Les tarifs des énergies ne cessent d’augmenter forçant le gouvernement à prendre des décisions coûteuses comme le gel à 4 % du prix de l’électricité pour 2022. La campagne présidentielle relance le débat sur la stratégie énergétique de la France et de l’Europe dans les prochaines années.
Les questions écologiques et énergétiques deviennent indissociables des enjeux sociétaux de notre pays. Le scénario Négawatt ainsi qu’un des scénarios RTE présentent une option “100 % renouvelable”.
Quel impact aurait la production locale d’énergies sur le territoire et pour les habitants ? L’heure de la démocratie énergétique, a-t-elle sonné ?
Des projets d’énergies renouvelables voient le jour un peu partout sur les territoires. Parallèlement à ces développements, des contestations plus ou moins virulentes de la part de certains citoyens et riverains font surface. Le NIMBY, Not In My Back Yard, ou ‘ok, mais pas dans mon jardin” est un phénomène qui se développer partout dans le monde et aussi ici en France. Il interroge sur les stratégies à mettre en place pour favoriser l’acceptabilité d’une production d’énergie au niveau local, condition indispensable à l’essor des énergies renouvelables.
En octobre dernier, la publication des différents scénarios de RTE a suscité de vifs débats autour du mix énergétique stratégique pour la France et plus largement l’Europe. L’option 100 % renouvelables a été peu commentée, jugée irréaliste par de nombreux experts.
L’association militante Négawatt propose une approche quasi-identique à celle de RTE dans son cinquième rapport. « L’option 100 % renouvelables est présentée comme un scénario crédible par RTE. Elle vient donc confirmer celui que nous portons. Cependant, pour que cela fonctionne, nous avons un prérequis qui se base sur le triptyque indissociable : sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables », précise Philippe Bertrand, ambassadeur Négawatt pour l’Auvergne.
À Clermont-Ferrand, l’union de la gauche avec les Verts aux dernières élections municipales a renforcé la place des grands enjeux de transformation écologique. Rémi Chabrillat, élu EELV, est adjoint à l’énergie et à la construction durable des bâtiments à la ville de Clermont-Ferrand. « Nous misons sur le développement des réseaux de chaleur et la rénovation énergétique des bâtiments publics. Concernant les énergies renouvelables,, nous en mettrons partout où on le pourra. Cependant, on travaille avec un cadre de contraintes et des budgets qui ne sont pas extensibles à l’infini. Nous venons également en appui aux démarches portées par d’autres entités privées et citoyennes comme Vichy Ombrières ou Combrailles Durables. »
En Auvergne, des initiatives citoyennes voient le jour comme celle de Combrailles Durables. “Nous sommes une coopérative citoyenne énergétique avec une gouvernance 100 % citoyenne. Nous portons des projets photovoltaïques sur toiture depuis 2009. N’importe quel citoyen peut investir dans le projet, mais il n’y a pas d’enjeu financier, pas de retour sur investissement. C’est un acte militant qui permet une montée en compétences des sociétaires sur les sujets autour de l’énergie.”
Pour atteindre les objectifs visés par le scénario 100 % renouvelables, des installations devront se déployer un peu partout en France pour permettre un maillage efficace du territoire. “Il faut déployer la bonne énergie au bon endroit. Ce sera de l’éolien, de l’hydraulique, de biomasse ou de la biométhanisation en fonction des ressources naturelles disponibles”, prévient Philippe Bertrand.
La question de l’acceptabilité citoyenne de tels projets est un des enjeux majeurs pour la filière. Pour EELV, “Il faut convaincre sans contraindre. Nous devons développer des outils de participation citoyenne pour acculturer aux enjeux de sobriété et d’ENR. La convention citoyenne en cours à Clermont-Ferrand, est pour nous une approche intéressante. »
« L’acceptabilité ça se travaille », nous explique Valérie Sol. « Le collectif citoyen a un avantage, il est citoyen. Cependant, il est illusoire d’imaginer qu’il sera le modèle dominant dans les années à venir. Il faut imaginer de nouvelles collaborations. Nous avons de plus en plus de contacts avec de gros développeurs d’installation ENR. Ils souhaitent intégrer les citoyens dans la gouvernance, mais ne savent pas comment s’y prendre. Ils ont besoin de notre expertise éprouvée depuis plus de dix ans. »
Même constat du côté de GRDF Innovation. “Nous avons mis en place un Living Lab national autour de l’acceptabilité citoyenne pour favoriser le développement de nouveaux projets d’unités de biométhanisation qui se développent sur les territoires. Aujourd’hui, ça coince du côté des riverains. A travers cette cette méthodologie d’innovation participative, nous mettons le citoyen au cœur de la démarche”, insiste Philippe Métais du Département Innovation et Data de GRDF.
Le concept de démocratie énergétique et participative se développe de plus en plus. Il cherche à rapprocher le citoyen des décisions prises sur des choix énergétiques qui auront nécessairement un impact social. Aujourd’hui, acte militant, l’implication citoyenne dans la gouvernance des projets ENR, permet-elle un accès juste et équitable à l’énergie ? « Un projet citoyen rapporte au moins deux fois plus au territoire. Le territoire garantit et maximise les retombées du projet grâce aux prestations locales et aux revenus issus de l’investissement des collectivités et des citoyens”, affirme Valérie Sol.
Pour Rémi Chabrillat, « Aujourd’hui, on injecte l’énergie produite dans le réseau public, demain, on peut très bien imaginer une production et une consommation en circuits fermés dans des logements collectifs ».
Le sujet de la transition énergétique n’est pas uniquement une question de choix de mix stratégique. Le concept de démocratie énergétique existe déjà dans sa partie théorique, sa mise en œuvre pratique, elle, reste à inventer. Il faudra parvenir à imaginer une nouvelle organisation, où la place et le rôle de l’Etat, de la collectivité, du secteur privé, seront rééquilibrés.
