Salomé Saqué présentait les grandes lignes de son livre, « Sois jeune et tais-toi, réponse à ceux qui critiquent la jeunesse » paru chez Payot, au cœur de l’énorme et magnifique amphi Michel de l’Hospital de l’Ecole de Droit.
Invitée par la Ville de Clermont et la Métropole, dans le cadre de la semaine du développement durable (voir le programme complet), la conférence était animée par le directeur du média Sans Transition, au coeur de l’Université Clermont Auvergne.
Peut-on impunément insulter la jeunesse ?
Salomé Saqué est journaliste économique, principalement pour Blast, elle a 28 ans. Sa fiche Wikipédia précise qu’elle travaille principalement sur « les inégalités hommes-femmes, le réchauffement climatique et la jeunesse ». Elle intervenait sur ce dernier sujet devant un amphi rempli d’étudiants et de quelques auditeurs plus âgés. La genèse de son livre vient du choc de deux vidéos. Celle de l’altercation entre une jeune militante et un actionnaire de Total Energie. Il est âgé et la traite de connasse, balayant ses arguments pro environnement de gestes et mots rageurs. Ou celle de l’interview- lunaire- de Sasha , militante de Dernière Rénovation par Apolline de Malherbe.
Bref, il y a un gap. Générationnel ? C’est le propos. Salomé Saqué fait référence aux dialogues de sourds et qui commencent par « moi de mon temps…. ». Son livre (que je n’ai pas -encore- lu) prend appui à la fois sur les statistiques publiées par l’INSEE et les travaux de sociologues de référence. Elle s’appuie sur les travaux de Pierre Bourdieu, Louis Chauvel, Vincent Tiberj, … pour étayer son propos.
Finalement, son intention n’est rien moins que d’outiller en arguments chiffrés « les jeunes ». Pour qu’ils soient mieux armés pour aborder des échanges parfois tendus et parfois condescendants avec les générations antérieures. Et à entendre le tonnerre d’applaudissements, on comprend bien que ce sentiment de ne pas être pris au sérieux, ni même entendu, est largement partagé.
Le monde a changé. Pas en mieux.
Le contexte socio économique a profondément évolué. En effet, il s’est dégradé : 38% des précaires sont des jeunes (alors que la tranche d’âge 18-29 ans, officiellement « jeunes » ne représente que 13,7% de la population française). Le taux de chômage de la même tranche est de 19%. Le taux d’emplois précaires explose et ce, malgré la massification de la formation : le diplôme n’offre plus la garantie d’un niveau d’emploi ou de rémunération satisfaisants. Les niveaux de salaires baissent et ne se rattrapent pas avec le temps et l’expérience, le niveau de vie s’est dégradé, l’ascenseur social est à l’arrêt, figeant les inégalités sociales originelles… Un tableau pas complètement idyllique.
Ce qu’exprime l’éco-anxiété
C’est un mot -et un phénomène social- assez récent. Pour autant, il est déjà bien identifié comme un enjeu majeur de santé mentale, en particulier chez les jeunes. Il désigne le sentiment d’angoisse face aux enjeux climatiques. Et peut-être d’impuissance. Ce qui amène à redéfinir la notion d’engagement. « On dit » les jeunes peu engagés. En fait, pour Salomé Saqué ce serait faux. Ce qui est vrai, c’est le désengagement politique. Les jeunes votent peu. Mais, en réalité, les jeunes générations ont de tout temps moins voté que leurs aînés. Et comme toutes les générations votent moins, la proportion de ceux qui votent chez les jeunes devient très faible.
Pour autant, ce signal n’est pas à assimiler à un désintérêt du collectif. Il s’exprime seulement différemment. Par l’appartenance à une association comme 1 jeune sur 2. Ou encore, la contribution massive à un événement tel que le Z’Event, qui a mobilisé plus de 10 millions d’euros lors de sa dernière édition. Par le fait de manifester, de partager des contenus engagés sur leurs réseaux sociaux, de s’engager dans des collectifs ou des tiers lieux.
Un mode d’expression plus radical
Les soulèvements de la Terre, Dernière Rénovation, Nous Toutes, … ces formes d’expression, plus radicales, sont -elles efficaces ? lui demande-t-on. Pour Salomé Saqué, penser en terme d’efficacité, c’est déjà projeter un système d’analyse qui n’est plus adapté. C’est d’abord et surtout une forme d’expression qui cherche la voie pour se faire entendre. Les vidéos du début ou tous les exemples de situations dans lesquelles la parole des jeunes est décrédibilisée en sont le terreau.
Renouer le lien intergénérationnel
Salomé Saqué se défend de vouloir opposer les générations. Ou de faire le procès des générations précédentes. Au contraire, après ce tableau un brin sombre, elle en appelle au collectif, au faire ensemble, et à l’alliance des générations. Les jeunes n’ont pas l’expérience pour savoir comment faire. Mais ils expriment l’alerte, tentent d’engager le mouvement et sans doute aussi d’insinuer un nouveau paradigme. On ne peut pas ne pas les entendre.
Et puis aussi s’autoriser l’imperfection. « Si on veut engager le changement, il ne faut pas attendre d’être parfait. Il faut y aller et améliorer tout le temps, être à l’écoute et de bonne volonté ».
C’est ce que font un certain nombre de jeunes. Qu’ils soient entrepreneurs ou engagés dans des assos ou encore au travers de leurs formations, … et que vous raconte Le Connecteur.
Comme ce que fait Lieutopie ici à Clermont avec l’épicerie et depuis peu, la cantine solidaire et partagée.