C’est la dernière ligne droite pour la convention citoyenne de Clermont-Ferrand. Du 1er au 19 juin, les clermontois.es se prononcent sur les propositions à mettre en oeuvre en priorité dans le prochain budget municipal. Cette démarche, inspirée de la Convention Citoyenne pour le climat, propose une nouvelle méthodologie dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Un modèle qui se développe de plus en plus en réponse à la crise démocratique qui secoue le pays depuis plusieurs années déjà.
Avant de parler de la convention citoyenne de Clermont-Ferrand, pouvez- vous nous raconter votre parcours ?
J’ai grandi dans une famille nombreuse avec trois sœurs et deux frères à Chambéry en Savoie. Je viens d’un milieu modeste et nous habitions dans un quartier HLM. Mon père était engagé, et très jeune, je me suis intéressée aux questions d’actualité et de politique. Au lycée, j’étais déjà consciente des inégalités et des discriminations.
J’ai poursuivi à l’Université de Grenoble en licence de sociologie, puis en master professionnel en aménagement du territoire et ingénierie du développement territorial. À travers ce master, je voulais apprendre à agir et à mettre en œuvre des projets, pour être dans le concret.
À quel moment est-ce que vous “rencontrez” cette notion de participation citoyenne ?
J’ai fait plusieurs stages en QPV et j’ai également fait mon mémoire de recherche sur le sujet de l’Empowerment dans les quartiers populaires. C’est-à-dire, comment est-ce que l’habitant peut agir sur son cadre de vie.
Après une expérience à Feyzin dans le Rhône, j’ai postulé en 2018, à une offre de la ville de Clermont-Ferrand pour m’occuper du budget participatif. Aujourd’hui, nous n’allons pas tarder à lancer la 3e édition.
Quel est le lien entre le budget participatif et la convention citoyenne de Clermont-Ferrand ?
Il y a eu la volonté de proposer une approche de démocratie participative pour permettre l’expression de celles et ceux qui sont souvent peu représentés dans les instances traditionnelles, comme les jeunes ou les classes populaires.
Nous avons pu constater que le budget participatif permettait beaucoup plus de diversité et de mixité que d’autres dispositifs existants. C’est un nouveau mode de participation qui permet de s’investir sur un projet concret, pour un temps limité.
De plus, à cette époque, il y a eu également la convention citoyenne pour le climat. On a trouvé ça intéressant et innovant et nous avons décidé de nous en inspirer pour l’appliquer au local.
Retour d’expérience sur la convention citoyenne avec un élu et une conventionnée
Qu’est-ce que c’est, concrètement une “convention citoyenne” ?
Ce qui caractérise une convention citoyenne, pour moi c’est son approche en plusieurs étapes. D’abord, une formation qui est proposée aux participants, ensuite la délibération ou le débat. Enfin, la dernière spécificité, c’est le tirage au sort d’un panel représentatif.
Notons qu’une convention citoyenne ne débouche pas forcément sur des projets très innovants. Son intérêt avant tout, est de permettre de mettre en place des projets partagés avec la population dans sa diversité.
Pouvez-vous nous expliquer les différentes étapes d’une convention citoyenne ?
Elle a débuté en novembre 2021, et s’étire sur 6 mois, nous arrivons à la fin de la démarche. Nous avons tiré au sort 70 Clermontois sur différentes listes pour avoir, la parité, des habitants de tous les quartiers, et 30 % de jeunes entre 16 et 30 ans. Chacun d’entre eux a reçu un courrier adressé par le maire pour leur proposer de participer à cette démarche. Il fallait qu’ils se rendent disponibles un week-end par mois.
Le maire, Olivier Bianchi a choisi d’indemniser chaque habitant à hauteur de 20 € par jour. C’est un engagement qui demande beaucoup d’investissement.
Comment une collectivité s’organise-t-elle pour porter ce genre d’initiative ?
La convention est portée par le Direction Innovation participation de la ville de Clermont-Ferrand. Nous sommes six dans l’équipe. Nous étions trois personnes mobilisées sur toutes les sessions et toute l’équipe était présente pour la première et la dernière session. Au sein de notre direction, nous avons une expertise sur les méthodologies de concertation.
Pour que ce soit efficace, il faut également embarquer les autres directions de la ville et de la métropole. De plus, il est essentiel d’associer les directions techniques qui sont expertes de leurs sujets.
Quels sont les temps forts de cette convention citoyenne de Clermont-Ferrand ?
Lors de la première session, nous avons présenté les enjeux globaux de l’écologie de la transition sociale et démocratique. Pour la deuxième session, on identifie des sujets plus précis. Ensuite, on travaille les thématiques. Lors de l’avant-dernière session, il faut confronter de manière positive les propositions aux agents de la collectivité afin de vérifier leur faisabilité.
Nous voulons éviter de reproduire les erreurs de la convention pour le climat. Pour la convention citoyenne de Clermont-Ferrand, nous avons veillé à garder le lien tout au long du processus avec les élus et techniciens, pour que les mesures qui émergent puissent être réellement mises en œuvre.
Vous êtes entrés dans la dernière phase de la convention. Qu’est-ce qui est sorti de cette convention ?
Les citoyens ont finalisé leurs 40 mesures lors de la dernière session fin avril. Ils ont pu débattre avec les élus et parfois amender certaines propositions.
En ce moment, c’est l’heure de la consultation numérique ouverte à tous les habitants de Clermont-Ferrand.
Nous avions déjà consulté les Clermontois en février sur les problématiques qui leur semblaient importantes de traiter avant tout. C’est donc une seconde phase qui a débuté le 1er juin et qui se termine le 19 juin.
Une fois la période de vote clôturée, comment est-ce que cela va se passer ?
Le vote n’entraîne pas l’exclusion des propositions. Il permet de donner plus ou moins de poids à certaines mesures en fonction du nombre de votes recueillis. À l’automne, ce sera la dernière étape. À savoir, le calendrier des mesures et le budget alloué à chacune des propositions. Il faudra sûrement retravailler la faisabilité opérationnelle de certaines mesures.
Qu’est-ce qui vous a marqué pour cette première expérimentation clermontoise ?
Lors de la dernière session, nous avons donné la parole aux membres de la convention. Il y a eu des retours très positifs. Ce qu’ils ont vraiment apprécié, c’est de pouvoir échanger avec des personnes très différentes, aux points de vue divers. Des personnes qu’ils n’auraient jamais rencontrées dans leur vie quotidienne.
Pour nous, c’est très stimulant puisque c’était un peu le pari de départ. Si notre société est divisée, c’est parce que l’on se rencontre peu. Avec la convention citoyenne, ils ont créé des liens assez forts. Certains auraient souhaité que ça se poursuive plus longtemps.
Par ailleurs, ils ont également pris conscience de la complexité de la construction des politiques publiques. Ils ont pu rencontrer des élus, se rendre compte de leur travail sur le terrain. Que leurs missions étaient bien plus larges et ne se limitaient pas aux inaugurations. Ça a vraiment permis de changer leur représentation de l’élu.
Et après ?
Ça ne s’arrête pas à la dernière session. Les conventionnés seront présents au Conseil municipal pour le vote du budget à l’automne. Ensuite, nous allons mettre en place un comité de suivi.
C’est l’instant carte blanche, vous avez quelque chose à ajouter ?
Sur les questions de démocratie participative, les villes sont motrices bien que l’on soit encore plutôt en phase d’expérimentations. A chaque nouvelle édition, nous essayons de nous améliorer mais nous ne sommes pas encore entrées dans une habitude et dans une méthodologie éprouvée.
Du côté des citoyens, on constate une véritable envie de s’investir, même si parfois les citoyens ont tendance à s’auto-censurer parce qu’ils ne se sentent pas légitimes. Nous leur expliquons que ce sont des usagers et qu’ils ont donc une expertise d’usage qui doit être considérée.
Personnellement, je pense qu’aujourd’hui, pour faire face à l’abstention, on ne peut pas faire sans les dispositifs participatifs. Il faut réinventer la manière de gouverner à toutes les échelles, au local comme au national. Cependant, on ne peut pas faire de la participation partout et tout le temps. C’est est un outil complémentaire de la démocratie représentative.
Dans la tête de Roseline
Ta définition de l’innovation : Innover; c’est trouver une solution à un problème ciblé d’une nouvelle manière. Soit il s’agit de trouver une solution nouvelle, soit de la mettre en place d’une autre façon que d’habitude (par exemple en associant les habitants). On peut innover par le procédé aussi.
Une belle idée de start-up : une application qui permettrait de savoir à quelles démarches participatives on peut participer en tant que citoyen à l’instant T, à l’échelle locale comme nationale
La start-up qui monte : Domissori
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : twitter, linkedin, france culture, les réseaux de la démocratie participative ( réseau national des budgets participatif et réseau de la participation),
Une recommandation pourx s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : le magazine Alternatives économiques, livres : « L’empowerment, une pratique émancipatrice ? » de Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener; « La démocratie de l’abstention » de Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, « Quand les banlieues brûlent » de Laurent Mucchielli et Véronique Le Goaziou
Documentaire LCP » Les 150 – des citoyens s’engagent après la convention citoyenne pour le climat »
Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : la série « Brooklyn 99 »
une femme qui t’inspire/experte : Michelle Obama
L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Chantal Lauby