Entretien / Sébastien Caux, de maker à entrepreneur

Entretien / Sébastien Caux, de maker à entrepreneur

Par Pauline Rivière
et Cindy Pappalardo-Roy

Il y a ceux qui cherchent leur voie pendant des années et il y a Sébastien Caux. Passionné d’informatique et de robotique depuis son plus jeune âge, il a affiné son projet d’entreprise au fil de sa scolarité. A peine ses études terminées il s’est lancé dans le grand bain de l’entrepreneuriat. Depuis la création de son entreprise début 2019, tout s’éccélère. Rencontre avec cet auvergnat qui se définit comme un maker avant tout.

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Tu es originaire de Clermont, un auvergnat pur souche. Peux tu nous parler de ton parcours?

J’ai fait toutes mes études supérieures à Clermont Ferrand. J’ai débuté par un DUT informatique aux Cézeaux. Des écoles d’informatiques qui proposent un bac +2,  il n’y en a pas beaucoup et il se trouve que le DUT des Cézeaux est un des meilleurs de France. J’ai candidaté ici, et j’ai été pris.

En principe, après un DUT d’informatique, les étudiants s’orientent vers une école d’ingénieurs ou d’informatique, mais je voulais avoir la double compétence « électronique et informatique ».

À la suite de ce DUT j’ai fait Polytech Clermont-Ferrand en Génie électrique. Ce n’est pas un parcours classique. En principe, après un DUT d’informatique, les étudiants s’orientent plutôt vers une école d’ingénieurs ou d’informatique, mais je voulais avoir la double compétence « électronique et informatique » pour pouvoir monter ma boite plus tard.

Pendant tes études, tu avais déjà en tête de créer ton entreprise…

L’idée de la société m’est venue il y a plus de dix ans, quand j’avais a peine seize ans, et j’ai choisi mes études en fonction de ce projet. Mais cette envie date de bien avant cela. Dernièrement, j’ai fait le tri chez mes parents, je voulais retrouver le plan d’une usine de carte électronique que j’avais dessiné quand j’avais dix ans. Je voulais construire cette usine pour faire de la robotique. [Mais] je n’ai pas réussi à remettre la main dessus. 

Est-ce que comme Obélix tu es tombé dans la robotique et l’électronique quand tu étais petit?

Ma famille n’est pas du tout dans ce secteur, même si mes grands-pères et mon père sont très manuels ; il y en a un qui travaille le bois, quant aux autres ils sont dans le bâtiment. [Mais] j’ai eu la chance d’avoir un ordinateur très tôt – à 4 ans. À six ans, je savais coder. J’ai appris tout seul, parce que même si j’avais l’ordinateur, nous avons eu internet très (très) tard. Le seul moyen d’apprendre, c’était d’essayer. Donc j’ai appris en mode « essai-échec, essai-échec, essai-réussite ». L’apprentissage de la programmation a peut-être été plus long au démarrage mais j’ai l’impression que tout ce que j’ai appris s’est inscrit plus durablement en moi. 

Cette passion pour la robotique, on la retrouve aussi dans ton engagement associatif. J’ai pu te croiser dernièrement à un Aperobot, un rendez-vous pour les passionnés de robotique…

J’ai présidé l’Association de la Coupe de France de Robotique de Polytech pendant deux ans (2013-2014). Ensuite, j’ai créé Robotips il y a quatre ans. C’est une association à vocation européenne montée par des anciens ingénieurs de Polytech Clermont pour pouvoir continuer à participer à la Coupe de France de robotique, une des plus prestigieuses d’Europe. C’était également pour faire la promotion de la robotique, en concevant de nouveaux robots complètement open source et open hardware, pour que les gens puissent comprendre comment ça fonctionne et fabriquer leurs propres robots.

J’ai présidé l’Association de la Coupe de France de Robotique de Polytech pendant de 2013 à 2014 ; il y a quatre ans, j’ai créé Robotips.

Aujourd’hui, Robotips est dormante. Nous n’avons pas réussi à trouver de repreneurs même si les « Apérobots » vont se poursuivre sous l’impulsion de l’association I2C Robotique. Au final, Robotips devient Uniswarm.  Je vais continuer de collaborer avec les associations, en proposant de vrais partenariats, en formalisant les soutiens.

Alors maintenant, peux tu nous en dire un peu plus sur ton aventure Uniswarm? Ton entreprise a été officiellement créée en janvier 2019…

Depuis que j’ai seize ans, j’ai des idées qui sont un peu différentes, j’avais envie de les concrétiser et de faire un projet qui me ressemble. Ce n’était pas facile à porter. D’un côté j’avais ma famille qui me disait «  Je n’y comprends rien » et de l’autre, mes professeurs qui me répétait « Vous n’y arriverez pas Monsieur Caux ». Ils étaient convaincus que c’était un projet trop ambitieux pour une seule personne. En fait, Uniswarm est une émanation plus poussée de Robotips.

Robotips a été un véritable succès. Nous avons des partenariats européens et mondiaux avec des grandes entreprises. Ceci a renforcé ma détermination à concrétiser cela avec une société. Au final, Uniswarm c’est une société qui conçoit et fabrique des produits électroniques pour la robotique. Nous sommes spécialisés dans la robotique mobile, industrielle, et de services. Pour faire simple, on vend tous les organes de contrôle des robots.

Quels conseils pourrais tu donner à celles et ceux qui veulent créer leur boite en sortant de leurs études?

La première chose, la plus importante, c’est d’être bien accompagné. J’ai eu la chance d’être incubé par Busi, ce qui m’a permis de structurer le projet ces deux dernières années avant la création et d’être pris au sérieux par les autres acteurs aujourd’hui. Le deuxième point, c’est de ne pas partir simplement d’une idée mais savoir aussi comment la concrétiser. Si je suis crédible aujourd’hui, c’est parce que je ne parle pas de choses qui pourraient être vaguement réalisables mais qui sont concrètes. J’ai des prototypes fonctionnels pour chaque produit que je présente.

La première chose, la plus importante, c’est d’être bien accompagné. J’ai eu la chance d’être incubé par Busi.

Peux tu nous citer des exemples d’entreprise avec lesquelles tu travailles? Toutes basées en Auvergne ?

Dès la création de la société, on a signé un partenariat avec Microchip qui est le leader mondial du micro contrôleur. En Auvergne, je travaille avec les entreprises qui touchent à la robotique dans le bassin clermontois. Par exemple, Easymov Robotics spécialisé dans les logiciels pour la robotique avec qui nous avons une belle complémentarité et avons vocation à faire de futurs projets ensemble. 

Tu reviens du SIDO. Qu’est ce que ça t’a apporté ?

C’est un très beau salon. Cette année c’était un peu le renouveau : les éditions précédentes étaient vraiment orientées IDO (Internet des Objets). Cette année, il y a eu fusion avec un ancien salon robotique. Il y a des très belles collaborations en perspective.

Quels sont les projets avec Uniswarm? D’ailleurs d’où vient ce nom d’entreprise un peu obscur pour les néophytes?

La création date 21 janvier 2019. Il n’y a rien de figé pour l’instant ; ce qui est sûr, c’est que l’on avait sous dimensionné notre business plan et que l’on va être obligé d’embaucher de grosses équipes pour assurer tous les contrats qui sont en train d’être signés. Le nom UniSwarm vient de « uni » pour système unifié et de « swarm » (essaim en anglais) pour un ensemble d’acteurs fonctionnant ensemble pour une action comune.

Qu’est-ce que ça fait à ton âme d’entrepreneur de voir ton entreprise décoller si rapidement?

Je ressens une certaine fierté. Cela me fait plaisir de voir ce que j’ai imaginé depuis longtemps se concrétiser et se transformer en une vraie société. Nous sommes déjà trois et bientôt … (geste de la main qui monte). Pour l’instant je recrute par connaissances et depuis les écoles et les centres de formations que je connais bien. Je veux constituer le noyau dur la société basé sur la confiance de mes collaborateurs. Je suis ancré à Clermont-Ferrand. Je vais m’y installer durablement avec l’ouverture d’une usine cet été à Clermont même.

Est-ce que ce n’est pas effrayant cette rapidité de croissance et tous ces investissements à venir?

J’ai été bien préparé par mon incubateur et mes différents tuteurs. Aujourd’hui, je suis assez confiant sur leurs retours ainsi que ceux de mes partenaires actuels. Lorsque j’ai pensé « création d’entreprise » je me voyais avec des équipes, je n’ai jamais rêvé d’être auto-entrepreneur. Soit je montais quelque chose de gros, soit je ne montais rien. 

Quelles sont tes relations avec l’écosystème de l’innovation?

J’essaie d’être proche de l’écosystème auvergnat. J’ai adhéré à la plupart des clusters et des groupes autour de l’innovation. Parallèlement, je suis actif auprès des nouveaux porteurs de projets pour les aider et leur donner des conseils. Pour l’instant c’est informel, mais pourquoi pas formaliser ce mentoring. Aujourd’hui les entreprises que j’accompagne, ce n’est pas dans une démarche commerciale. Je ne pourrais pas assurer leur prestations, j’ai beaucoup trop de travail… J’aime partager mes connaissances et c’est une manière de rendre ce qui m’a été donné pendant mes années d’incubation.  

Je suis actif auprès des nouveaux porteurs de projets pour les aider et leur donner des conseils ; pour l’instant c’est informel, mais pourquoi pas formaliser ce mentoring.

Quelles sont les pistes d’amélioration dans cet écosystème?

L’écosystème est très dynamique et il y a beaucoup d’initiatives, mais ça manque encore de collaboration entre les différents acteurs ; tous ont tendance à travailler de leurs côtés. Clermont est une ville à taille humaine et on pourrait relativement facilement développer plus de collaborations en local. 

Le mot de la fin : un projet ou un entrepreneur qui t’inspire?

Je suis plus admiratif des initiatives que des personnes. Il y en a une qui me plait beaucoup, c’est le Fablab de Nanterre. C’est un lieu purement associatif. Ils vont chercher des machines dans toutes l’Europe et ils les réparent. Le projet est basé sur l’envie de faire ensemble, ce ne sont pas une somme d’intérêts individuels. Résultat, c’est le plus grand d’Europe. Ce genre d’initiatives me parle parce que je suis avant tout un maker. Un maker c’est quelqu’un qui bricole avec trois fois rien. Un jour en école d’ingé(nieurs), un technicien m’a dit « Toi l’ingénieur, touches pas à ça tu vas te faire mal ». Sous prétexte que si tu es ingénieur, tu ne sais pas te servir de tes dix doigts.

Je suis plus admiratif des initiatives que des personnes. Je suis avant tout un maker : quelqu’un qui bricole avec trois fois rien.

Et ?

Et donc je savais aussi bien faire que lui (rires)…


Pour en savoir plus :
le site d’Uniswarm


Entretien réalisé par Pauline Rivière. Propos synthétisés et réorganisés pour plus de lisibilité par Cindy Pappalardo-Roy.
Visuels fournis par Pauline.

Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)

  • #Parcours – Auvergnat pur souche, Sébastien Caux a fait toutes ses études supérieures à Clermont Ferrand, en débutant par un DUT informatique aux Cézeaux, puis Génie éléctrique à Polytech. Il dit : « Ce n’est pas un parcours classique : en principe, après un DUT informatique, les étudiants s’orientent plutôt vers une école d’ingénieurs ou d’informatique, mais je voulais avoir la double compétence « électroniques et informatique » pour pouvoir monter ma boite plus tard ».
  • #EngagementAssociatif – Sébastien a présidé l’Association de la Coupe de France de Robotique de Polytech pendant deux ans, puis a créé Robotips il y a quatre ans : une association à vocation européenne montée par des anciens ingénieurs de Polytech Clermont pour pouvoir continuer à participer à la Coupe de France de robotique, une des plus prestigieuses d’Europe. Petit à petit Robotips, devient Uniswarm.
  • #Uniswarm – Depuis ses seize ans, Sébastien a des idées qu’il avait envie de concrétiser  – et de faire un projet qui lui ressemble. Au final, Uniswarm est une émanation plus poussée de Robotips – qui a été un véritable succès : partenariats européens et mondiaux avec des grandes entreprises. Ceci a renforcé sa détermination à concrétiser cela avec une société. Uniswarm est une société qui conçoit et fabrique des produits électroniques pour la robotique. Ils sont spécialisés dans la robotique mobile, industrielle, et de services. Sébastien ajoute : « Pour faire simple, on vend tous les organes de contrôle des robots. »
  • #Conseils – À celles et ceux qui veulent créer leur boite en sortant de leurs études, Sébastien leur livre le conseil suivant : « La première chose, la plus importante, c’est d’être bien accompagné ». Lui-même ayant été incubé par Busi, ce qui lui a permis de structurer le projet ces deux dernières années avant la création, et d’être pris au sérieux par les autres acteurs aujourd’hui. Le deuxième point, c’est de ne pas partir simplement d’une idée mais savoir aussi comment la concrétiser : « Si je suis crédible, c’est parce que je parle pas de choses qui pourraient être réalisables, qui sont concrètes. J’ai des prototypes fonctionnels sur chaque produit que je présente ».
  • #Décollement – Créée le 21 janvier 2019, la startup Uniswarm compte déjà trois salariés et ne cesse de s’agrandir et de se développer – très rapidement. Quand on lui demande ses impressions et ses appréhension par rapport à cela, Sébastien Caux réponds : « Je ressens de la fierté. Ça me fait plaisir de voir ce que j’ai imaginé depuis longtemps se concrétiser et se transformer en vraie société. J’ai été bien préparé par mon incubateur et mes différents tuteurs. Aujourd’hui, je suis assez confiant sur leurs retours ainsi que ceux de mes partenaires actuels ».
  • #Écosystème – Sébastien essaie d’être proche de l’écosystème auvergnat en adhérent à la plupart des clusters et des groupes autour de l’innovation ; parallèlement, il est actif auprès des nouveaux porteurs de projets, pour les aider et leur donner des conseils. Ce qu’il pense de l’écosystème local? « Il est très dynamique et il y a beaucoup d’initiatives, mais ça manque encore de collaboration entre les différents acteurs ; Clermont est une ville à taille humaine et on pourrait relativement facilement développer plus de collaborations en local ».

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.