« On analyse l’impact de la construction sur l’ensemble de son cycle de vie » Clément Blasco, Bois des Territoires du Massif Central

« On analyse l’impact de la construction sur l’ensemble de son cycle de vie » Clément Blasco, Bois des Territoires du Massif Central

L’initiative BTMC, Bois des Territoires du Massif Central accompagne le développement d’une filière bois local sur le Massif Central.
Depuis le 1er janvier 2022, la Réglementation Environnementale 2020 entre en vigueur et remplace la réglementation thermique RT 2012. Elle a pour objectif la décarbonation du domaine de la construction neuve. Ces nouvelles exigences, sont une opportunité pour accélérer la part du bois local dans les nouveaux bâtiments publics. Entretien avec Clément Blasco, le coordinateur du projet BTMC.

Avant d’aborder le développement de la filière bois local BTMC dans le domaine du BTP, on aimerait bien que vous nous parliez un peu de vous …

Je suis un Auvergnat d’adoption. J’ai grandi en région parisienne où j’ai fait des études de commerce avec une orientation développement durable. Déjà, à l’époque, c’était un sujet qui m’intéressait. À la suite de mes études, j’ai travaillé pour une plateforme internet “quelle-energie.fr” qui mettait en relation des entreprises permettant de faire des économies d’énergie et des clients particuliers. Ça a été ma première expérience sur le sujet de l’impact du BTP sur l’environnement.

Je suis arrivé en Auvergne il y a 9 ans et j’ai poursuivi avec un poste chez Jeunesse et Reconstruction. C’est une association d’éducation populaire autour de la rénovation du petit patrimoine bâti. En 2017, j’ai décidé de me reconvertir. Je voulais acquérir des savoir-faire manuels et techniques. J’ai suivi, pendant un an, une formation qualifiante en éco-construction.

On entend beaucoup parler d’éco-construction, c’est d’ailleurs le cœur du sujet de cet entretien. Que met-on derrière ce terme ?

L’éco-construction, c’est la prise en compte de l’impact environnemental du bâtiment neuf ou de la rénovation. Il y a un volet autour du choix de matériaux renouvelables et biosourcés. L’efficacité énergétique est aussi un enjeu majeur de l’éco-construction. On cherche à optimiser la performance thermique, ainsi que le confort d’été et le confort d’hiver grâce aux apports solaires. On appelle cela le bioclimatisme.

J’ai travaillé pendant un an et demi dans une entreprise spécialisée en isolation. Ensuite, j’ai commencé à chercher une expérience qui mêlait mes compétences techniques et la gestion de projet. C’est comme cela que j’ai intégré BTMC. La personne qui avait participé à la genèse de ce projet souhaitait partir vers de nouveaux horizons et j’ai repris le flambeau.

Est-ce que vous pouvez nous pitcher BTMC ?

BTMC est un acronyme qui signifie Bois des Territoires du Massif Central. C’est une certification qui a été créée il y a cinq ans par la volonté d’élus de communes forestières rurales. D’une part, ils faisaient face à des enjeux de gestion des forêts. D’autre part, ils souhaitaient utiliser du bois local dans leurs projets de construction et de rénovation de bâtiments publics. 

Aujourd’hui, dans les marchés publics, il existe une réglementation stricte qui empêche d’inscrire l’utilisation de bois locaux, car ce critère serait trop exclusif. La certification BTMC définit des exigences. Elle permet d’écrire légalement, que l’élu souhaite un bois certifié BTMC ou équivalent dans ses marchés publics. 
Derrière cette certification, il y a une traçabilité des bois à 100%. Les entreprises de chaque maillon de la filière doivent être certifiées et le bois est issu de forêts gérées durablement.

Pourquoi les élus se sont-ils emparés de ce sujet ? Est-ce une vraie problématique sur le territoire ?

Une étude a été menée au niveau national sur les flux de bois. Elle a mis en lumière un paradoxe. D’un côté, on constate que la ressource en bois d’œuvre est bien présente sur les territoires. Des scieries débitent le bois en planches et autres produits semi-finis, c’est la première transformation. Ensuite, il y a la seconde transformation qui assemble et met en œuvre le bois dans le bâtiment (un mur ossature bois, un escalier, etc) 

À travers cette étude, on s’est rendu compte que la seconde transformation utilise des bois d’importation à 70 %. Faute de débouchés, quant à eux, les professionnels de la première transformation sont obligés d’exporter également leur bois.

Ça semble contre intuitif. Pourquoi les professionnels ne s’approvisionnent-ils pas en bois locaux ?

D’une manière générale, le bois de pays peut avoir mauvaise presse. Les professionnels constataient, en effet, que le bois de pays était plus cher, moins disponible, et moins homogène que les bois importés. Les pays scandinaves, par exemple, sont considérés comme des producteurs de bois d’excellente qualité. Il faut dire que cette filière s’est modernisée il y a de nombreuses années pour aboutir à ce résultat.

C’est ce qui est en train de se passer avec les bois du Massif Central. C’est une filière qui monte en gamme. On peut comparer cela avec le travail qui a été fait avec la filière vin locale. L’AOC Côtes d’Auvergne, a permis de définir des critères et de mieux encadrer la production pour proposer des vins de qualité.

Les problèmes d’approvisionnement actuels en matières premières ont également été une opportunité pour le développement de la filière locale.

Vous parlez de bois de pays moins homogènes. En quoi cela pose-t-il un problème dans la construction ?

La construction bois, notamment vis-à-vis des bâtiments publics est très normée. Les techniques ont beaucoup évolué au cours du temps et il y a un fort besoin de produits standardisés et secs. Il y avait donc un décalage entre ce que les scieries pouvaient produire et les besoins des charpentiers. Ces derniers utilisent des machines à commande numérique qui ont besoin de bois de dimensions et de qualité standardisées.

Derrière la certification, il y a plus qu’un engagement de la part des professionnels ?

Oui. L’entreprise certifiée doit se conformer à ce cahier des charges. Chaque année, un organisme de certification indépendant réalise un audit basé sur le référentiel  BTMC. Par ailleurs, notre démarche est en cours d’accréditation par le COFRAC, le COmité FRançais d’ACcréditation. C’est une démarche nationale, qui prouve notre sérieux et notre niveau d’exigence.

Est-ce qu’il existe des démarches territoriales similaires à celles de BTMC ailleurs en France ?

Oui. BTMC s’est calquée sur « Bois des Alpes”. « Bois des Pyrénées » et « Lignum Corsica » sont également des démarches en cours de développement. Derrière ces certifications, il y a un même objectif, celui de reconstruire la filière bois au niveau local. C’est important de connaître la provenance du bois dans les matériaux utilisés, mais il faut également que la création de valeur se fasse localement.

D’ailleurs, lorsque les chargés de mission des communes forestières présentent aux élus des projets BTMC, ils parlent de retombées économiques sur le territoire. 

Il existe désormais un indice “l’ART”, l’Analyse des Retombées Territoriales, qui permet de mesurer l’impact en faisant une simulation des projets à venir ou réalisés. 1000 m3 de bois récolté et mis en œuvre dans la construction, ce sont en moyenne 21 emplois générés localement (bureau d’études, scieurs, charpentiers etc etc …).

Est-ce que les filières bois local certifiées sont uniquement destinées à la commande publique ? 

Au départ, BTMC est une démarche à l’initiative d’élus, mais elle a vocation à s’ouvrir sur le privé. Aujourd’hui, par exemple, dans les Alpes, il y a une chaîne de magasins de distribution de matériaux de construction qui propose du bois local certifié. Ceci devrait continuer de se développer dans les prochaines années.

Quelles sont les actions à venir pour poursuivre le développement d’une filière bois locale ?

Il faut continuer à encourager la certification des entreprises des territoires. La demande, aujourd’hui, est pour du bois sec pour concurrencer les bois d’importation. Les scieries, même non certifiées, s’équipent de plus en plus avec des séchoirs. Il n’y a donc pas forcément des investissements lourds à engager. 
Plus il y aura de professionnels engagés dans la démarche, plus nous pourrons proposer un large éventail de produits disponibles en bois local. 
Par ailleurs, la Région, à travers ses appels à projets, incite les collectivités à utiliser du bois local. Elles peuvent obtenir des subventions supplémentaires. L’Etat encourage également à travers la bonification de la DETR (Dotation d’Equipement des Territoires Ruraux).

Du côté de BTMC, nous voulons étoffer notre réseau de partenaires qui s’engagent dans la démarche. Des constructions BTMC entraînent de nouvelles contraintes, puisque l’on travaille avec des essences de bois locales et certains produits n’existent pas. 
Aujourd’hui, de plus en plus d’architectes, notamment la nouvelle génération, prennent en compte ces paramètres lorsqu’ils dessinent le projet.

En parallèle, nous portons un projet innovant de développement d’un outil de traçabilité numérique des bois s’appuyant sur la technologie Blockchain. Nous souhaitons ainsi favoriser le partage d’informations essentielles pour assurer la confiance des utilisateurs. Toutes ces actions sont financées par l’Etat, les quatre régions du Massif central et l’interprofession France Bois Forêt.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

La nouvelle réglementation RE 2020 qui entre en vigueur en 2022 est une opportunité pour la construction bois. Auparavant, la réglementation thermique, RT 2012, ne regardait que la performance thermique, principalement l’isolation.

Avec cette nouvelle réglementation, on analyse l’impact de la construction sur l‘ensemble de son cycle de vie. Plus le matériau est vertueux, mieux le bâtiment sera noté. Un vrai plus pour la construction bois, même si aujourd’hui toute construction ou rénovation est un mix de matériaux. 
L’impact du transport sera aussi intégré au système de notation. C’est un encouragement supplémentaire pour l’approvisionnement au niveau local. 

Bien entendu, tout cela ne se fera pas du jour au lendemain. La réglementation va se mettre en place de manière progressive avec des paliers pour accompagner les entreprises du BTP dans leur transition écologique. 

Dans la tête de Clément Blasco

Ta définition de l’innovation : Développer des solutions en s’inspirant de nos savoir-faire ancestraux

Une belle idée de start-up : Construire/Rénover des lieux pour en faire des habitats participatifs et stopper l’étalement urbain

La start-up qui monte : Activ Home

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : Linkedin, Foresttopic.com

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : “De la neige pour Suzanne” de Clément Osé 

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : La série “Nona et ses filles” sur Arte

une femme qui t’inspire/experte : Sylvie Monier, directrice de Mission Haies Auvergne qui considère que les arbres sont l’avenir de l’agriculture et de la terre, par leur action de fertilisation des sols, de dépollution, de prévention de l’érosion et par leur effet coupe-vent.
Un très beau portrait avait été réalisé dans un numéro spécial de “Terre sauvage” en mai 2016… année de naissance de ma première fille.

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Augustin Trapenard, journaliste à France inter

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.