Cycle menstruel et performance des sportives

Cycle menstruel et performance des sportives

À l’approche des Jeux Olympiques, la recherche en sciences du sport se concentre davantage sur la performance des athlètes. Sarah Bagot est ingénieure agronome et doctorante, lauréate régionale de Ma Thèse en 180 secondes. Dans cet entretien elle nous dévoile ses études sur les variations de poids chez les sportifs ainsi que l’impact du cycle menstruel sur les sportives. Elle explore comment les fluctuations hormonales ovariennes influencent la dépense énergétique et la nutrition, et discute des moyens d’améliorer la préparation des sportives pour les compétitions internationales.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours depuis votre enfance ?

Sarah Bagot : Je suis née et j’ai grandi en région parisienne. Après un bac S mention très bien, j’ai suivi une classe préparatoire aux grandes écoles à Paris et passé les concours d’entrée en école vétérinaire. J’ai échoué de peu, mais cela m’a permis d’intégrer une école d’ingénieurs agronomes. C’est comme cela que je suis arrivée en Auvergne, à VetAgro Sup en 2017.

J’ai obtenu mon diplôme avec une spécialisation en agroalimentaire. Puis, j’ai effectué mon stage de fin d’études au centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse à Lyon. Il consistait à aider une doctorante à étudier les préférences alimentaires de personnes ayant bénéficié d’une chirurgie de l’obésité. Cette expérience a marqué mes débuts dans la recherche et m’a donné envie de construire mon propre sujet de thèse.

Je pratique le judo depuis mon enfance. Comme c’est un sport avec des catégories de poids, j’ai voulu étudier l’impact des variations de poids dans ce contexte. Après avoir effectué quelques recherches, j’ai découvert que le laboratoire AME2P à Clermont-Ferrand travaillait sur des sujets similaires. C’est ainsi que j’ai pu mettre en place un projet de thèse sur la “variation de poids chez les sportifs”, en tenant compte notamment des spécificités liées au cycle menstruel et aux besoins spécifiques des athlètes.

Quels sont les principaux axes de vos travaux de recherche actuels ?

Sarah Bagot : Le sujet de ma thèse s’articule autour de deux grands axes. 
Le premier axe concerne les variations de poids chez les sportifs en fonction des types de sport pratiqués, et notamment ceux avec des catégories de poids. Dans ces sports, les athlètes perdent souvent du poids juste avant la compétition, puis reprennent rapidement du poids après celle-ci. Chez les personnes non sportives, cette reprise de poids peut se faire sous forme de masse grasse. Ma question est de savoir si c’est également le cas chez les sportifs et sportives, et si cela a un impact sur leur métabolisme, leur nutrition, leur état psychologique et leurs performances.

Au-delà des sports à catégories de poids, j’étudie également les sports d’endurance qui sont souvent oubliés sur ce sujet. Pourtant, ces athlètes réalisent une période d’affûtage durant laquelle ils réduisent leur poids pour améliorer leurs performances.

Le second axe de ma thèse cherche à comprendre comment les variations hormonales liées au cycle menstruel et à la prise de contraception affectent la composition corporelle, la dépense énergétique, l’utilisation des glucides et des lipides par le corps, ou encore les apports alimentaires.

Pouvez-vous nous expliquer votre méthodologie de travail en laboratoire avec les sportifs et sportives ?

Sarah Bagot : Dans notre laboratoire, nous faisons venir des sportifs et des sportives pour effectuer des mesures dans différentes conditions. Cela commence souvent par l’évaluation de la dépense énergétique au repos. Ils arrivent le matin, à jeun, et nous les installons sur un transat avec un masque qui mesure le niveau d’oxygène consommé et le dioxyde de carbone expiré. Grâce à ces données, nous pouvons déterminer leur dépense énergétique et leur consommation de lipides et de glucides. Puis nous faisons des mesures similaires pendant un exercice physique et après un repas calibré.

Par exemple, pour l’étude spécifique des sportives, nous examinons s’il existe une différence dans les dépenses énergétiques entre les phases folliculaire et lutéale du cycle menstruel. Nous faisons également passer des questionnaires pour évaluer leur humeur et leurs habitudes alimentaires. La qualité du sommeil des sportives est mesurée à l’aide d’un bandeau placé autour de leur tête pendant qu’elles dorment.

Pour l’étude sur les variations de poids, nous avons inclus 48 sujets pratiquant différents types de sport : sports de combat, sports d’endurance et sports de force. Parmi eux, 28 hommes et 20 femmes. Concernant l’étude sur le cycle menstruel, nous avons inclus 35 femmes pratiquant le rugby et le football. Nous travaillons avec des sportives de bon et haut niveau avec des participantes de clubs tels que l’ASM Romagnat et le Clermont Foot 63.

Comment les sportives réagissent-elles à vos études sur le cycle menstruel et la performance ?

Sarah Bagot : Lors de leur participation à l’étude, elles se sont montrées très intéressées et ont posé de nombreuses questions. Elles voulaient savoir si certaines de leurs expériences étaient normales, ce qui montre une réelle curiosité et un besoin de compréhension. Il y a souvent une méconnaissance des différentes phases du cycle menstruel, même chez les sportives. 

Chez les footballeuses, certaines équipes ont déjà mis en place des adaptations dans les types d’entraînement en fonction des phases du cycle. Pour l’équipe de rugby, ce n’était pas encore le cas. Nous avons développé cela ensemble. Nous leur avons également fourni des fiches de bilan issues de nos analyses avec des recommandations alimentaires adaptées à leur situation. 

Quelles thématiques sont actuellement explorées en sciences du sport mis à part le cycle menstruel des sportives ?

Sarah Bagot : Avec l’arrivée des Jeux Olympiques, l’accent est beaucoup mis sur la performance. Personnellement, je préfère parler de bien-être plutôt que de performance. Notre laboratoire a d’ailleurs organisé un workshop international sur la physiologie de la femme et son métabolisme.

Le fait que les sportives parlent de plus en plus de ces sujets à travers des médias comme les réseaux sociaux contribue à libérer la parole. Cette exposition pousse les chercheurs et les professionnels à se pencher sur ces questions. Les premiers Jeux Olympiques paritaires arrivent enfin, ce qui est un grand pas en avant. Cela met en lumière des problématiques qui existent depuis toujours, mais qui ne sont toujours pas suffisamment étudiées ou prises en compte.

Quels conseils donneriez-vous aux sportives pour optimiser leur performance et leur bien-être ?

Sarah Bagot : Tout d’abord, apprendre à connaître son cycle menstruel, car chaque femme est unique. Certaines sportives ont des difficultés à performer à certaines périodes, ce qui peut affecter la confiance en soi. Comprendre que ces variations peuvent être simplement physiologiques aide à relativiser. Une bonne approche peut être de suivre son cycle pour identifier des phases qui se répètent ou non, et adapter l’entraînement et la nutrition en conséquence.

Il existe aussi des aliments à favoriser en fonction des phases du cycle. Les professionnels de santé (sages-femmes, gynécologues, diététiciens) peuvent fournir des conseils précieux pour aider à réduire les douleurs menstruelles et adapter l’alimentation. Par exemple, augmenter l’apport en fer et en vitamine C pendant les règles pour compenser la perte de fer et donc la fatigue.

L’hydratation est également un point crucial. Beaucoup de sportives ne s’hydratent pas suffisamment. Avant les règles, il y a une période de rétention d’eau, et pendant les règles, une perte d’eau liée à la perte de sang, ce qui augmente le besoin d’hydratation. Pour celles qui doivent respecter des catégories de poids, la rétention d’eau avant les compétitions peut rendre la perte de poids encore plus difficile.

C’est l’instant carte blanche, que souhaitez-vous partager ?

Sarah Bagot : Avec Nutrifizz, nous donnons une formation “nutrition sportive” destinée aux professionnels du secteur agroalimentaire. L’objectif est de permettre à ces professionnels de développer des produits adaptés aux besoins des sportifs. Nous voulons que les professionnels soient mieux informés et mieux préparés pour répondre aux exigences spécifiques des sportifs, en tenant compte des variations physiologiques et des besoins nutritionnels particuliers. Cette formation leur permettra d’affiner leurs connaissances et de proposer une offre adaptée aux athlètes dans les années à venir.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.