De plus en plus d’actifs s’interrogent sur leur avenir. Changer de voie, se former à de nouvelles compétences, les interrogations sont multiples. Transition Pro accompagne les salariés dans leur souhait de reconversion professionnelle depuis plusieurs décennies. Christelle Chaudron, responsable de l’espace de Clermont-Ferrand partage son regard sur l’évolution des besoins des salariés du privé.
Avant de parler du sujet de la reconversion professionnelle, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Christelle Chaudron, je suis une Auvergnate, pur produit ! J’ai intégré le FONGECIF après la fac de psychologie et une spécialisation en ingénierie de formation. J’ai eu la chance d’évoluer dans la structure. Aujourd’hui, je suis responsable de l’espace territorial « Transitions Pro » de Clermont-Ferrand, suite à la fusion Auvergne et Rhône-Alpes en 2017.
Transitions Pro a été créé en 2020 dans le cadre de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La vocation de l’association d’intérêt général est de soutenir la mobilité professionnelle des actifs de la région.
Quelles sont les missions de Transitions Pro désormais ?
Nous soutenons tous les salariés relevant du secteur privé à travers 5 dispositifs pour favoriser la transition professionnelle. Cela peut passer par le financement d’une formation pour changer de métier au sein de son entreprise. Il y a aussi la possibilité de se reconvertir dans un autre métier ou dans un autre secteur d’activité. Nous finançons également la Validation des Acquis de l’Expérience. Enfin, nous étudions également les projets de reconversion ou de création d’entreprise.
Par ailleurs, nous organisons les jurys d’examen du dispositif Transitions collectives. Il permet aux entreprises en difficulté ou rencontrant des problématiques de mutation des métiers de proposer des solutions via la reconversion professionnelle.
En toute honnêteté, je ne connaissais ni le FONGECIF, ni Transitions Pro. Qui peut venir frapper à votre porte ?
Tous les salariés du secteur privé, en CDI, en CDD, intérimaire, intermittents du spectacle et quel que soit leur secteur. C’est inscrit dans la Loi.
Par exemple, une employée en grande distribution qui souhaite changer de métier peut construire son projet professionnel en étant accompagnée par des structures partenaires. Ensuite, elle peut venir nous voir pour bénéficier d’un financement pour sa formation certifiante. Si son dossier est accepté, elle bénéficiera d’un congé et du maintien de son salaire, tout ou partie, pendant sa formation. Son entreprise continuera de la rémunérer et sera remboursée par Transitions Pro.
Mais encore faut-il que l’employée soit au courant de ce droit à la formation…
Tous les deux ans, l’entreprise est tenue d’organiser un entretien professionnel entre le salarié et l’employeur. Le volet formation professionnelle doit obligatoirement être mis sur la table.
Dans la réalité, ces éléments ne sont pas toujours évoqués. Parce que l’entreprise ne connait pas bien les dispositifs existants, ou parce que le salarié n’ose pas parler de ses envies face à son employeur. L’entreprise pourrait aussi prendre peur de voir un salarié qualifié quitter l’entreprise. Pourtant, agir de la sorte est un vrai risque sur le long terme. Le monde du travail est en pleine évolution ainsi que les attentes des salariés ; les dernières années l’ont fortement démontré.
On entend parler de grande démission ou de changement de vie, est-ce une réalité que vous avez pu constater ?
On constate que les salariés se reconvertissent de plus en plus tôt. Il y a aujourd’hui une prise de conscience de l’importance d’exercer un métier qui plait. Il faut qu’on s’y sente bien et qu’il soit en phase avec ses valeurs. D’ailleurs, les jeunes n’hésitent pas à se réorienter si les premières années d’expérience professionnelle n’ont pas été satisfaisantes.
J’ai été assez surprise quand en mai 2020, en plein confinement, nous avons eu un nombre important de demandes de salariés souhaitant démissionner pour créer leur entreprise. Des personnes étaient prêtes à quitter leur emploi dans un contexte incertain pour mener à bien un projet entrepreneurial.
Nous avons eu également sur cette période des demandes de cadres qui avaient envie de vivre et de travailler différemment. Avec un côté “retour à la terre”.
De plus, aujourd’hui, nous sommes dans un contexte où le marché de l’emploi se porte bien, les besoins de recrutement sont importants. Ceci offre un cadre plus sécurisé pour changer d’emploi.
Pour ce qui concerne les métiers moins qualifiés, nous avons deux types de profils. Soit des personnes qui veulent se reconvertir complètement, soit des personnes qui veulent évoluer dans le même secteur. Par exemple, une auxiliaire de vie qui veut devenir aide-soignante.
Ce que l’on constate surtout, c’est qu’il y a une aspiration sociétale autour de la recherche de sens. Les gens ne veulent plus forcément rentrer dans une entreprise à 20 ans pour y faire carrière.
Certains secteurs d’activité sont en tension et ont de vraies problématiques de recrutement. On entend beaucoup que “les gens ne veulent plus travailler”.
Ce que l’on constate surtout, c’est qu’il y a une aspiration sociétale autour de la recherche de sens. Les gens ne veulent plus forcément rentrer dans une entreprise à 20 ans pour y faire carrière. Le salarié de demain changera plusieurs fois de métier au cours de sa carrière, soit par choix, soit contraint par des évènements de vie.
En effet, les métiers sont bousculés et se transforment. Il y a une nécessité à se former tout au long de la vie. D’une part, parce que des mises à jour régulières sont nécessaires, d’autre part, parce que les aspirations évoluent dans une vie.
Est-ce que les entreprises ont pleinement conscience de la nécessité de repenser l’évolution de leurs salariés?
Certaines oui et de plus en plus, et d’autres non. De nombreuses entreprises sont aspirées par les problématiques quotidiennes à gérer, et l’on ne peut pas les blâmer pour cela. Les plus clairvoyantes savent qu’une stratégie en matière d’accompagnement et de formation de leurs salariés servira leur marque employeur et leur permettra de recruter plus facilement.
De plus, on parle beaucoup aujourd’hui de la responsabilité sociétale des entreprises. La formation est intimement liée à la RSE de l’entreprise. Or, celle-ci est désormais incontournable. Nous travaillons de plus en plus avec les entreprises pour les sensibiliser au sujet de la reconversion professionnelle. Il faut aborder le sujet plus positivement et non pas qu’en cas de plan social.
D’ailleurs, nous travaillons sur un nouveau projet actuellement. Face au problème de recrutement, nous sommes en train de développer un outil permettant d’aider les entreprises à recruter des personnes en reconversion par la mise en relation de salariés en cours de formation et des entreprises en recherche de personnel.
On parle également beaucoup du chômage des seniors. Ce sont souvent eux qui sont contraints de se reconvertir, or, les entreprises ne jouent pas forcément le jeu.
L’employabilité des seniors va devenir un enjeu majeur. D’une part, en raison du possible recul du départ à la retraite. D’autre part, par la nécessité pour les entreprises de conserver ses salariés très expérimentés sur un marché du travail très tendu. En effet, le temps où l’on se disait que l’on pourrait remplacer un salarié expérimenté par un jeune de moins de trente ans plus efficace et moins cher, c’est terminé. Il faut que les entreprises acceptent de modifier leurs critères de recrutement.
Se reconvertir est une démarche complexe, comment allez-vous au devant des publics cibles ?
Nous proposons tout un panel de services gratuits pour les salariés. Par exemple, nous organisons plusieurs fois par semaine dans nos locaux un atelier “destination pro”. Il s’agit d’un atelier en petit groupe de 6 personnes animé de manière très ludique et interactive. Les participants sont invités à reconstituer la fresque de la reconversion professionnelle qui permet de comprendre le chemin pour mobiliser les dispositifs.
Nous proposons également des rendez-vous pour évoquer le projet de formation du salarié pour qu’il soit le plus adapté possible au besoin du salarié.
Par ailleurs, nous allons participer à plusieurs événements à la rentrée. Nous serons présents aux portes ouvertes de l’Afpa le 22 septembre, à la semaine de la VAE fin septembre et pour la semaine de l’illettrisme également.
Avec de nombreux partenaires, nous organisons la journée de la reconversion professionnelle le 8 novembre. Nous serons aussi présents au forum de la Fédération des métiers de la pharmaceutique en novembre également.
Et pour conclure, dans les actualités, Transitions Pro va également changer de locaux à Clermont, fin octobre pour s’installer dans des locaux en rez-de-chaussée, avenue de la République pour être plus visible et accessible des salariés.