Thierry Debarnot : Gaming Campus Lyon une opportunité pour l’Auvergne

Thierry Debarnot : Gaming Campus Lyon une opportunité pour l’Auvergne

Thierry Debarnot est un entrepreneur du numérique. En 2018, il s’est lancé dans une nouvelle aventure en co-fondant Gaming Campus basé à Lyon. Spécialisé dans les métiers du jeu vidéo, ce campus propose une pédagogie innovante qui séduit de plus en plus. Gaming Campus vient d’ailleurs d’ouvrir une antenne à Paris.
Des Auvergnats de la Tech, comme Olivier Bernasson, fondateur de pecheur.com et Président de La French Tech Auvergne ou encore Tristan Colombet, fondateur de Prizee, Domraider et Turing 22, ont d’ailleurs choisi de participer à l’aventure. 

Bonjour Thierry Debarnot, avant de parler de Gaming Campus, est-ce que tu peux nous raconter un peu de ton parcours. Comment en es-tu arrivé à monter cette école ?

Alors tout d’abord, je n’ai pas monté ce projet seul, je suis accompagné par Valérie Dmitrovic et Jean-Baptiste Racoupeau. J’ai toujours évolué dans le monde de l’éducation et du numérique. En tant qu’étudiant, j’avais créé en 2005 un site de partage de contenus éducatifs qui s’appelait “Média étudiant”. Le spectre était large, du brevet jusqu’au premier emploi. 
Ce premier projet a pris de l’ampleur en 2011 suite à la fusion avec une agence digitale qui faisait des applis. De là, est née digiSchool. DigiSchool est le leader des révisions d’examens et de l’orientation avec une position forte sur mobile et une communauté de 3 000 000 membres actifs.
J’ai revendu ma participation dans digiSchool en 2017 et à partir de ce moment-là, j’ai commencé à chercher une nouvelle aventure. 

Comment est-ce que tu es tombé dans le jeu vidéo alors ?

J’ai 37 ans, mais j’ai été gamer étant adolescent. C’était dans les années 2000, on jouait à Counter-strike et Age of Empire. Je me suis donc rappelé à mes souvenirs d’ados, remis à jouer, et découvert un secteur énorme avec un potentiel méconnu.
Le jeu vidéo est le bien culturel qui génère le plus de revenus au niveau mondial ($300 milliards selon Accenture, soit le secteur de la musique et du cinéma cumulés). Il a énormément évolué ces dernières années et touche un public de plus en plus large.
En interrogeant certains acteurs, tous m’ont dit qu’ils avaient énormément de mal à recruter des jeunes talents bien formés. C’est un secteur en croissance qui évolue vite, et il n’existe encore aujourd’hui que très peu de formations sur l’ensemble des nouveaux métiers (monétisation, programmation, game artist). C’est ainsi que l’on a créé Gaming Campus en 2018.

Gaming Campus, c’est sympa comme nom, mais qu’est-ce qu’il y a derrière ? 

Nous avons décidé de nous concentrer sur les besoins des entreprises à travers trois typologies de métiers : 

  • Le développement informatique : les programmeurs
  • Les métiers artistiques : c’est-à-dire celles et ceux qui vont habiller les jeux.
  • Le volet business : une école pour apprendre à vendre les jeux vidéo

Nous avons créé trois écoles spécialisées pour chacune des typologies de métiers.
Tout d’abord G. BS, une école de commerce pour former aux enjeux et aux métiers du jeu vidéo. Nous proposons des bachelors généralistes, mais aussi des MBA très spécialisés.
Ensuite, G. Tech, une école d’informatique qui forme des développeurs spécialisés dans les jeux vidéo.
Enfin, G. Art, une école d’art qui propose un cursus de game artist et de spécialisation aux nouveaux métiers créatifs.

source : Gaming Campus

On est sur des métiers très nouveaux, est-ce qu’il existe des enseignants spécialisés dans le jeu vidéo ? Comment est-ce que l’on enseigne “le jeu vidéo” ? Comment avez-vous construit vos programmes ? 

Nous fonctionnons en mode projet à 100 %. Il n’y a pas d’amphi, ni de cours magistraux. Nous avons mis en place une méthodologie qui fait ses preuves: une semaine, un projet. À la fin de l’année, ça représente 17 projets. Chaque projet est encadré par des professionnels en activité.
Les cours sont basés sur une mise en application des apprentissages. En amont du projet, les étudiants vont recevoir des contenus à parcourir, des mooc, des livres, tout un tas de ressources ainsi que le cahier des charges du projet. Ils doivent se préparer pour être en mesure de faire aboutir le projet en une semaine. A la fin du projet, ils ont une soutenance devant un jury puis un débriefing.

On connaît les jeux vidéo depuis des décennies, mais aujourd’hui on entend de plus en plus parler de l’Esport. Quelle est la différence entre les deux ? Pourquoi cette distinction ?

Le jeu vidéo, c’est avant tout un loisir culturel. L’esport, c’est la pratique compétitive du jeu vidéo. Alors que le jeu vidéo génère 300 milliards de dollars de chiffre d’affaires, l’esport ne représente aujourd’hui qu’un milliard de dollars.
Pourtant, c’est un secteur qui se développe très rapidement, et qui se professionnalise. Comme tout domaine d’activité en hypercroissance, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérive. 

La pratique est aussi différente non ? A quoi ressemble un esportif ? 

On reste sur le cliché de l’ado boutonneux alors que ça n’a rien à voir. C’est aussi un secteur qui doit apprendre à se décomplexer. Dans l’esport, nous n’avons pas des joueurs, mais des athlètes de haut niveau. Il faut savoir jouer en équipe, parler couramment anglais, prendre des décisions en quelques microsecondes.
L’esport permet de développer de nombreuses compétences, au-delà de la maîtrise du jeu. Ça nécessite un véritable entraînement.

D’ailleurs, c’est aussi pour ça que vous avez aussi une Gaming Academy. Vous dites qu’elle n’est pas en lien direct avec Gaming Campus ? Quelle est la différence ? 

Oui. Gaming academy, c’est une autre marque. Elle s’adresse aux amateurs et aux professionnels.  Par exemple, si vous voulez progresser dans les jeux vidéo, on vous propose un accompagnement, du coaching collectif comme à l’école de ski.
Mais ce n’est pas que cela, on va jusqu’à l’esport études (sur détection, gratuit). Nous avons cette année une promo de douze étudiants. L’objectif, c’est de les entraîner pour qu’ils deviennent joueurs professionnels. Cette année, huit sont spécialisés dans League of Legends et quatre dans Fortnite.

L’école est basée à Lyon, et se développe à Paris. On dit que la région AURA est assez en pointe sur le sujet. D’où cela vient-il ? 

Historiquement, Infogrames et Atari sont nés à Lyon. Ils ont marqué le secteur du jeu vidéo, ce sont de véritables précurseurs en France. Ensuite, toute l’industrie s’est développée. Aujourd’hui, la région est un terreau fertile pour tous les acteurs de ce secteur.

On entend souvent parler du manque de diversité dans les promotions des métiers de la tech et par extension du jeu vidéo. Est-ce que c’est aussi le cas chez vous ? Vous avez mis en place des programmes spécifiques face à ce constat ? 

Finalement, on retrouve sur Gaming Campus les mêmes proportions que dans les écoles d’ingénieurs “traditionnelles”. Nous avons environ 10 % de femmes sur le campus.
Pour ce qui est du coût de la formation, et donc de la possibilité d’intégrer nos écoles, nous négocions avec les banques des prêts avantageux, on propose l’alternance en 5e année, on essaye de faire au mieux. Personnellement, je rêve que l’enseignement supérieur privé puisse être subventionné par l’Etat. 

Thierry ? Et l’Auvergne dans tout ça ? Un Gaming Campus à Clermont ?

Il y a déjà beaucoup d’étudiants de Clermont-Ferrand et sa périphérie au Gaming Campus de Lyon. Nous concentrons nos investissements sur nos deux campus (Lyon et Paris). Nos campus nécessitent de lourds financements afin de créer des conditions d’apprentissage idéales.

Est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur des projets éventuels dans un futur pas trop lointain ? 

Nous allons lancer la formation continue (pour les professionnels) à la rentrée. Ainsi, tous les professionnels pourront se former aux nouvelles technologies liées au jeu vidéo, via leur CPF.
Notre offre de formation sera aussi accessible à celles et ceux qui veulent tout simplement se faire plaisir en découvrant comment on crée un jeu vidéo tout en faisant l’acquisition de compétences liées à la transformation digitale. Les formations seront possibles en ligne, à la demande (cours du soir ou en journée) et toutes encadrées par un coach reconnu. Informations à suivre sur GamingCampus.fr.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter M Debarnot ?

Vous voulez comprendre l’impact de l’esport chez les jeunes ? Suivez les interactions sur Twitter de l’équipe esport du moment, la KCORP. L’engagement de leurs fans est probablement supérieur à beaucoup d’équipes de football et surtout bienveillant.

Dans la tête de Thierry Debarnot

Ta définition de l’innovation : Risque, Sens, Passion.

Une belle idée de start-up : Ce n’est plus une startup mais j’ai envie de mentionner Ubisoft. Une entreprise familiale historique française avec une forte appétence à innover et qui investit beaucoup sur les talents 

La start-up qui monte : Trois pour le prix d’une : Old Skull Games un studio de jeux vidéo qui a le vent en poupe ; EVA.gg le futur de l’esport, fulllife la gameswear company pour le cadeau de Noel 2021.

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : sur Twitter : afjv, french Twitch office et Gaming Campus évidemment.

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : Challenges, ça peut paraître banal mais j’adore depuis des années, et sur l’éducation ils ont souvent des scoops avec Kira Mitrofanoff.

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : Koh Lanta et Pekin Express, je suis ultra fan.

La femme qui t’inspire/experte : Ma femme, insitutrice & agricultrice.

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Tristan Colombet et Olivier Bernasson, au stade Marcel-Michelin, ça fait trop longtemps que je ne les ai pas vus (covid inside).

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.