Il est le nouveau Président de la Fédération des Vignerons Indépendants de l’Allier. Installé depuis quelques années dans le Bourbonnais, Fabien Malavaud développe le nouveau Domaine de la Fontaine du côté de Saulcet. Egalement Président du Conservatoire des anciens cépages de l’Allier, il a une vision globale de la filière viticole. Il partage avec nous son regard optimiste sur le potentiel des vins de Saint-Pourçain dans le futur.
Avant d’aborder l’avenir des vins de Saint-Pourçain, parlez-nous de votre parcours …
Je suis originaire du Var et plus précisément de Hyères. J’ai fait le lycée agricole de Draguignan en alternance, dans un domaine important de La Londe-les-Maures. Ensuite, j’ai poursuivi avec un BTS viticulture et œnologie à Bandol, toujours en alternance. Après quelques années, je suis revenu vers La Londe-Les-Maures et je me suis installé, en 2018, avec deux associés sur 14 hectares de vigne.
Qu’est-ce qui vous a incité à “migrer” dans l’Allier ?
L’Allier a toujours eu une place spéciale dans mon cœur. Je m’y rendais fréquemment pour les vacances, ayant des amis à Fleuriel. Ce qui m’a véritablement attiré vers le vignoble de Saint-Pourçain, c’est son incroyable potentiel, à mes yeux bien supérieur à celui de la Provence où la concurrence est devenue extrêmement intense.
En 2019, après avoir cédé notre exploitation dans le Sud, j’ai pris la décision de m’installer dans le Bourbonnais pour reprendre les vignes du Domaine Gallas. Comme le propriétaire n’était pas encore à la retraite, j’ai entretemps occupé un poste au syndicat des viticulteurs de Saint-Pourçain, me permettant de m’immerger pleinement dans cette nouvelle aventure viticole.
Oui. Comme j’ai acheté une ferme du côté de Saulcet qui s’appelle la Fontaine, j’ai décidé de donner ce nom au vignoble. J’ai repris la moitié du domaine Gallas l’année dernière, et je vais bientôt récupérer l’autre moitié. Pour autant, ce n’est pas une reprise, c’est une création d’un nouveau domaine.
L’année dernière j’ai vinifié un AOC Saint-Pourçain Pinot-Gamay et un 100% Tressallier. A partir de l’année prochaine, je voudrais proposer deux blancs, deux rouges, un rosé et un vin effervescent méthode champenoise.
Aujourd’hui, vous êtes désormais un vigneron, avec le Domaine de la Fontaine de 14 hectares.
Effectivement. L’acquisition d’une ferme nommée la Fontaine, située à Saulcet, a été le point de départ de cette aventure. J’ai souhaité baptiser mon vignoble du même nom, en hommage à ce lieu chargé d’histoire et de potentiel.
L’année dernière, j’ai entrepris de reprendre une partie des vignes du domaine Gallas, et je suis sur le point de récupérer l’autre moitié. Cependant, il est important de préciser que mon projet va au-delà d’une simple reprise : il s’agit de la création d’un tout nouveau domaine. C’est une démarche qui combine respect du terroir et désir d’innovation.
En 2022, j’ai produit un AOC Saint-Pourçain Pinot-Gamay et un vin 100% Tressallier, mettant en avant la diversité et la qualité des cépages de notre région. Mon ambition pour l’année prochaine et au-delà est d’élargir notre offre avec deux vins blancs, deux vins rouges, un rosé et, pour la première fois, un vin effervescent élaboré selon la méthode champenoise.
Est-ce que vous avez prévu de développer d’autres projets annexes en lien avec le domaine ?
Je considère le volet œnotourisme comme essentiel à notre développement. L’intérêt croissant pour les escapades rurales, accentué depuis le premier confinement, nous offre une opportunité unique. Pour transformer l’Allier d’un simple lieu de passage à une destination de choix, il est crucial d’élargir notre offre, en mettant notamment l’accent sur les expériences autour du vin.
Côté vignoble, au printemps, je planterai 600 pieds de Saint-Pierre Doré. C’est un cépage autochtone qui était préservé au Conservatoire des anciens cépages et qui peut être très intéressant pour le futur.
Très bonne transition. Vous venez d’être élu Président de la Fédération des vignerons indépendants de l’Allier et vous êtes également Président du Conservatoire des anciens cépages. Pour commencer, expliquez le rôle de la Fédération, et qu’est ce que l’on veut dire par “vigneron indépendant” ?
Notre rôle, en tant que fédération locale consiste à collecter et à transmettre des statistiques pertinentes entre le siège de notre Confédération, situé à Paris, et les vignerons sur le terrain, ici, en local. Cette circulation d’informations est cruciale pour maintenir une vision claire et actualisée de nos activités et de nos besoins.
Quant au concept de vigneron indépendant, cela signifie qu’il fait tout de A à Z, de la plantation jusqu’à la dégustation. Sa création remonte à l’époque où les vignerons, membres de caves coopératives, étaient très bien structurés, à l’inverse des vignerons indépendants. La confédération des vignerons indépendants voulait faire contrepoids aux coopérateurs. Aujourd’hui, les relations se sont apaisées et les deux fédérations travaillent ensemble pour faire avancer les sujets communs.
Quels sont vos nouveaux grands chantiers en tant que président de la Fédération ?
C’est encore très frais. Il faut que je prenne mes marques. Je travaille beaucoup avec Corinne Laurent, l’ancienne présidente, qui est d’un grand soutien pour m’accompagner dans ce nouveau poste.
Mon objectif principal est d’unir les vignerons indépendants autour d’une vision commune. L’harmonie et la cohésion sont essentielles pour défendre efficacement nos intérêts et valoriser notre savoir-faire unique.
A l’heure du changement climatique, les conservatoires d’anciens cépages ont-ils un rôle majeur à jouer ?
Il existe des conservatoires un peu partout en France. Cependant, la plupart ont avant tout une vocation scientifique pour effectuer des travaux de recherches sur les méthodes de cultures. Souvent, c’est une simple parcelle, avec différents cépages, exploitée par un vigneron.
Notre conservatoire dans l’Allier est unique en France. Il est sous forme associative et c’est un véritable domaine viticole géré par un salarié. Si un aspect scientifique est bien présent, notre principal intérêt réside dans la préservation du patrimoine viticole. Nous considérons ce conservatoire comme un véritable vivier pour les vignerons de la région. Pour illustrer concrètement notre démarche, prenons l’exemple du Saint-Pierre-Doré. J’ai personnellement récupéré des bois de ce cépage pour les faire reproduire auprès d’une pépinière.
Nous conservons actuellement 14 cépages différents. Certains, comme le Tressallier, le Saint-Pierre-Doré et le Meslier-Saint-François, sont originaires de l’Allier. D’autres ont été cultivés dans le Bourbonnais à différentes époques. Au-delà de la préservation des cépages eux-mêmes, nous tenons également à maintenir vivantes les techniques culturales traditionnelles, qu’il s’agisse de la paille, du palissage ou de l’attachage.
Lorsque vous plantez ces anciens cépages sur vos parcelles, c’est pour préparer l’avenir ou pour les qualités gustatives de ces vins ?
Les deux sont liés. Pour les cépages blancs, le Saint-Pierre-Doré et le Meslier-Saint-François étaient cultivés il y a quarante ans. À cette époque, la maturité de ces cépages posait problème, atteignant difficilement les 9 degrés en novembre. C’est pour cela que l’on a basculé sur le Chardonnay et le Tressallier. Aujourd’hui, le Saint-Pierre-Doré monte à 11 degrés dès le mois de septembre. De plus, comme le débourrement est plus tardif, il y a moins de risques que les vignes soient touchées par les gelées de plus en plus fréquentes avec le changement climatique.
Pour vous quels sont les enjeux majeurs pour le vignoble de Saint-Pourçain dans le futur ?
Je ne suis pas d’un naturel alarmiste. Je pense que l’homme parviendra à trouver des solutions pour continuer à produire du vin. Néanmoins, il y a un vrai problème au niveau du recrutement de professionnels. On a beaucoup de mal à trouver du personnel qualifié. Cela peut s’expliquer par le manque de formations proposées en viticulture. De plus, nous avons un tout petit écosystème, où toutes les actions sont portées par un très petit nombre d’acteurs.
Dans le futur, j’ai envie de me rapprocher des lycées agricoles pour pouvoir intervenir et sensibiliser les étudiants sur l’intérêt d’une diversification viticole de leurs activités. Je ne crois pas qu’ils y pensent naturellement alors que la rentabilité par hectare est très intéressante.
Ensuite,il y a un travail à poursuivre pour redonner ses lettres de noblesse aux vins de Saint-Pourçain au niveau local. Alors que les vins saint-pourcinois sont très bien perçus à Lyon ou Paris, il existe encore certains a priori en Auvergne.
Il faut que l’on fasse mieux comprendre aux habitants qu’aujourd’hui, on ne fait plus le vin comme on le faisait hier. Il y a quelques décennies, on avait plutôt des profils d’éleveurs qui se diversifiaient avec un peu de vigne. En 2022, les nouvelles générations se sont formées. Elles sont allées voir comment ça se passait ailleurs et ce sont des vignerons à part entière. On a des vins d’excellente qualité !
C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?
Je le constate au quotidien, la réglementation viticole est très complexe et les choses ne vont pas en s’améliorant. C’est un vrai frein au maintien et au développement des vignobles français. Tout le temps que nous passons à gérer l’administratif, nous ne le passons pas à faire notre métier de vigneron.
D’ailleurs, des salariés très capables abandonnent l’idée de s’installer par peur de la charge administrative que cela va représenter.
Par exemple, la nouvelle réglementation sur les étiquettes de vin amène encore un peu de complexité de notre côté, moins de lisibilité pour le consommateur. De plus, ce sont de nouveaux coûts qui vont finalement se répercuter sur le prix de vente.