Les Industries Culturelles et Creatives occupent déjà une place de choix dans la stratégie de développement économique de la Métropole Auvergnate. La candidature à la Capitale Européenne de la culture est l’opportunité de se projeter dans un futur souhaitable pour nos territoires. Une plongée prospective avec Nathalie Miel, directrice du Damier.
Est-ce que tu peux nous présenter Le Damier en quelques mots?
Le Damier est un cluster d’entreprises dédiés aux Industries Culturelles et Créatives. Les ICC rassemblent tous les secteurs économiques où la créativité est au cœur de l’activité.
Nous avons quatre missions principales : fédérer, développer, promouvoir et innover. Aujourd’hui, le Damier, c’est 70 entreprises réparties sur le périmètre géographique ex région Auvergne, même si 80 % de nos adhérents se trouvent sur la métropole clermontoise.
Quelles relations entretenez-vous avec les collectivités ?
Nous collaborons avec Clermont Auvergne Métropole depuis notre création en 2011, et de façon plus poussée à partir de 2018. À cette époque, l’agence d’urbanisme coordonnait un projet européen où la collectivité était engagée avec une dizaine de villes de taille similaire. L’objectif était de réfléchir ensemble à des actions pour recréer de l’emploi sur les territoires. Chaque territoire avait sélectionné un domaine spécifique. Pour Clermont Auvergne Métropole, c’était les Industries Culturelles et Créatives et le numérique.
Par exemple, dernièrement, la CAM a signé une convention avec le Centre National de la Musique pour la diffusion d’un appel à projets afin de favoriser l’émergence de nouveaux acteurs économiques dans le secteur musical. On ne parle pas ici de productions artistiques, mais d’entreprises œuvrant dans le secteur de la musique et du numérique.
Quelle est la place du Damier dans la candidature Capitale européenne de la Culture?
Une première présentation des grandes lignes du projet a été proposée aux acteurs culturels il y a quelques semaines. Le dépôt du dossier devrait se faire début janvier, et sera donc communiqué au grand public à ce moment-là. En effet, Il ne faut pas oublier que nous sommes en compétition avec d’autres villes de France.
Néanmoins, ce que je peux vous dire, c’est que le Damier a travaillé sur le sujet avec ces adhérents à travers des ateliers de prospective. C’était une sollicitation de l’équipe “Capitale Européenne de la Culture”. Nous avons réalisé deux ateliers participatifs et rédigé une synthèse pour venir nourrir le projet.
Est-ce que tu peux nous résumer ce qui a été proposé dans cette synthèse ?
Oui, voici quelques extraits de ce que nous avons rédigé sur le volet “Quelle place pour les ICC en 2028 ?
Tout d’abord, on imagine les ICC comme une filière stratégique reconnue sur tout le territoire du Massif central. Elle est inscrite comme tel dans les objectifs économiques de la Métropole depuis 2018, sur la base d’études montrant tout son potentiel (données territoriales de l’agence d’urbanisme).
→ C’est une filière hybride, caractérisée par des croisements intersectoriels et favorisant un décloisonnement :
Tout d’abord entre les acteurs des ICC. Egalement avec d’autres secteurs d’activités : création artistique, entreprise, technologie, numérique, enseignement, innovation… Sur le territoire, l’hybridation et les croisements intersectoriels sont au service d’une meilleure articulation de l’offre culturelle entre rural et urbain. Le décloisonnement favorise la co-conception et la médiation avec les publics.
→ C’est une filière engagée et active dans le développement durable, social et éco-responsable :
Des avancées considérables auront été menées en termes de créations durables et respectueuses de l’environnement. Les acteurs seront pleinement engagés sur les sujets sociétaux. Un fonctionnement en réseau d’économie circulaire sera favorisé.
→ Qui s’incarne dans de nouveaux lieux :
Un lieu « totem » pour les ICC pour une meilleure visibilité des acteurs, favoriser la rencontre, les collaborations et le partage. Apparition de nouveaux lieux, plus petits, avec une programmation d’événements qui s’adressent à de plus petites communautés. Remise en cause des lieux culturels traditionnels : questionner la fin d’un modèle conventionnel au profit de nouveaux lieux centrés sur la collaboration et l’expérimentation.
On entend beaucoup parler d’un lieu dédié à l’innovation dans les ICC…Pourquoi est-ce si important ?
Nous ne sommes pas assez outillés en Auvergne. La question d’un pôle de visibilité revient régulièrement dans les échanges avec nos adhérents.
Imaginez un lieu qui rassemblerait les 70 adhérents du Damier ! Que se passerait-il si toutes ces compétences se croisaient au quotidien. Je suis persuadée que des projets innovants verraient le jour régulièrement !
Quand on voit ce qui s’est fait à Nantes sur les anciens chantiers, ça fait rêver ! Nous avons eu la chance de visiter ce lieu incroyable avec Clermont Auvergne Métropole. Le choix stratégique de développer les ICC il y a une vingtaine d’années a porté ses fruits. Il a changé l’image de la ville de Nantes. C’est devenu une des villes les plus attractives de France.
Suite à la concertation dans le cadre de la candidature, comment le Damier a-t-il choisi de s’emparer des conclusions des ces ateliers ?
Aujourd’hui notre pilier “innovation” s’oriente plutôt du côté de la transformation”. Nous voulons accompagner nos adhérents à anticiper les métiers de demain et les mutations. Chacun est conscient que le secteur va changer, mais dans une TPE ICC, il n’y a pas de collaborateur dédié au sujet du développement durable et de la transition.
Ainsi, nous avons donc mis en place le cycle OBLIC (Observatoire et Laboratoire de l’Innovation Culturelle), dédié aux entreprises créatives innovantes et durables. Cela permet de sensibiliser sur ces changements et de les illustrer avec des bonnes pratiques. Parallèlement, nous avons proposé un accompagnement RSE à 10 entreprises adhérentes.
Nous avons fait ces choix, car lors de notre dernière concertation, pour la première fois, les adhérents ont affirmé vouloir jouer un rôle dans la transition écologique et sociale, dans une volonté de transformer et d’innover vers des modèles plus éthiques et durables.
Quel pourrait être le positionnement différenciant de l’Auvergne sur la filière des ICC ?
Là-dessus, nous avons une vraie carte à jouer du côté des greentech ! Nous avons rédigé le projet du Damier pour les prochaines années où nous affirmons notre rôle comme outil d’accompagnement des transitions, qu’elles soient écologiques, numériques, sociales etc…
De plus en plus de financements sont “éco-conditionnés”, ce qui pousse les professionnels à s’emparer des enjeux de développement durable. C’est une période très dynamique pour l’innovation.
Aujourd’hui, quand je présente le Damier et cette nouvelle trajectoire, je sens que ça résonne. D’ailleurs, ça nous a permis de déclencher de nouveaux partenariats. Nous accompagnons nos adhérents dans leur transition, mais nous faisons de même au sein du Damier. Par exemple, le prochain salon MIMA en est l’illustration concrète.
C’est un “vieil” événement dédié à la filière musicale, on en est à la 9ème édition. On s’en est servi comme une opportunité pour mettre en œuvre notre engagement RSE.
Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la filière ICC en Auvergne, quels sont les prochains rendez-vous du Damier ?
Tout d’abord le MIMA, le 22 novembre à la Coopérative de Mai de Clermont-Ferrand. On vous invite à venir découvrir notre tout premier éco-village et les acteurs de la filière musicale en Auvergne.
Ensuite, le 23 novembre, rendez-vous à Turing 22 pour “We are French Touch” le label soutenu par BPI France destiné aux acteurs ICC. Le temps d’une matinée, nous réfléchirons au rôle des ICC face à l’urgence climatique. Nous en profiterons pour présenter notre nouvelle promotion d’incubés HUBIC.
Enfin, nous pouvons déjà vous annoncer notre volonté d’organiser un événement d’envergure nationale en novembre 2023 sur la stratégie d’accélération des ICC poussée dans le cadre du Plan de relance. L’exception culturelle française est un enjeu majeur pour l’image de la France à l’international. Nous souhaitons faire un focus, à travers des tables rondes, des parcours thématiques, une matinée de prospective…C’est en cours de construction, nous vous en dirons plus très bientôt quand nous aurons avancé.