Simon Fouquet est ingénieur. Avec FOUQ Industries, il apporte un regard innovant sur la coopération internationale universitaire. A travers son projet, il met en place des collaborations technologiques entre des étudiants français et ceux des pays d’Asie du Sud, pour développer des smart réseaux locaux. Il vient d’intégrer l’incubateur Les Déterminés.
Avant de parler de FOUQ Industries et de l’approche originale de ce que l’on pourrait appeler la coopération internationale du futur, est-ce que tu peux nous raconter ton parcours ?
Je suis né dans les Yvelines. Mes grands-parents étaient fermiers et ouvriers et mes parents, ingénieurs. La primaire et le secondaire ont été un peu compliqués pour moi, mais mes parents m’ont poussé pour que je poursuive mes études.
Nous avons déménagé à Clermont-Ferrand et après le lycée, j’ai continué avec un DUT mesures physiques à l’IUT des Cézeaux. Ensuite, j’ai pris une année sabbatique. J’ai passé trois mois dans un restaurant indien à Croydon en Angleterre avant d’intervenir en périscolaires à Clermont-Ferrand.
Au moment de postuler l’année suivante, en 2015, un ami, Mickaël Lambert, m’a conseillé de rejoindre Polytech TEAM. C’est l’Acronyme pour « Technologie pour l’Énergie, l’Aérospatial et la Motorisation à Orléans ».
Pendant ces trois années d’études, j’en ai profité pour réactiver l’association « Ingénieurs sans frontières » de Polytech Orléans. Nous avons mis en place des partenariats universitaires avec le NPIC, Institut National Polytechnique au Cambodge.
Tu avais déjà la fibre coopération internationale à l’époque ?
Oui, et j’ai continué à la développer lors de mon stage de fin d’études à Madagascar. J’ai toujours pensé que les autres cultures étaient aussi riches que la nôtre et qu’il ne fallait pas être dans le jugement. Nous avons toujours tendance à penser que nous sommes le meilleur modèle à suivre.
Pendant mon stage à Madagascar, on m’a laissé beaucoup d’autonomie. J’ai saisi l’opportunité de créer de nouvelles collaborations pour répondre aux besoins locaux.
J’ai pu rencontrer tout un réseau d’acteurs autour de l’associatif et de l’ingénierie de projet. Nous avons travaillé avec une usine qui produisait des huiles qui pouvaient servir à la production d’électricité . Mon rôle était de mettre en place la chaîne de traitement et de valorisation des co-produits et de réaliser le bilan énergétique de l’huile.
D’où est venue l’idée de FOUQ Industries?
En 2018, pendant mes expériences associatives dans l’enseignement supérieur, j’ai réalisé que les étudiants étaient très investis, notamment en coopération internationale, mais qu’il n’y avait pas de suite. En effet, les effectifs tournent chaque année et il est compliqué de garder les étudiants impliqués une fois leurs études terminées.
J’ai pensé qu’il fallait sortir de la vision associative et basculer dans une démarche entrepreneuriale. Comme j’avais déjà un partenaire potentiel au Cambodge, j’ai décidé de construire ma solution à partir de ce cas d’usage.
J’ai identifié deux problématiques. D’abord, j’ai eu l’occasion de rencontrer une multiplicité d’acteurs qui travaillent sur le même sujet, mais qui ne se connaissaient pas et qui ne communiquaient pas entre eux.
Ensuite, j’ai réalisé les conséquences négatives que peuvent avoir l’aide humanitaire et la solidarité internationale. Par exemple, à Madagascar, le riz malgache se retrouverait sur les marchés, en concurrence avec le riz humanitaire subventionné. Cela crée une distorsion de la concurrence qui force les paysans malgaches à brader leur riz à l’export. Nous avons notre part de responsabilité dans ce cercle vicieux.
Quel est l’objectif de FOUQ Industries ?
Je pense que le développement local international devrait être plus soutenu. Pour faire face aux enjeux de la transition écologique, nous devons trouver des solutions de manière urgente.
Je suis également convaincu qu’il faut permettre au pays en développement de faire un saut technologique, puisque c’est là que se joue une partie de notre avenir commun. Par exemple, le Cambodge importe beaucoup de technologie (c’est le troisième poste de dépenses pour les importations françaises).
De mon point de vue, les solutions techniques et technologiques ne peuvent pas seulement venir de l’Occident. Le problème est mondial, et on ne résout pas un problème mondial avec une solution unique. On a besoin de s’appuyer sur les connaissances et les expertises locales pour développer les solutions adaptées.
Dans la vidéo de présentation de FOUQ Industries, tu fais une comparaison de ton approche avec le biomimétisme. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Les forêts, riches en biodiversité, réussissent à s’adapter au changement climatique tant bien que mal. Une forêt d’Amérique centrale, fonctionne différemment d’une forêt auvergnate. Les écosystèmes sont différents. Je pense que les écosystèmes de l’innovation, pour être résilients, à l’instar des forêts, doivent développer une diversité d’approches et ne pas chercher à standardiser les solutions technologiques. Les solutions doivent s’adapter à l’environnement culturel et aux réalités du pays en question.
Pour résumer, FOUQ Industries, c’est l’agence des Avengers de l’ESS qui vient en appui aux jeunes ingénieurs des pays les moins favorisés pour leur permettre de monter leur entreprise et de contribuer ainsi au développement de leur pays.
Comment est-ce que ça s’articule au niveau opérationnel ?
Nous mettons en place des pôles de “coopérativité”. Nous nous donnons entre trois et cinq ans pour mettre en œuvre une solution locale afin de répondre à un besoin spécifique. C’est-à-dire, développer une innovation, mais également renforcer les capacités entrepreneuriales des ingénieurs locaux. Les structures locales d’accompagnement à l’entrepreneuriat et à l’innovation dans les pays en voie de développement sont trop peu valorisées lors de coopération internationale.
Est-ce que tu as un exemple concret pour illustrer la mise en œuvre d’une coopération internationale “by FOUQ Industries” ?
Oui. Avec le Cambodge. Par exemple, un réseau de mesures des niveaux d’eau non-évolutifs (que l’on ne peut pas mettre à jour ou améliorer), avec une technologie importée. Ils ne sont ni propriétaires des capteurs, ni des données. Dans ce cas-là, il n’y a aucune souveraineté numérique.
FOUQ Industries a mis en place une collaboration entre NPIC et Polytech Grenoble pour développer une solution locale qui pourrait être déployée par l’autorité responsable du site d’Angkor.
Dans l’idéal, nous souhaitons être présents du prototypage à la mise en œuvre. Dans la réalité, nous sommes aujourd’hui confrontés à la problématique du transfert technologique. Nous pensons qu’il est plus vertueux que les ingénieurs locaux s’occupent de la mise en œuvre et de la maintenance des équipements développés. Il y a donc un vrai enjeu autour du développement de l’entrepreneuriat.
Où en es-tu dans le développement de FOUQ Industries ?
Aujourd’hui, nous avons besoin de mettre en place les cadres légaux et juridiques. Nous devons également définir l’offre de service et travailler notre modèle économique.
Par ailleurs, nous avons lancé une campagne de financement participatif. L’objectif était de financer l’achat de matériel électronique au Cambodge nécessaire pour développer le smart réseau local.
Un autre point important. Nous partons du principe que dans la coopération internationale, il doit y avoir de la réciprocité. Si trois étudiants français partent au Cambodge, il faut que trois Khmers viennent en France. Avec Polytech Grenoble, ils vont travailler un jour par semaine sur le projet. Nous devons nouer des partenariats avec les écoles de management sur Grenoble pour leur permettre de développer de nouvelles compétences en management et en création d’entreprise.
Et bonne nouvelle ! Je viens de recevoir une réponse positive de l’incubateur les Déterminés à Montpellier. Je vais faire partie de la prochaine promotion et je vais donc pouvoir consolider et avancer sur le projet. C’est une nouvelle étape qui débute pour FOUQ Industries.
C’est l’instant carte blanche. Quelque chose à ajouter ?
Je me dis souvent que l’on vit dans une époque assez noire. Que le futur a quelque chose d’angoissant et d’incertain. Pourtant, nous sommes aussi dans une période où l’on a l’opportunité de relever un défi majeur. Si on y arrive, on aura fait progresser l’humanité. Dans le futur, je ne vois que deux options : la guerre ou la coopération.
Nous vivons sur une planète finie dans une société mondialisée sur le plan économique. Il faut désormais aller plus loin. Nous devons mondialiser le social si nous voulons atteindre le durable.
Dans la tête de Simon Fouquet
Ta définition de l’innovation : Ça commence par proposer des solutions toujours plus efficientes à une problématique réelle.
Une belle idée de start-up : AIL PHIL GOOD, la valorisation des invendus par la transformation. L’association propose des aides culinaires réalisées avec les invendus et partage ses techniques avec le cœur !
La start-up qui monte : Time for The Planet, j’y suis associé.
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : Autour de moi, je vais au-devant des gens et je profite des opportunités
Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : Vécus des podcasts d’entrepreneur et d’intrapreneurs du changement sur des réussites échecs, galères et astuces.
Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : j’ai regardé The Pentaverate, une mini-série sur une société secrète du “bien”.
Une femme qui t’inspire/experte : Christine Rousselle, enseignante chercheuse à Orléans, elle travaille sur ce qui est pour moi la meilleure innovation pour la mobilité thermique en France à savoir l’ammoniac ou comme elle l’appelle “l’hydrogène vert”.
En Auvergne : Camille Sciuto, dynamique et motivée, elle soutient l’épanouissement de nos futurs par le biais de son association Humaniste Nomabe. C’est également une experte des problématiques de gestion de tiers-lieu.
L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Les voisins du quartier, je me dis social et ouvert, mais paradoxalement je connais que très peu mon voisinage.