Abdelouahed Zine, l’as de l’auto

Abdelouahed Zine, l’as de l’auto

Abdelouahed Zine a choisi l’entrepreneuriat comme mode de vie. Dès 18 ans il a choisi de se mettre à son compte pour vivre de sa passion : l’automobile. Aujourd’hui à la tête d’un garage, il partage avec nous son parcours et ses ambitions.

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Abdelouahed, vous avez ouvert l’As de l’Auto en février 2016. Cette passion de la voiture ne date pas d’hier. Racontez-nous un peu votre parcours.

Alors sans vous surprendre, j’ai été jeune comme tout le monde. J’ai toujours vécu et grandi au quartier Saint-Jacques. J’ai eu un parcours un peu compliqué, ponctué de deux sixième. On peut dire que je n’étais pas très bon à l’école. 
En quatrième, j’ai voulu entrer en apprentissage pour apprendre le métier de plombier.
Malheureusement j’ai du abandonner suite à un grave accident de voiture. Pourtant ça n’a pas entamé ma passion pour l’automobile. Je me suis lancé dès mes 18 ans dans ce secteur et je me suis tout de suite dit que c’était un boulot qui me plaisait. J’ai eu un garage à Lempdes pendant deux ans avant de le fermer et de partir m’installer à Marseille. J’ai ouvert une épicerie de fruits et légumes mais plus tard j’ai ressenti le besoin de retourner aux sources, à Clermont-Ferrand.
C’est là que j’ai créé mon activité d’achat-vente de véhicules d’occasion « L’as de l’auto » à Cournon d’Auvergne.

Aujourd’hui vous avez un garage l’As de l’auto. Pourquoi avoir changé votre activité ?

 Je me suis dit assez rapidement « tiens pourquoi ne pas ouvrir un atelier mécanique ». J’en avais marre de donner une bonne partie de ma marge aux garagistes. Je ne voulais plus avoir de sous-traitant.
Au final j’ai totalement abandonné l’achat-vente. Les gens aujourd’hui sont compliqués. Ils sont à la recherche de ce qui n’existe pas. Un véhicule récent mais pas cher. C’est impossible et ça crée des frustrations.

Au final vous avez toujours eu une âme d’entrepreneur ?

En dehors des mes entreprises, j’ai eu d’autres expériences professionnelles. J’ai travaillé sur des chantiers, j’ai eu des formations et titres professionnels de caristes, de grutiers, mais au final la voiture me rappelait à chaque fois.
Au fond, je n’ai jamais eu envie d’être salarié, de travailler pour quelqu’un. Je voulais être à mon compte, je me sentais apte et capable.
Avec le statut d’auto-entrepreneur, les démarches sont simplifiées, on ne prend pas vraiment beaucoup de risques.
Et puis de toute manière si on a peur d’y aller, et bien il faut mieux éviter et choisir le salariat.

Vous avez débuté seul votre activité. Aujourd’hui vous avez deux salariés. Ca change beaucoup de choses non ?

J’ai embauché mon premier mécanicien il y a un an et le second est arrivé il y a trois mois. 
Avoir des salariés à gérer ça change tout. Tout devient plus compliqué. Quand on est seul on fait ce que l’on veut, à trois il faut s’organiser. Et sans compter les charges,  elles sont vraiment élevées en France et c’est un véritable problème.
Quand on débute une activité, il faut un minimum de rentabilité, avoir les reins solides. Je suis gérant non-salarié. Je me rémunère une fois par an en fonction des bénéfices de l’entreprise.

Comment travaillez-vous ? Comment est-ce que vous vous faites connaître ?

Ici tout fonctionne au bouche-à-oreille et à la recommandation. Mes employés viennent du quartier Saint Jacques. 90% de mon chiffre d’affaires provient des vendeurs de véhicules d’occasion de la zone (de Cournon d’Auvergne), ce sont des amis, des connaissances. On a crée un réseau de professionnels et on travaille ensemble.

On a compris que la voiture, c’est votre passion, mais derrière votre bureau il y a deux médailles. Qu’est ce qui vous anime en dehors de votre activité professionnelle ?

 Le football, c’est un truc de famille. Les deux médailles, ce sont celles de ma nièce et de la fille de mon mécano. 
J’ai fait du football dès l’âge de 5 ans. J’ai même joué au Clermont Foot pendant 4 ans dans les années 2000. J’aurais voulu en faire mon activité professionnelle mais la vie en a décidé autrement.

Qu’est ce qui vous rend le plus fier en tant qu’entrepreneur ?

Ce qui me rend fier c’est ma réussite. Je suis fier d’avoir tenu tête à mes parents. Si je les avais écouté, je serais parti à la recherche d’un emploi stable, d’un CDI. Ils avaient peur que je me casse la figure. C’est normal, ce sont des parents, ils se font du souci pour leurs enfants.

Qu’est ce qui est le plus compliqué pour vous ?

Savoir si on aura toujours du boulot demain. S’il n’y a pas assez d’activité, de ne pas pouvoir payer mes ouvriers.
Je pense être un bon patron, je fais passer mes employés en premier, ce qui n’est pas le cas de tous les dirigeants qui pensent d’abord à s’en mettre plein les poches.
Même si je suis à l’aise avec tout le monde, tel un caméléon, être entrepreneur et maghrébin, on ne va pas se mentir, c’est plus compliqué. Parfois je reçois certains appels ou j’ai des visites de clients potentiels et quand ils découvrent que je suis marocain, je ne les revois plus. C’est comme ça, il faut faire avec, ça ne me touche plus.

Vous êtes dans la zone commerciale de Cournon, depuis tout à l’heure je vois passer plein de monde. Ici c’est comme un village non ?

Nous sommes onze dans le bâtiment. Je suis le deuxième à être arrivé ici. Avec le propriétaire nous avons développé une véritable relation de confiance. Je suis un peu son bras droit. Quand il y a de petits problèmes, des petites bricoles à régler, les autres occupants passent d’abord me voir. Si on peut régler ça directement sans déranger à chaque fois le propriétaire, c’est mieux. Je fais ça bénévolement, je n’attends rien en retour. C’est juste pour donner un coup de main. 

Avez-vous une personne en tête qui vous inspire ? Une sorte de modèle ?

Oui, le propriétaire. Il a vraiment bien réussi. Quand on voit aujourd’hui ce qu’il a en immobilier, c’est le fruit de son travail. Pour moi ça c’est la réussite.
Et puis il y a aussi mon papa. Lorsqu’il est arrivé en France dans les années 70, il touchait 400 francs par mois et il devait quand même en envoyer une partie à son père au Maroc. Deux ans plus tard, il gagnait 800 francs mais à ce moment il fallait aussi qu’il subvienne aux besoins de sa femme et de sa fille.

Aujourd’hui le mot « patron » est souvent décrié. Qu’est ce qui fait un bon patron en 2019 ? 

Il faut être compréhensif et flexible. Par exemple avec mes salariés, s’ils ont un rendez-vous chez le médecin ou le dentiste, ce n’est pas décompté.
S’ils doivent pour des raisons familiales ou personnelles s’absenter deux jours, ce ne sera pas non plus décompté.
Je connais leur rentabilité journalière. Ici c’est une petite maison familiale, l’essentiel à la fin c’est que le travail soit fait.
Sinon, une à deux fois par semaine je les invite à déjeuner. Et autre petit détail qui n’en n’est pas un, dans l’atelier il y a la climatisation. Je ne suis pas sûr qu’il y ait un autre garage comme cela dans la zone. Ce sont de bonnes conditions de travail.

Quelles sont vos prochaines étapes ?

Prendre une secrétaire au mois de septembre. J’ai beaucoup trop d’administratif à gérer. Je suis à l’atelier toute la journée du lundi au vendredi et je n’arrive pas à me dégager du temps pour aller à la banque ou n’importe quel autre rendez-vous. Je suis l’as du décalage de rendez-vous.
J’espère que mon activité continuera de se développer. Je vis au jour le jour mais j’ai des ambitions, des souhaits, des projets. J’espère qu’ils vont se réaliser. 
Je veux aussi donner un bon coup de pouce à mes parents. Ils m’ont beaucoup aidé et je veux leur rendre la monnaie de leur pièce.

Un dernier mot ?

Je suis content de m’être fait interviewé par quelqu’un qui sait faire son travail [Le Connecteur vous remercie du compliment]. 

Aujourd’hui les gens ne sont pas forcément professionnels, ni dans leurs compétences, ni dans leur savoir-être. Je déteste qu’on me fasse perdre du temps. Qu’un commercial débarque dans mon atelier sans même une brochure ou une carte de visite. Ce n’est pas sérieux.

Le message est passé ! Merci beaucoup Abdel.

 

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À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.