété industrielle, « sur notre marché [du nucléaire] on la garde pour nous, sur les autres vous faites ce que vous voulez » résume Baptiste le Sueur – car le nucléaire est finalement un marché restreint. Son conseil: ne pas être à cheval sur la propriété industrielle (onéreuse sur le long terme, et il faut être capable de la défendre). Le bon deal avec le grand groupe est de lui confier la défense de son brevet, tout en se partageant son utilisation.

Un Challenge Innovation qui ouvre des portes

Spécialisée dans la reconstitution d’univers virtuels 3D, la start-up Metaverse Concept est basée au Bivouac, à Clermont. Elle est lauréate du Challenge Innovation 2015 organisé par Engie à l’ESC Clermont; d’après Pascal Angelini, son co-fondateur, c’est ce qui a boosté la visibilité commerciale de l’entreprise.

Pascal Angelini, CEO de Metaverse Concept (Clermont)

Pascal Angelini, CEO de Metaverse Concept (Clermont)

Premières « portes » à s’ouvrir: celles du groupe Engie, qui bénéficie d’une politique d’Open Innovation très structurée à la fois au national et en local. Selon Pascal Angelini, c’est le dialogue avec les gens en local (en Auvergne, mais aussi dans d’autres régions comme en Corse) qui a été grandement facilité. Peu sur Paris …

Concrètement, de nouveaux marchés ont été rendus accessibles via la filiale Cofely Services de Engie, avec le développement d’un produit d’aide à la maintenance. D’autres clients hors industrie/énergie – tels que des banques – ont été « détectés » grâce au Challenge Innovation. Enfin, Engie permet à Metaverse Concept d’accéder à des événements tels que Viva Technology, ou des pitches auprès d’autres grands groupes.

C’est enfin grâce à Engie que Metaverse Concept a été choisie pour figurer dans la première promotion du Bivouac, le quartier numérique de Clermont. Et qu’ils se rapprochent d’une initiative comparable en Corse baptisée Inizia.

Le modèle allemand d’agrégation autour de la start-up

L’impression 3D métal est un marché exponentiel, qui voit la production doubler tous les trois ans. C’est le secteur choisi par Michelin et FIVES Machining pour développer une joint venture* en mode « co-création* ». Abdeslam el Harrak revient sur l’expérience de création de cette spin-off, dont l’objectif est bien l’agilité et l’accélération sur un marché très dynamique.

Abdeslam el Harrak, Business Manager Michelin IPO (Clermont)

Abdeslam el Harrak, Business Manager Michelin IPO (Clermont)

La taille de la structure aujourd’hui est un facteur important: 20 personnes, une forte autonomie, des moyens dédiés, une volonté de rayonner sur son marché. Mais une masse critique non suffisante pour de la R&D performante. D’où le choix d’agréger un écosystème autour de la start-up, en suivant le modèle allemand.

Quel est ce modèle ? En Allemagne, des structures industrielles aujourd’hui de très grande taille sont nées à partir d’un développement académique grâce à l’agrégation d’acteurs privés au sein d’un écosystème. Ces anciennes spin-offs ont leur propre vie désormais, mais continuent de s’appuyer sur le « back office » de leur écosystème de départ.

Michelin, à travers notamment son incubateur IPO basé au Bivouac de Clermont, amène une capacité de rayonnement et de connections importantes notamment auprès des acteurs publics tels que la Région ou la BPI. C’est un vrai effet de levier, en conclut Abdeslam el Harrak.

 

Le mot de la fin: ne pas empiler des start-ups dans des labs d’entreprises, mais se développer ensemble pour générer du business.

 

Questions/réponses sur l’Open Innovation

  • A qui est dédiée l’Open Innovation ? Pour tous acteurs économiques, privés (petites, moyennes, grandes entreprises) mais aussi les institutionnels (fondations, collectivités …). Cela dit, c’est sans doute peu naturel pour pas mal d’acteurs. Exemple du tissu économique auvergnat: un travail de vulgarisation et sensibilisation est nécessaire pour ouvrir peu à peu les acteurs (mission du Connecteur). Autre exemple: le Lab RH à Paris, qui prouve que le travail entre start-ups est aussi intéressant !
  • Quelle est la meilleure manière de pratiquer l’Open Innovation en entreprise ? Réponse de Philippe Ruffin: la première question est pour quoi faire ? (avant de parler du comment), or c’est parfois oublié voire jamais formulé. C’est néanmoins très important car cela permet de définir objectifs et marqueurs. Par exemple: l’incohérence du ROI financier en Open Innovation. Cela dit, faut-il la pratique en interne ou en externe ? Au CEA LETI, c’est fait en interne depuis 30 ans, avec une accélération du nombre de start-ups créées
    Le public à la première table ronde du Connecteur, le 27 juin 2016

    Le public à la première table ronde du Connecteur, le 27 juin 2016

    (de 2 tous les 5-6 ans au début, à 5 par an, ce qui est le maximum en interne). Aujourd’hui, le dispositif plafonne en interne, il est donc question de l’externaliser. De plus, en interne, les Business Units ont des contraintes court terme (rentabilité, efficacité), or la start-up est un investissement sur du long terme: cela génère trop de dissensions. Un accélérateur extérieur est une solution plus simple pour attirer des entrepreneurs externes qui ont une valeur ajoutée parfois incroyable – certains viennent avec une start-up en bonne voie cherchant un différenciant technologique. Au CEA LETI, le process est rodé, la hiérarchie impliquée, les budgets validés mais l’objectif reste l’accélération de la démarche entrepreneuriale

  • Quelle est la différence en Open Innovation avec les USA ?
    • Réponse de Frédéric Domon: aux USA, les grands comptes prennent plus au sérieux les start-ups, notamment à travers les montants investis mais aussi dans le mode de gouvernance. Exemple de Linda rachetée récemment par Linkedin: la start-up reste autonome mais le CEO de Linda est rentré au board de Linkedin. En France, on doit prendre au sérieux les start-ups, cela va au delà d’un petit billet de temps en temps (cas de The Family). La clé est le retour rapide pour la start-up. Le grand compte ne doit pas palabrer des mois simplement parce que ses process sont contraignants. Exemple des industries pharmaceutiques qui se tournent vers les start-ups pour des gisements d’innovation mais aussi une expertise plus pointue
    • Précision de Baptiste le Sueur: l’accès au financement doit être travaillé en France, à la fois en termes de facilité d’accès que de montants investis. Le sujet se travaille avec les grands comptes peu à peu, même si une évolution est notable dans notre pays.
    • Précision de Christophe Such (Orange/Startup Place): il ne faut pas monter une start-up dans le but de se faire racheter, le risque est trop grand de se planter. Les grands comptes ne doivent pas chercher les « coups », et privilégier dans la mesure du possible les start-ups locales – « si on n’est pas capable de faire bosser des start-ups régionales, c’est un vrai souci ». Il faut adapter les process internes, ouvrir les portes du grand compte pour servir de living lab* aux start-ups. Côté start-up, si « les grands comptes représentent [pour elles] une puissance de feu sympathique, même si l’activité est complètement différente », elles seraient lassées d’être trop souvent prises comme des outils de communication média par les grands comptes … ce qui ne génère pas de business pendant ce temps. La preuve en est des start-ups qui pivotent trop sur une longue période: c’est un aveu d’échec.

Prochains événements du Connecteur à l’automne 2016

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.