Pendant les animations du festival « Littérature au centre », une conférence a été présentée dans le but de parler de la science-fiction : « Quand la fiction joue avec les sciences ». Pour l’occasion, Daniel Suchet, maître de conférences au département de physique de l’École Polytechnique de Paris, et Laurent Genefort, écrivain, sont intervenus pour montrer que la science et la fiction peuvent « jouer » entre elles.
La science qui sert la fiction
Le sujet qui est souvent exploité dans les histoires de fiction, ce sont les questionnements sur les nouvelles énergies, ou des nouveaux matériaux (l’Adamantium et le Vibranium dans Marvel par exemple). Il y a donc une science qui est mise en place pour mieux comprendre un univers fictif. Dans l’ouvrage « Temps Ultra-moderne » de Laurent Genefort, la matière de Kavorite est créée, une matière qui annule la gravité, ce qui sert dans l’intrigue de l’histoire. Les propriétés de la gravité sont annulées, elle est vue comme une particularité atomique (comme d’après Newton). Il explique le fonctionnement de cette matière avec les connaissances de l’époque de l’histoire (le XXe siècle) à travers un dialogue.
Parfois, la science est exploitée, mais est modifiée ou mal interprétée, pour servir la fiction. C’est le cas du film Interstellar de Christopher Nolan. Il semble se perdre et se mélanger dans la science, d’après l’astrophysicien Franck Selsis. Et ce, alors que Kip Thorne, qui a obtenu un prix Nobel de physique en 2017, a travaillé sur le film. On peut alors se dire que l’idée n’était pas nécessairement de faire un film réaliste. Le but était plutôt d’explorer des théories sur l’espace et le temps.
La science du « vrai monde » sert de base aux histoires fictives. Elle sert à créer un monde fictif cohérent avec ce que l’on connaît.
Depuis quelques années, pour Daniel Suchet, le paradigme de la science-fiction a changé. Elle n’interroge plus les nouvelles énergies. Mais, comme dans Dune de Frank Herbert, c’est la gestion des énergies qui est questionnée. Cela fait écho au monde dans lequel on vit.
La fiction sert la science
Daniel Suchet décrit la fiction comme une expérience, une exploration du « Et si ? ».
Dans la conférence, qui a suivi, « Pluralité des mondes : dialogues entre science et science-fiction », Franck Selsis, disait avoir travaillé sur un projet afin de voir si Pandora existait vraiment (c’est la lune où se déroule le film Avatar de James Cameron) dans notre univers. Mais malheureusement non ! En se basant sur les données du film, il n’y a pas de planète, pas de lune et pas d’étoiles à là où devrait se trouver Pandora. Néanmoins, cette expérience a poussé à sonder une zone jusqu’alors inexplorée de l’espace. Cet exemple montre l’influence de la fiction sur la science dans le monde réel.
La science-fiction peut être vue comme un outil de médiation, car elle fait « goûter » à la science, par la partie des recherches et des théories. Et non pas par la partie « science consolidée », qui est la partie de la science qui est vérifiée et testée. « La science, c’est l’imagination, dans une camisole très serrée » pour Franck Selsis. Cette dernière, couplée à la fiction, nourrit l’imaginaire et peut parfois être forte de solutions pour les chercheurs. Comme générer des réflexions sur le fonctionnement d’un sabre-laser, ou la création d’hologrammes à la manière de Star Wars.
Dans d’autres histoires, plutôt dystopiques, la science est poussée à son maximum pour imaginer les conséquences de tel ou tel scénario. La série la plus connue dans ce thème est Black Mirror, mais Laurent Genefort a aussi écrit un livre « Opex ».
Le personnage principal est un soldat qui doit réaliser des missions sur différentes planètes. Son esprit doit être téléporté d’un corps à l’autre pour changer d’astre, et ses souvenirs sont effacés à chaque fois. Jusqu’à ce qu’il parvienne à conserver des bribes de sa mémoire d’avant. C’est donc une interrogation du système de téléportation et de conquête spatiale. Il y a également le fait de pouvoir contrôler la mémoire et laver le cerveaux des soldats. Il arrive donc que la fiction nous plonge dans des futurs peu souhaitables.
Un projet pour concilier scientifique et auteurs
Avec le programme « No(s) Culture(s) » (écoutez l’audio) dont fait partie Daniel Suchet, il a été observé qu’il peut y avoir des divergences, voire des conflits, entre auteurs de fictions et scientifiques. Mais il peut aussi y avoir des points de convergence et cela peut très bien fonctionner. Il suffit de trouver un bon équilibre entre l’exploration et la véracité scientifique. Explorer la science sans la dénaturer peut alors permettre de créer de la fiction cohérente. Ainsi, on peut faciliter la médiation vers le grand public.