Par Damien Caillard
avec Cindy Pappalardo-Roy
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A 42 ans, Nicolas Roussel, applique sa connaissance du marketing de l’innovation en tant que consultant à plusieurs projets sur l’écosystème clermontois auxquels il participe. Il apporte un regard particulier à la prise en compte de l’utilisateur, notamment pour les vélos Koboo dont il est manager opérationnel.
Comment arrive-t-on au marketing de l’innovation ?
Je viens d’une famille de commerçants, j’ai toujours été bercé dans un besoin d’autonomie, et de commerce. Je dois avouer ne pas être un bon commercial, mais je suis un bon commerçant ! Ce que j’affectionne le plus ce sont les relations avec les gens.
J’ai fait le MBA de l’ESC Clermont en 2008 et j’ai été recruté pour intégrer le cabinet Eurobiobiz en tant que consultant marketing de l’innovation dans les sciences du vivant et la santé, ma formation initiale. Après le rachat par Efficient Innovation, je me positionnais plutôt [de manière plus généraliste] sur le marketing de l’innovation. J’ai atteint des clients du numérique, de la santé, de l’environnement, du SHS [Sciences Humaines et Sociales] … j’ai mis mon attention dans l’ensemble des sources d’innovation.
Quels sont les principaux points de vigilance en innovation selon toi ?
L’expérience porte sur les modèles économiques. Le fait d’être généraliste permet d’avoir une vision très transverse, et de [se baser sur les] modèles d’un secteur pour inspirer un autre. Par exemple, passer de la biotech avec des délais d’accès au marché de 15 ans vers du numérique avec des séquences de 6 mois, ça apprend beaucoup. Il se dégage [alors] une vision globale qui nous permet ensuite de mieux échanger avec les investisseurs – l’objectif étant de mieux financer les projets. La réflexion économique permet de mieux comprendre les besoins des entreprises en général, même [s’il faut des] analyses spécifiques par secteur. Le marketing de l’innovation permet à [chacun] de mieux proposer des hypothèses pertinentes sur ce que l’on veut faire de sa boîte.
« Passer de la biotech avec des délais d’accès au marché de 15 ans vers du numérique avec des séquences de 6 mois, ça apprend beaucoup. »
Le second point que je retiens est que, au-delà du financement, le focus principal est la formalisation des conditions d’accès au marché. On [concrétise] l’offre conceptuelle en la transformant en offre commerciale. La “proposition de valeur” est structurée selon la décision du client, que ce soit un acheteur en GMS, un financeur dans la santé, ou un utilisateur pour une appli numérique. C’est lui qui va décider du format. Tant qu’on n’a pas cette info… Cela passe par l’analyse du besoin et la compréhension qu’aura l’utilisateur de la proposition conceptuelle – l’idée de base du projet. Cela passe aussi par une grande agilité de l’offre et de l’entrepreneur pour être le plus possible en capacité de comprendre le besoin du client.
Un exemple ?
J’ai l’exemple en tête d’une start-up qui faisait des logiciels de modélisation pour les géosciences. Le porteur du projet était très bon, un très bon mathématicien, il avait développé une énorme suite logicielle…. mais nous nous sommes rendu compte que ce qui intéressait les utilisateurs était un petit patch qu’il avait [conçu] et qui se greffait sur des logiciels existants. C’est ce qui lui avait pris seulement trois semaines de développement, versus une année pour la solution globale. Et aujourd’hui il fait son chiffre sur ce petit patch, en le vendant le prix de la solution globale ! Il faut donc être agile, prêt à se remettre en question, et pouvoir modifier son format en permanence. C’est une question d’humilité.
Après 10 années passées dans le conseil, tu as « franchi le pas » en te rapprochant des start-ups …
J’avais déjà monté deux boîtes avant de rentrer dans le conseil. et il y a quelques mois, le moment était revenu… J’avais besoin [d’appliquer] ce que j’avais vécu avec des dizaines de projets analysés. Je voulais notamment allez au bout de la mise en œuvre de l’agilité, et m’engager plus profondément dans des projets – j’ai pris des parts dans des sociétés, et notamment avec Koboo, où j’ai un rôle-clé : manager opérationnel.
Koboo, c’est l’ambition d’être fournisseur de solutions de vélos en libre service [VLS] dans le secteur du tourisme. Cela veut dire simplifier, digitaliser des solutions de VLS pour l’ensemble des acteurs et notamment ceux du tourisme. Cela amène de la souplesse, de la simplicité, de la permanence du service qui doit être accessible à des petits acteurs. On vise notamment des flottes de 4 à 200 vélos. Koboo a été lauréat Auvermoov en 2017, mais c’est dans le tourisme que nous trouvons notre place. La mobilité touristique est au coeur de la réflexion des territoire.
La mobilité touristique est au coeur de la réflexion des territoire, en 2017, on a fait une POC à Royan avec 30 vélos pendant 4 mois. Un container maritime intégrant la station implanté sur le port de Royan. En 2018, on a inauguré 2 flottes sur des territoires du thermalisme auvergnat : Châtel-Guyon avec l’agglomération RLV et Vichy et Cusset. En 2019, on a déjà installé 2 flottes dans le sud de la France à port Camargue et Grau du Roi et au second semestre on installe plus de 10 stations sur la côte Basque entre Bayonne et Hendaye.
Près de 300 vélos sont partagées en France grâce à l’application KobOO et on travaille tous les jours avec des nouveaux territoires pour notre développement.
Quelle est la problématique principale de Koboo selon toi ?
C’est celle de la stratégie : l’agilité du service doit permettre son utilisation dans tout un tas d’environnement, et c’est ce sur quoi je travaille et qui détermine la construction de l’offre. Les capacités commerciales sont importantes, mais les acteurs sont éclatés pour atteindre un volume pertinent. Cela nécessite du financement. Sachant que Koboo a la chance d’avoir fait son POC et sa première année de développement commercial sur ses fonds propres. On cherche donc un financement d’amorçage mais dans une logique de développement (…) avec des marques d’intérêts de financeurs niveau Grande Région.
D’ici cet été, on aura terminé notre première levée de fonds avec des partenaires locaux ce qui va nous permettre d’accélérer nos développement technique et notre développement commercial pour atteindre plus vite nos objectifs !
Que penses-tu de l’écosystème d‘innovation sur Clermont ?
Quand j’ai commencé ma carrière, c’était difficile de trouver un événement pour rencontrer l’écosystème, maintenant c’est dur d’avoir une soirée en famille ! Il y a des événements régulièrement portés par plein d’acteurs, CCI, Métropole, Région, Bivouac … L’innovation est traitée selon des angles très différents, que ce soit au niveau du TEDx, du Connecteur, des incubateurs, ou des institutionnels … tout le monde intègre cette composante innovation, et il y a une densité nouvelle.
« A Clermont, la mutation est en cours mais n’est pas terminée, les grands acteurs ne sont pas suffisamment installés. Cela prend du temps… »
Mais il y a un défaut dans l’organisation, qui reste complexe. J’ai toujours du mal à voir le fond de la démarche et l’engagement du territoire dans l’innovation. Les initiatives ne sont pas assez coordonnées. A Nantes, en une décennie, la ville a été transformée autour de l’innovation. A Clermont, la mutation est en cours mais n’est pas terminée, les grands acteurs ne sont pas suffisamment installés. Cela prend du temps… Enfin, les initiatives sur les lieux physiques comme Épicentre ou le Bivouac sont primordiales. Ce sont des points d’ancrage de l’écosystème, et ils participent à l’émergence de ce dernier.
Pour en savoir plus :
le site de Koboo
Entretien du 22 juin 2018 réactualisé le 6 juin 2019, à Epicentre, synthétisé et réorganisé pour plus de clarté, puis relu et corrigé par Nicolas.
Crédits photo : Damien Caillard pour la Une
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- #MarketingInnovation – Naturellement sensible aux relations humaines, Nicolas s’est très vite orienté vers le marketing de l’innovation dans le domaine des sciences du vivant – puis de manière générique – au sein des cabinets Eurobiobiz puis Efficient Innovation. Son intérêt : les sources de l’innovation et la manière de les optimiser dans les processus entrepreneuriaux.
- #PointsDeVigilance – Nicolas insiste sur deux points d’expérience : l’avantage d’avoir une vision transverse (issue de plusieurs secteurs) dans l’élaboration des modèles économiques, en s’attachant aux besoins des entreprises et à la formulation de ses hypothèses de départ. Egalement, l’importance capitale des « conditions d’accès au marché », avec une proposition de valeur la plus proche possible des besoins du client final (ce qui requiert de l’agilité dans les process).
- #Koboo – Après 10 années dans le conseil, Nicolas a changé de cap et s’est rapproché du monde des start-ups. Il est aujourd’hui manager opérationnel de Koboo, projet primé à Auvermoov 2017 et visant à développer une offre de vélos en libre-service pour les collectivités (notamment dans un cadre touristique et flexible).
- #Ecosystème – L’écosystème clermontois de l’innovation a beaucoup évolué, et il est parfois difficile de choisir entre plusieurs événements aujourd’hui ! De nombreux acteurs, privés, institutionnels, associatifs, traitent l’innovation sous différents angles, et on a atteint un certain niveau de « densité ». Pour autant, Nicolas regrette un manque de coordination dans les initiatives, et l’absence d’une stratégie de fond pour transformer la ville. Il attend beaucoup des initiatives autour des « points d’ancrage » que sont les lieux physiques comme Epicentre, le Bivouac, …
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