Hoang Dang, ESC Clermont Business School et Aymen Turki, ESC Clermont Business School
Aujourd’hui, il nous faut à tout prix réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 45 % en moins de sept ans pour atteindre les objectifs climatiques, et le capital-risque (Venture Capital ou VC) apparaît comme le support financier le plus efficace pour développer des solutions naissantes indispensables. En effet, le VC est une forme particulière d’investissement puisque les capitaux-risqueurs (VCs) financent des jeunes entreprises voulant révolutionner un secteur d’activité en développant des innovations de rupture.
Après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris en 2015, ces investisseurs se sont d’ailleurs intéressés de plus en plus aux start-up des « énergies propres », que l’on regroupe sous l’appellation « ClimateTech » (anciennement « CleanTech »). Les levées de fonds dans la ClimateTech ont en effet décollé pour atteindre 70 milliards de dollars en 2022. La grande majorité de ces financements ont été réalisés sur les critères de l’investissement « à impact », qui vise à générer des impacts positifs et mesurables sur l’environnement ou la société et en même temps des rendements financiers.
Contrairement aux VCs classiques qui n’ont qu’un unique objectif de rendement financier, les investisseurs à impact veulent accomplir une mission, dans le cas présent, la réduction des émissions de GES. Ils sont ainsi plus susceptibles d’accepter les niveaux de risque et durées d’immobilisation plus élevés de la ClimateTech et donc d’augmenter les chances de succès des entreprises.
Rares succès
Cette tendance est-elle durable ou constitue-t-elle un simple feu de paille ? Il semble légitime de se poser la question si l’on considère le krach qu’a connu le secteur il y a plus de 10 ans. En effet, dans la deuxième moitié des années 2000, attirés par les perspectives économiques du protocole de Kyoto entré en vigueur en 2005, les fonds de capital-risque se ruèrent sur les start-up de ce que l’on appelait alors la CleanTech. Malheureusement, dès 2011, les financements se raréfièrent, faisant tomber les entreprises du secteur une à une.
Comme à peu près 90 % de ces jeunes pousses échouent, les VCs répartissent leurs risques en investissant des montants limités par projet. Par ailleurs, les très rares succès doivent retourner des plus-values substantielles, souvent supérieures à dix fois le montant investi, pour espérer dégager un rendement compris entre 25 % et 35 % sur un horizon de 5 à 10 ans. Ces plus-values sont effectuées soit par la vente des entreprises à de plus grands groupes du secteur soit par des introductions en bourse.
Dans le cas de la CleanTech, les VCs y ont englouti 25 milliards de dollars entre 2006 et 2011, et selon des chercheurs du MIT, plus de la moitié serait partie en fumée. Sans surprise, le taux d’échec a été très élevé comme pour tout investissement en VC. Il s’est néanmoins révélé largement supérieur à ceux de l’industrie du logiciel et du médical sur la même période. Parallèlement, les rendements ont été ridiculement faibles, voire négatifs si on exclut l’acquisition de Nest Labs pour 3,2 milliards de dollars par Google en 2014. Enfin, les montants et la durée de réalisation des investissements ont allégrement dépassé les normes des VCs.
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La recherche avance deux principales raisons à cette déroute. Premièrement, les VCs ont dérogé à tous leurs principes d’investissement. Ils ont, en effet, dissipé leurs fonds dans des technologies non éprouvées et gourmandes en capitaux. Par exemple, les autrefois géants des cellules photovoltaïques à couches minces, Nanosolar, Solyndra et Miasole ont levé plus de 2,2 milliards de dollars tandis que ceux des biocarburants, Kior, Amyris et Enerkem ont attiré environ 1,5 milliard de dollars.
Dans les deux cas, ces technologies n’ont pas atteint le seuil de production industrielle et donc n’offraient pas de débouchés commerciaux suffisants. Par conséquent, ces start-up sont tombées en faillite ou ont été vendues pour une bouchée de pain peu après leur introduction en bourse.
Deuxièmement, le protocole de Kyoto ne pouvait soutenir la viabilité économique de la CleanTech. En effet, les réglementations environnementales, pour être effectives, doivent favoriser l’émergence d’innovations commercialement compétitives et plus productives. Or, sans marché et malgré les subventions massives des lois américaines de 2005 et 2007,les CleanTech du solaire, éolien, hydraulique et nucléaire ont été poussées à la banqueroute par l’électricité bien moins chère produite à partir du gaz et pétrole de schiste.
Un environnement désormais plus favorable
Aujourd’hui, plusieurs éléments montrent que, désormais, ce nouvel engouement semble plus durable. D’abord, en tant qu’investissement à impact, la ClimateTech ne se cantonne pas à un seul secteur comme la CleanTech mais touche désormais toutes les activités émettant des GES comme l’énergie, bien sûr, mais aussi les transports, la construction, la production manufacturière, l’agriculture et la distribution. Cette diversification devrait favoriser l’émergence de champions et donc à la fois réduire les risques et augmenter les rendements.
Ensuite, notons que l’Accord de Paris tente de corriger les principaux défauts du protocole de Kyoto. Tout d’abord, les signataires reconnaissent que le changement climatique est un problème global et non limité aux pays développés. Chaque pays s’engage sur des contributions déterminées au niveau national mesurables et actualisées tous les cinq ans et non sur un objectif de 5 % fixe et identique pour tous.
Enfin, l’article 2c met l’accent sur le rôle primordial de la finance et de sa nécessaire évolution. Ces principes ont résulté dans l’instauration de taxes sur le carbone, de systèmes de trading de carbone fonctionnant comme des taxes indirectes, et de normes de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) pour les entreprises et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour les investisseurs. Tout ceci contribue à construire un environnement économique favorable et plus solide pour la ClimateTech.
Hoang Dang, Professeur affilié de finance, ESC Clermont Business School et Aymen Turki, Professeur de finance, ESC Clermont Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.