Changer l’alimentation de l’intérieur

Changer l’alimentation de l’intérieur

Nadia Cohen est cuisinière, conférencière et elle propose des ateliers de cuisine à domicile. Elle présentait avec LieU’Topie, à La Coupole de Clermont-Ferrand, une conférence gesticulée : « Notre alimentation, symbole d’un malaise social ? ». Elle parle des problèmes liés à l’alimentation, de son parcours et pourquoi elle a voulu devenir cuisinière.

Un parcours atypique

Nadia Cohen est issue d’une famille provenant de plusieurs ethnies différentes. Elle a grandi à travers plusieurs cultures et plusieurs visions du monde. Elle a surtout pu goûter et apprendre à cuisiner des plats provenant de plusieurs pays. Le temps du repas a toujours été le moment de réunion en famille qui pouvait calmer les tensions s’il y en avait. C’est pourquoi elle a toujours eu cette affection pour l’alimentation et la cuisine. Pourtant, elle ne connaissait pas la nutrition des grands restaurants. La seule fois où elle y est allée plus jeune, elle a ressenti du mal-être et restait sur sa faim. Une vision de la « grande cuisine » qu’elle souhaitait changer.

Malgré de grandes études en biologie, nutrition et santé (diplômée en Master 2) elle décide de se former à la cuisine, à 32 ans, en voyant comment sont nourris les enfants dans les cantines et dans le monde associatif. Pour sa réorientation, elle cherche à trouver des femmes qui pourraient l’inspirer dans ce milieu. Elle s’aperçoit alors du manque de modèles féminins en cuisine. Il n’y a que très peu de cheffes étoilées dans le guide Michelin (33 sur 628 en 2020) avec 6% de femmes qui sont cheffes de « grands restaurants ». Les chiffres évoluent heureusement avec le temps. Nadia trouve de l’inspiration en la personne de Julia Sedefdjian. Elle aussi, possède des origines différentes qu’elle met en évidence dans sa cuisine.

Les constats d’une alimentation néfaste

Transformée

Concernant la cuisine qui permet de servir un grand groupe de personnes, dans les cantines par exemple, ou dans les restaurants accueillant un grand nombre de clients, l’accès au goût est « dilué », voire faux (avec des exhausteurs des goûts). Le but de Nadia Cohen est de faire de la qualité même pour « 300 couverts ». C’est ce qu’elle faisait pendant un temps où elle a travaillé en tant que restauratrice au sein d’une collectivité. Elle était choquée par la mousse au chocolat qui était faite avec une sorte de poudre qu’il fallait mélanger avec de l’eau. 

L’utilisation du catalogue de semences pour les agricultures de fruits et légumes a aussi été dénoncée par Nadia. Ce catalogue créé en 1932 recense les semences qui sont autorisées à la vente, pour les agriculteurs, car elles sont contrôlées par l’État. Mais, non seulement cela empêche les agriculteurs de commercialiser des nouveaux types de semences très intéressants, mais en plus, cela restreint la biodiversité.

La biodiversité souffre de cette façon de produire hors saison, mais également, hors-sol. Par exemple, les noisettes qui servent à la confection du Nutella provenaient du Piémont (Italie). Maintenant, la marque s’approvisionne également avec des noisettes du même type mais cultivées en Chine.

L’alimentation contrôlée

La grande distribution propose beaucoup d’importations d’aliments exotiques. Ils nous sont vendus « hors saison ». Il devient normal de manger des fraises en hiver comme en été. Nadia constate donc un manque d’éducation sur ce sujet. Il y a aussi une hiérarchisation des produits de consommation, causée par les publicités. Les produits de marque, plus chers, sont comme des produits de luxe, même si les apports, les produits et le goût d’un produit est équivalant à sa « sous-marque ». Les pubs poussent à manger de la “malbouffe”, ou, au contraire, poussent à faire des régimes, notamment en s’attaquant entre eux. Le lobby du sucre qui attaque le lobby du gras par exemple. C’est ce entraine des problèmes de santé, comme la boulimie, soit d’anorexie dans certains cas.

Se jouant de notre métabolisme

Pour déculpabiliser, Nadia informe que c’est normal que les humains préfèrent la nourriture calorique. Le gras fait fonctionner le « circuit de la récompense ». Celui-ci s’actionne grâce à la génétique, façonnée par notre passé. Pour survivre, il fallait ingérer des calories pour avoir de l’énergie. Avec une vision plus anatomique, le sucre et le gras libèrent de la sérotonine (pour le gras) et de la dopamine (pour le sucre). Des hormones qui nous permettent de nous sentir calmes et heureux. Cela peut entraîner un mauvais fonctionnement de notre microbiote. Mais, s’’il est nourri correctement, il libère lui aussi de la sérotonine pour nous récompenser. Notre intestin porte bien son nom de « deuxième cerveau ». Avec ces deux moyens d’obtenir cette hormone de la récompense, cela peut mener à de la dissonance cognitive. C’est-à-dire, que l’on a du mal à choisir si l’on privilégie « l’envie contre le bon » (pour la santé).

La dévalorisation des travailleurs de l’alimentation

En travaillant dans le secteur de l’alimentation, Nadia Cohen a pu se confronter à la dévalorisation des métiers de l’alimentation. Et à tous les niveaux. Une amie agricultrice lui a fait part de son travail, qui est très dur, mais qui n’offre pas de revenus convenables. Et ça, c’est pour les agriculteurs « raisonnés », là où certains, font de l’agriculture intensive avec des animaux maltraités. Nadia Cohen évoque la différence qu’elle a constatée pour des poulets, achetés 0.82 € à l’agriculteur et vendus 12 € en supermarché. 

Elle partage aussi sa mauvaise expérience en tant qu’ouvrier culinaire dans un grand magasin. Le genre de travail où elle ne faisait que peser et mettre dans une boîte 80 grammes de carottes râpées avant de passer le tout à l’employé suivant. Un travail basé sur le taylorisme, du travail à la chaîne répétitif et dévalorisant. Elle a aussi parlé de la période où elle s’occupait de cuire des poulets. Si l’un d’eux perdait, ses cuisses, par exemple, il devenait invendable et devait être jeté. Non seulement, c’est un manque de respect aux éleveurs, mais aussi aux personnes qui aimeraient pouvoir le consommer, comme Nadia à l’époque, qui avait peu d’argent à ce moment-là et aurait bien voulu le garder.

Et maintenant ?

Pour ne pas avoir de supérieure hiérarchique, car elle ne supporte plus cette idée, Nadia Cohen a fondé sa propre entreprise en 2016 : Cuist’home. Avec cette entreprise, elle évolue en tant que traiteur à domicile, donne des cours et cherche à développer des recettes sur demande. Elle veut permettre à chacun de s’éveiller au goût. C’est pourquoi elle met en place, des dégustations ou des « plats suspendus ». Les « plats suspendus » sont une pratique encore trop méconnue qui permet à un client de payer un plat pour qu’une autre personne, plus démunie puisse manger sans qu’elle n’ait à le payer. Pour réaliser certains contrats, elle met en place des partenariats avec d’autres restaurateurs. Ce qui a permis de développer un réseau de restaurateurs. Elle cherche à changer les métiers de l’alimentation de l’intérieur, à son niveau.