Le Connecteur avait interviewé Patrick Oliva en novembre 2020. Il lançait alors l’initiative Orbimob, un nom de code alors, puisqu’il n’envisageait pas, à ce moment là, de créer « une énième structure ». Son ambition ? « contribuer à faire de Clermont la capitale des mobilités territoriales durables ». Cinq ans après, le projet entre dans une nouvelle phase. Si certaines ambitions se concrétisent, d’autres peinent à se réaliser. Une évolution qui s’accompagne d’un changement d’échelle, d’une nouvelle méthode et d’un appel à la coopération.
Cinq ans après donc, Patrick Oliva, président de l’association Orbimob (lire l’interview de novembre 2020), dresse un bilan nuancé. Ancien directeur de la prospective chez Michelin, il avait imaginé ce projet comme un catalyseur d’écosystème pour faire du territoire de Clermont-Ferrand, de l’Auvergne et du Massif Central, un pôle de référence sur les mobilités territoriales.
J’ai le sentiment que nous avons l’opportunité de préempter ce domaine, de l’enraciner sur un territoire qui a la bonne maille en taille et nombre d’habitants. L’Auvergne c’est, peu ou prou, la Slovénie. C’est une maille pertinente, où l’on peut agir en commun et ce, même si les orientations politiques des différentes ‘couches’ institutionnelles sont différentes. Il y a une vraie capacité à dialoguer, une facilité à se rencontrer…
Aujourd’hui, certaines ambitions se concrétisent, d’autres peinent encore à trouver leur forme.
Trois objectifs, des trajectoires contrastées
Lors du lancement d’Orbimob, trois axes majeurs avaient été fixés et pour Patrick Oliva, ils avancent à des rythmes différents :
- L’Académie des mobilités pluridisciplinaires devait permettre de dépasser l’approche strictement technique pour intégrer les dimensions juridiques, fiscales, sanitaires et culturelles de la mobilité. Si l’Université a bénéficié de 7 millions d’euros dans le cadre de France 2030, Patrick Oliva souligne que le projet reste « en phase de gestation », malgré des bases solides.
- Le Sommet international des mobilités territoriales prend progressivement sa place, après avoir testé plusieurs formats. « Il se prépare désormais un rendez-vous d’envergure en 2026, année du lancement par l’ONU de la Décennie des mobilités durables. L’ambition est d’y associer un hall d’exposition et des participants venus du monde entier, de la Chine au Maroc en passant par la Californie. »
- Le technopôle de premier niveau, imaginé pour capitaliser sur les savoir-faire locaux comme le circuit de Charade, reste quant à lui à l’état de projet.
Un tournant stratégique : une « Boussole » issue de l’intelligence artificielle
Chacun le sait ou le constate, les projets collectifs prennent du temps et se confrontent à nombre de défis à relever pour articuler les stratégies des uns et des autres. Alors, et c’est un peu une surprise, face à la difficulté de transformer les échanges en actions concrètes, Orbimob va faire évoluer sa méthode. L’association compte s’appuyer désormais sur une méta-analyse conduite par intelligence artificielle de l’ensemble des échanges recueillis durant le Sommet. L’idée étant que l’IA produise une proposition de stratégie d’amélioration et de transformation des mobilités dans le Massif Central. Ce document, baptisé la “Boussole”, serait ensuite enrichi collectivement. Une sorte de socle de base que, durant les neuf prochains mois, élus, citoyens et acteurs économiques abonderaient. L’objectif : parvenir à une proposition complète, adaptée aux réalités locales et aux moyens disponibles, venant compléter les stratégies régionales déjà en place.
Du territoire au Massif Central: un périmètre élargi
Initialement centrée sur Clermont et l’Auvergne, la réflexion s’étend aujourd’hui à l’ensemble du Massif Central. Il présente une grande cohérence d’enjeux et de sociologie. Patrick Oliva plaide pour que Clermont-Ferrand assume sa position de capitale géographique de ce territoire cohérent sur le plan économique et environnemental. Même s’il n’existe pas administrativement. Cette évolution traduit aussi une ambition renouvelée. Faire du Massif Central un laboratoire mondial des mobilités adaptées aux zones peu denses, applicables à des contextes similaires dans de nombreuses régions du monde.
Une coopération encore perfectible
Lorsqu’en 2020, Le Connecteur l’interrogeait sur les points de vigilance à surveiller pour la réussite du projet. Patrick Oliva en identifiait deux : la division et « ne pas oser se déclarer ». Cinq ans plus tard, il pointe plusieurs défis persistants, notamment en matière de coordination entre acteurs publics et privés. « Il faut aller plus vite, plus loin et surtout, penser avec plus d’ambition et d’envergure ».
Levier pour l’avenir : fierté, alignement et vocation mondiale
Ces obstacles, selon lui, traduisent une nécessité de mieux aligner les ambitions et de favoriser une culture de coopération à long terme.
Vers un sursaut collectif
Les prochains mois doivent permettre de renforcer l’appropriation de la démarche et de consolider les liens entre les différents acteurs. La future « Boussole » se veut un outil commun pour mobiliser les énergies autour d’un plan stratégique intégrant les volets Mobilités et Énergie. Pour Patrick Oliva, les solutions développées dans le Massif Central, pensées pour des territoires ruraux et des économies intermédiaires, pourraient avoir une portée bien au-delà du territoire, à condition de réussir à transformer l’essai localement.