Bérangère est directrice adjointe de Cap 20-25, elle nous explique une période particulièrement importante pour le territoire auvergnat : la labellisation de l’Université Clermont Auvergne en
Avant de parler innovation, label et recherche. Est-ce que tu peux nous raconter un peu ton parcours. D’où venez-vous Mme Farges ?
Je suis originaire de Lozère, et je suis arrivée à Clermont-Ferrand pour y faire mes études supérieures. J’ai fait un DUT à l’IUT de Clermont, puis une école d’ingénieurs en génie biologique, Polytech Clermont, pendant trois ans.
Une fois ingénieure, j’ai postulé à une bourse CIFRE : une thèse en partenariat avec un industriel. J’avais envie de faire de la recherche appliquée. Le concept du partenariat public privé, c’est d’ailleurs le fil conducteur de mon parcours professionnel.
J’ai donc passé trois ans entre le centre d’immunologie Pierre Fabre à côté de Genève et l’Université de Lorraine à travailler sur le sujet des procédés de culture cellulaires.
D’accord, mais on est encore loin de Clermont-Ferrand et de CAP 20-25. Que s’est-il passé ensuite ?
Après cette thèse, je suis revenue à Clermont-Ferrand où j’ai fait une année de post-doctorat. Suite à cela, je suis devenue chargée de projet européen dans le cadre du programme MELiSSA de l’Agence Spatiale Européenne. Cela a duré six ans.
Puis en 2011, le LabEx IMobS3 sur la mobilité a été créé, et j’en suis devenue la coordinatrice scientifique et valorisation, ce qui m’a permis d’associer mon profil issu de la recherche avec une activité de coordination. J’ai continué à suivre mon fil rouge : le partenariat public privé, avec un lien très fort entre recherche publique, pôles de compétitivité et entreprises du territoire.
Tu parles de fil rouge. Est-ce que tu peux préciser ? Qu’est-ce qui t’anime ?
J’ai toujours été attirée par la recherche, mais j’ai aussi toujours voulu percevoir les applications potentielles des travaux universitaires pour la société. Le partenariat public-privé est une belle façon d’accélérer le transfert de la recherche vers son application.
En 2017, le projet I-Site est arrivé, j’en suis devenue la directrice adjointe en charge de la coordination scientifique et des partenariats.
On reviendra plus précisément sur I-Site CAP 20-25, mais d’abord. Qu’est-ce que c’est que ce projet MELiSSA ? Sur ton profil LinkedIn, on peut lire que tu es désormais Directrice de la Fondation MELiSSA…
MELiSSA, c’est un projet européen porté depuis 1987 par l’Agence Spatiale Européenne. C’est un consortium de partenaires publics privés en Europe et au Canada.
L’idée, derrière ce projet, c’est d’être capable d’envoyer des astronautes sur Mars pour des missions d’une durée moyenne de trois ans. Un système de bio-régénération devient donc indispensable, ce qui signifie : tout recycler pour reproduire de l’eau, de la nourriture et de l’oxygène.
Et donc il y a désormais une fondation ? Quel est son rôle ?
La fondation est là pour gérer les dotations des Etats qui veulent investir dans le projet. Cet argent est ensuite redistribué pour pour financer des thèses, du transfert de technologie, des projets de vulgarisation et des programmes éducatifs aussi.
Le transfert technologique est essentiel dans ce projet, c’est même une règle. Toute technologie spatiale doit avoir une application terrestre.
Par exemple, la technologie de recyclage des eaux usées développée pour le spatial s’est retrouvée dans les douches de Roland-Garros.
Maintenant, venons-en au sujet majeur pour notre territoire : I-Site. C’est quoi “ce truc” ?
I-Site, c’est un des programmes du Programme d’Investissements d’Avenir de 2016. L’objectif était de mettre en avant des sites universitaires qui ont un potentiel de rayonnement international indéniable et reconnu. La labellisation I-Site, est décernée par l’Etat via un jury international réputé intraitable, c’est à la fois un indicateur d’excellence et un gage de rayonnement pour un territoire.
L’acronyme signifie I / initiative – S / science- I / innovation – T / territoire et E pour économie. L’ancrage territorial est un des points-clés.
Sur 75 sites universitaires français, seulement 18 ont obtenu un label. Mais ces labels sont attribués de façon provisoire dans un premier temps : au moment de notre pré-labellisation en 2017, rendez-vous nous a été donné quatre ans plus tard pour évaluer le chemin que nous aurions parcouru. C’est donc cette année, en 2021, que l’évaluation aura lieu, et la labellisation définitive interviendra en 2022 si le jury estime que nous avons tenu nos engagements.
C’est l’Université Clermont Auvergne qui coordonne le projet avec 20 partenaires : des centres de santé, des pôles de compétitivité, des collectivités, des industriels, des organismes de recherche et des établissements d’enseignement supérieur.
Et donc … CAP 20-25 ? C’est une autre structure ?
Non. Notre projet I-Site s’appelle CAP 20-25. Nous avons un thème central : concevoir des modes de vie et de production durables. C’est en s’appuyant sur l’identité du territoire que la thématique a émergé.
Dans cette grande thématique, nous avons identifié quatre domaines de différenciation : l’agriculture, l’industrie, la santé et l’environnement.
Les axes I-site Cap 2025
Industrie : produire et se déplacer (durable)
Agriculture : bien nourrir les populations
santé : lutte contre la sédentarité pour bien vivre et mieux vieillir
environnement : on lie les compétences sur les risques catastrophiques (comme ceux des volcans) et les politiques publiques dans les pays en développement. On veut favoriser la résilience des territoires.
Un label, c’est bien, mais ça donne droit à quoi ?
Cette labellisation nous donne d’abord accès à une dotation financière qui nous permet de mener nos actions : c’est 10 millions d’euros par an pour le projet CAP 20-25, grâce auxquels nous conduisons des activités de recherche en lien avec nos thématiques scientifiques. Nous œuvrons également à la transition numérique des enseignements, la vie étudiante, ou encore au rayonnement international de notre site.
Le label nous permet également d’accéder à des appels à projets spécifiquement destinés aux universités labellisées. Ce sont des dotations très importantes qui permettent ensuite de lancer de nouvelles actions en lien avec nos thématiques, avec toujours comme objectif global la conception de modèles de vie et de production durables.
Aujourd’hui, un site universitaire qui rayonne sur la recherche et la formation tout en gardant un lien avec le territoire et les industriels, ça favorise l’employabilité de nos étudiants. C’est un atout majeur d’attractivité.
Comment est-ce que vous vous situez dans l’écosystème de l’innovation ?
Avec CAP 20-25, nous avons l’ambition d’être au cœur de l’écosystème de l’innovation locale. Pour ce faire, dernièrement, nous avons créé une filiale, Clermont Auvergne Innovation, qui intègre désormais l’incubateur Busi pour accompagner l’innovation. Nous souhaitons être au cœur de l’écosystème, tout en mettant le citoyen au centre des préoccupations.
Le projet CAP 20-25 soutient activement l’innovation ouverte, à travers notamment la mise en place de living labs sur des thématiques-phares du projet : par exemple le laboratoire d’innovation territorial (LIT) qui travaille sur les grandes cultures dans toute la plaine de la Limagne, ou le City Lab de Vichy sur la mobilité et la santé des individus. L’idée, c’est d’avoir une ville ou un territoire comme lieu d’expérimentation, ce qui nous permet de mener des activités de recherche et de transférer immédiatement nos résultats vers la société.
Par exemple, la démarche du City Lab de Vichy sur la mobilité des individus est unique en son genre. Les collectivités et le monde de la recherche réfléchissent ensemble afin de répondre à une problématique de santé publique majeure, à savoir le manque d’activité physique dans nos sociétés. Avec cette démarche de City Lab, on agit à tous les niveaux, pour faire en sorte que la ville entière favorise et encourage la mobilité et l’activité physique : vélos-bureaux dans les écoles, interventions dans les Ehpad, aménagement piétonnier des berges de l’Allier, etc. C’est ambitieux et ça marche !
Ok donc là 2021, c’est quitte ou double. Quel est l’enjeu pour cette année décisive ?
L’évaluation des quatre ans de pré-labellisation aura lieu cet été. Ensuite, en 2022, nous devrons repasser devant le jury international. La labellisation est accordée en fonction de centaines d’indicateurs que nous fournissons chaque année.
Si nous obtenons ce label à l’issue de l’évaluation, nous le conserverons définitivement. C’est un enjeu majeur pour le territoire puisque cela signifie des dotations financières récurrentes et une visibilité pour le site universitaire dans son ensemble.
L’Université Clermont Auvergne est en pleine structuration, est-ce qu’il y a un lien avec CAP 20-25 ?
La structuration de l’Université se fait en cohérence avec les attendus du projet CAP 20-25. Depuis le 1er janvier 2021, l’UCA est devenue un établissement public expérimental. Six instituts thématiques ont été créés, dont un Institut National Polytechnique.
Si nous obtenons le label, nous allons poursuivre sur notre lancée. Nous souhaitons un effet d’entraînement encore plus fort sur le territoire. Nous avons plusieurs partenariats en cours avec des collectivités et des entreprises. L’objectif, c’est d’avancer ensemble pour notre territoire.
Dans la tête de Bérangère Farges
Ta définition de l’innovation : amélioration et nouveauté, l’avenir quoi !
Une belle idée de start-up : si j’en avais une, je me serais lancée
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : sur mon téléphone, meilleur agent de renseignement possible
Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : Décapage, une très jolie revue littéraire
Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : le tribunal des flagrants délires de Pierre Desproges, en livre ou en podcast
La femme qui t’inspire / experte : Marie Curie
L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Chantal Lauby