Dans la peau d’un « incubé »- Hub-IC du Damier

Dans la peau d’un « incubé »- Hub-IC du Damier

Derrière chaque projet se cache d’abord une aventure humaine. À l’incubateur Hub-IC, les porteurs de projets ne trouvent pas seulement un accompagnement technique, mais aussi un collectif, des doutes partagés et la possibilité de se transformer en entrepreneurs. Ils étaient 5 porteurs de projets de la dernière promo de l’incubateur du Damier à venir raconter leur « incubation » à l’occasion de la matinée Innovation & entrepreneuriat dans les industries culturelles et créatives. Parce que l’appel à candidatures de la promo suivante circule en ce moment, Le Damier proposait aux curieux, aux hésitants, aux pas tout à fait sûrs … de comprendre quels types de projets pouvaient candidater (lire notre article). Et aussi – peut-être même surtout- d’entendre les témoignages de ceux qui l’ont vécu tout récemment.

L’incubation, une expérience de groupe

Ce qui frappe d’abord à écouter les incubés d’Hub-IC, c’est l’importance du collectif. Dès le premier atelier, les participants partagent leurs parcours, parfois leurs fragilités, et tissent des liens qui deviennent une ressource aussi précieuse que les conseils techniques.

« On a pleuré ensemble, ri ensemble, pleuré de rire ensemble ! Et aussi, eu des doutes ensemble », résume l’une des incubées. « Ce qui est dit sur la bienveillance et le collectif, ce n’est pas du marketing. On l’a vraiment vécu. »

Cette dynamique de groupe crée un climat de confiance qui rend possible le travail en profondeur sur les projets. Les incubés se conseillent mutuellement, testent leurs pitchs, partagent leurs blocages.

Sortir de la solitude

Passer du travail solitaire au collectif, c’est le changement majeur souligné par plusieurs incubés. Oscar, qui développe une application de mise en relation entre musiciens, lieux et publics, travaillait seul dans sa chambre avant d’intégrer Hub-IC. « J’étais dans ma chambre, seul, avec mes idées. Ici, j’ai appris à m’entourer, à écouter et à être écouté. » Tous insistent – et d’ailleurs cela se sent – sur « la richesse des ateliers collectifs, qui obligent à avancer et permettent de partager les doutes comme les réussites ». Et sur la manière dont le cadre est posé dès le début du programme: il faut se faire confiance, baisser la garde, faire ‘groupe’. Et ça fonctionne: chacun raconte comment ils ont passé les pics et les creux inhérents à la création d’entreprise, en se soutenant mutuellement, même en dehors des temps communs organisés par Le Damier.

Cette transformation passe autant par des ateliers cadrés (modèle économique, finance, communication) que par l’accompagnement individuel, où chaque porteur peut questionner la cohérence entre son projet et sa trajectoire personnelle.

La posture entrepreneuriale, un apprentissage concret

Pour beaucoup, l’incubation est le moment où l’on se découvre entrepreneur. Raphaël Poughon d’Imagine Papillon, après vingt ans de salariat, n’imaginait pas un jour lancer sa propre activité.

« J’avais un gros syndrome de l’imposteur. Est-ce que ce que je propose est vraiment utile ? Est-ce que ça va intéresser des gens ? Ici, j’ai trouvé une forme de réassurance. Petit à petit, j’ai compris que j’avais une proposition singulière. »

Il a aussi endossé une nouvelle relation avec le tableur Excel, pas encore passionnelle mais moins réticente.

Innover, mais autrement

Beaucoup d’incubés partagent la même interrogation au départ : « Mon projet est-il vraiment innovant ?» Lola, qui porte un projet de café-librairie inspiré de la culture écossaise, raconte. « Je ne me sentais pas forcément innovante. Mais Hub-IC m’a aidée à voir que l’innovation n’est pas seulement technologique. Mon projet apporte quelque chose de nouveau au territoire, une culture qui n’existait pas ici. C’est ça, ma part d’innovation. » »

Pour Claire, engagée sur les savoirs liés aux plantes sauvages, l’incubation a permis de donner une nouvelle dimension à son projet. « J’ai compris que les plantes pouvaient être pensées comme des actrices du territoire, qu’elles portent une identité et une agentivité. Aujourd’hui, j’ai envie de défendre cette approche auprès des institutions. »

Cette redéfinition de l’innovation, large et inclusive, est un des marqueurs d’Hub-IC. L’incubateur valorise autant les projets qui transforment les usages, les récits ou les formes artistiques que ceux qui introduisent une nouvelle technologie.

Entre doutes et déclics

Le passage devant le jury de sélection est souvent vécu comme une étape intimidante. Mais là encore, l’expérience se révèle constructive. « Avant d’y aller, j’avais peur », se souvient un incubé. « Mais en fait, il n’y a pas de piège. On nous questionne sur le sens du projet, sur nos besoins. On ressort déjà avec des conseils et des pistes. »

Ce mélange de rigueur et de bienveillance se retrouve tout au long du parcours. Les incubés parlent d’un rythme exigeant mais cadrant, qui permet d’éviter la dispersion. Certains continuent à travailler en parallèle, d’autres jonglent avec des études ou un emploi salarié. L’incubation devient alors un espace où l’on structure ses priorités et où l’on apprend à tenir dans l’incertitude.

Faire évoluer son projet

L’incubation ne fige pas les idées, elle les transforme. Delphine Calvet, qui travaille sur un lieu créatif inclusif pour des personnes neuroatypiques, a vu son modèle évoluer : « Au départ, j’imaginais un lieu fixe. Aujourd’hui, je m’oriente vers une logique associative et événementielle, plus souple et réaliste. » D’autant qu’entre temps, elle a découvert la richesse de son nouvel écosystème, qu’elle ne soupçonnait pas. Et qu’elle a changé d’état d’esprit pour une approche plus collective, plus ancrée, plus en collaboration avec. Moins solo en somme. Pour Claire Mison, qui déploie elle une activité autour des plantes sauvages et des savoirs naturels, « l’incubateur a permis de relier des savoirs scientifiques, une identité territoriale et des pratiques très concrètes ». Pour Raphael Poughon, à l’esprit effervescent, l’incubation a apporté un cadre pour hiérarchiser, choisir, ordonner un projet cohérent.

De l’idée à la structuration

« Le programme d’incubation peut durer trois ou huit mois », expliquait Romain, chargé d’accompagnement. Le parcours se déroule en deux temps. Les trois premiers mois servent à tester et affiner une idée. Si elle se confirme et que la motivation perdure, les cinq mois suivants serviront à transformer le concept en projet concret, avec modèle économique et stratégie. « On accompagne les porteurs sur la communication, le juridique, mais aussi sur le rapport au collectif. »

Pour Nathalie Miel, directrice du Damier, l’incubateur ne se limite pas à valider des business plans : «Notre rôle est aussi de donner confiance, de créer du lien et d’ancrer les projets dans un écosystème solidaire. » Les valeurs du cluster — coopération, entraide, responsabilité sociale — infusent dans l’accompagnement. Tous les incubés ne poursuivront pas leur projet au-delà de l’expérience. Certains pivoteront, d’autres s’arrêteront. Mais tous ressortent transformés. Ils repartent avec un réseau, des compétences et surtout une nouvelle assurance.

Tous les projets incubés ne débouchent pas immédiatement sur une création d’entreprise. Certains prennent plus de temps, d’autres se transforment. Pour Romain Bard qui les accompagne, ce n’est pas un problème. « Un projet qui s’arrête n’est pas un échec. Ce qui compte, c’est le chemin parcouru, les compétences acquises, les décisions plus éclairées. »

Après l’incubation, et après ?

Pour beaucoup, l’incubation débouche aussi sur une envie de rester dans l’écosystème. Plusieurs incubés deviennent adhérents du Damier après leur passage, afin de prolonger l’expérience collective et de rester connectés aux réseaux professionnels.

Des idées ? les porteurs de projets de la promo 5

  • Lola Otto ouvre un pub-librairie sur la thématique de l’Ecosse,
  • Oscar Chamuzeau développe une application de mise en relation entre musiciens, lieux et publics,
  • Raphael Poughon veut accompagner les transitions écologique et sociétale, en mobilisant des approches créatives et collaboratives.
  • Marie Deffontis ouvre un café-galerie d’art écoresponsable.
  • Delphine Calvet, ce sera un lieu créatif adapté aux personnes neuroatypiques.
  • Claire Mison déploie conseil, sensibilisation et expertise autour du sujet des plantes sauvages et des savoirs naturels.
  • Marie Lys Errard a développé une offre de formation originale pour les pros : des serious games pour apprendre le langage visuel.
  • Kevin Labrize propose des prestations humoristiques pour les entreprises.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.