Alors que circule, encore jusqu’au 5 octobre, l’appel à candidatures pour intégrer la nouvelle promotion de l’incubateur Hub-Ic, Le Damier organisait une matinée « Innovation & Entrepreneuriat dans les industries culturelles et créatives ». Une occasion de revenir sur tous ces mots, parfois méconnus de ceux qui découvrent l’existence d’un écosystème local d’accompagnement. Et de lever questionnements et freins. Notamment sur ce critère, toujours présent dans les appels à candidatures, l’innovation.

L’innovation, levier et boussole des incubateurs

L’innovation n’est pas qu’un mot-valise. Dans les incubateurs et accélérateurs, elle devient un critère stratégique, une boussole pour trier, accompagner et faire grandir les projets. Exemple avec Le Damier et Clermont Auvergne Innovation, deux acteurs complémentaires qui structurent l’écosystème entrepreneurial auvergnat.

De l’émergence à la croissance

Qu’est-ce qu’un incubateur ? Et pourquoi leur rôle est devenu si central dans la dynamique entrepreneuriale ? Ces structures accompagnent les projets au moment où tout reste fragile : l’émergence. Leur objectif n’est pas seulement d’apporter des conseils techniques. Il s’agit aussi de créer les conditions pour qu’une idée se transforme en entreprise viable. Un incubateur intervient donc en amont de la création. Il offre un cadre pour poser les bases du projet, tester sa pertinence, explorer différents modèles. Et surtout donner au porteur les moyens de prendre du recul. À l’inverse, un accélérateur prend le relais après la création, quand l’entreprise a déjà trouvé son socle et cherche à croître rapidement. Les deux dispositifs forment une chaîne stratégique. L’incubateur réduit les risques d’échec prématuré, l’accélérateur aide à franchir un cap de développement.

L’innovation comme critère fondateur

Dans ce parcours, l’innovation n’est pas un slogan, mais un critère de sélection et un guide. Elle se définit d’abord par ce qu’elle n’est pas : reproduire l’existant. Pour Le Damier, cluster des industries culturelles et créatives (ICC) à l’origine de l’incubateur UBIC, l’innovation peut être :

  • technologique (nouveaux outils, détournement de technologie),
  • sociale (répondre à un besoin collectif),
  • territoriale (ancrage et impact local),
  • artistique et culturelle (formats inédits, récits nouveaux, émotions partagées)

« Notre secteur est intrinsèquement innovant, rappelle Nathalie Miel, directrice du Damier. La créativité est au cœur des ICC. Les projets que nous accompagnons ne sont pas toujours technologiques, mais ils apportent quelque chose de nouveau, d’utile et de différenciant. »

Comment caractériser l’innovation ?

C’est Yannick Izoard, Directeur général de Clermont Auvergne Innovation et Nathalie Miel, directrice du Damier qui se sont prêté au jeu du décryptage de ce qui est considéré comme innovant dans leurs secteurs respectifs. Chacun s’accorde à reconnaître que l’innovation est devenue un mot valise autant qu’un sésame.

Du laboratoire au territoire

« L’innovation, c’est ce qui transforme une invention en valeur, ce qui passe du labo au marché », rappelle Yannick Izoard, directeur de Clermont Auvergne Innovation. Longtemps, cette valeur a été assimilée à des indicateurs économiques : chiffre d’affaires, rentabilité, compétitivité. Mais la définition a évolué. «Aujourd’hui, on ne peut plus la réduire à un produit ou une technologie. Il faut intégrer les dimensions sociales, environnementales et culturelles. » Autrement dit, une innovation qui détruit plus qu’elle ne crée ne mérite plus vraiment son nom.

Les ICC, laboratoire vivant

Pour Nathalie Miel, directrice du Damier, l’innovation est au cœur même des ICC. « La créativité est intrinsèquement innovante. Les projets que nous accompagnons inventent des usages, des modes de relation, des manières de travailler qui sortent des cadres établis. » Elle cite des exemples concrets : une application qui met en lien musiciens, lieux et publics, un lieu créatif inclusif pour des personnes neuroatypiques, un café-galerie écoresponsable. Ici, l’innovation n’est pas un gadget technologique mais une façon différente d’imaginer et de structurer une activité. Au-delà de la viabilité économique, le Damier recherche la valeur symbolique des projets. Il s’agit de projets qui « portent une vision, qui vont créer des émotions » et qui sont capables de « raconter les choses autrement » et d’ »imaginer de nouveaux récits », typique des ICC qui sont aux avant-postes des grands enjeux sociétaux.

Complémentarité et coopération

L’exemple de Synegram est assez révélateur – même s’il est assez exceptionnel- de la manière dont s’articulent les expertises et se complètent les acteurs. Synegram c’est un projet « pédagogique » de réinvention de l’apprentissage musical par la synesthésie (formes et couleurs au lieu du solfège). D’abord accompagné par Le Damier dans la phase d’émergence, le projet a ensuite été orienté vers Clermont Auvergne Innovation pour consolider sa proposition de valeur et explorer des outils technologiques (IA, mathématiques) avec un laboratoire de recherche.

« L’innovation, ici, n’était pas technologique au départ mais bien dans l’usage et la méthode », souligne Yannick Izoard. « Notre rôle a été de mettre en relation le porteur avec les chercheurs pour renforcer la robustesse de son projet.» «Pour nous, ajoute Nathalie Miel, c’est la preuve que la coopération entre structures permet d’ouvrir des portes et d’accompagner les projets au bon moment, selon leur maturité. »

Ce type de passage de relais évite la dispersion et illustre une spécificité du territoire : chaque acteur a son rôle et les coopérations se construisent sans rivalité. «  Clermont et sa région sont caractérisés par une forte coopération, un climat bienveillant et efficace, reconnu au niveau national », insiste Nathalie.

Anticiper les transformations

Innovation, donc, mais au service de quoi ? Le Damier a lancé la démarche prospective Déjà Demain pour réfléchir aux chocs à venir : transformations des métiers, gouvernance partagée, transition écologique. L’innovation devient ici un outil d’anticipation et de résilience pour des filières souvent fragiles.

Au final, parler d’innovation aujourd’hui, ce n’est plus seulement brandir une invention technologique. C’est s’intéresser à l’usage, à l’impact et à la manière dont un projet s’inscrit dans son territoire. En Auvergne, l’innovation prend le visage de la coopération et de la créativité collective. Un processus plus qu’un résultat, et peut-être une condition de survie pour les industries culturelles et créatives.

Lire aussi « Dans la peau d’un incubé » sur le ressenti de l’intérieur des porteurs de projet de la précédente promotion.