L’humanité s’apprête à retourner sur la Lune en 2027 avec Artemis III. Les astronautes n’y resteront que quelques jours, mais la question mobilise toute une communauté scientifique : comment vivre ailleurs que sur Terre de manière plus durable et plus autonome ?
C’est le cœur du travail mené par un consortium de plus de 40 chercheurs, issus de 11 pays et de sept agences spatiales, qui a publié dans la revue New Phytologist un cadre scientifique commun pour les futures “fermes spatiales”. Deux laboratoires de l’Université Clermont Auvergne, seule université française du consortium, contribuent à ce programme.
Voir l’incroyable site de la NASA sur ce projet Artemis et les conditions de vie notamment
Pourquoi les plantes deviennent un sujet stratégique pour l’espace
L’idée : passer d’un modèle basé sur l’acheminement de ressources depuis la Terre à des systèmes biorégénératifs capables de recycler l’air, l’eau et les nutriments… grâce aux plantes.
Au sein de ce groupe, trois chercheuses clermontoises apportent chacune une pièce du puzzle :
– Valérie Legué (UMR PIAF) travaille sur la manière dont les plantes détectent et interprètent la gravité. Un point décisif quand il s’agit de faire pousser une tige dans un environnement où la gravité est réduite ou modifiée.
– Mélanie Decourteix-Volle (UMR PIAF) explore la proprioception végétale : comment la plante “sent” les contraintes mécaniques et ajuste son architecture. Un paramètre essentiel pour éviter que les cultures ne s’effondrent ou ne se développent mal dans un habitat spatial.
– Lucie Poulet (Institut Pascal, programme MELiSSA) développe des systèmes de culture adaptés aux environnements spatiaux. Son travail dans les systèmes de support de vie régénératifs vise à optimiser la production de nourriture et de biomasse dans un espace fermé. (Le Connecteur lui avait consacré un portrait en 2018.)
Les trois recherches se complètent : comprendre comment une plante perçoit, répond et s’adapte dans un environnement extrême permet d’imaginer des chaînes alimentaires autonomes pour les futures bases lunaires et martiennes.
L’ambition dépasse l’exploration spatiale. Les technologies et connaissances développées pour la Lune ou Mars pourraient accélérer la transition vers une agriculture plus résiliente sur Terre. On pense à l’agriculture de précision, la biologie synthétique, le recyclage complet des ressources, … Mais aussi les effets psychologiques positifs du végétal dans des environnements contraints
Autrement dit : comprendre comment cultiver dans l’espace revient aussi à repenser la manière de produire dans un monde marqué par les ruptures climatiques.
Une collaboration internationale qui s’intensifie
Le projet implique la NASA, l’ESA, le CNES, la JAXA, plusieurs universités européennes, japonaises, australiennes et nord-américaines. À mesure que l’ISS approchera de la fin de vie (vers 2030), l’enjeu est de coordonner recherche et technologies pour aller vers des habitats spatiaux autonomes et économes en ressources.</p>
« En apprenant à cultiver des plantes dans l’espace, nous améliorons aussi nos méthodes de production alimentaire sur Terre. Les innovations développées pour la Lune et Mars transformeront notre façon de produire des aliments et des médicaments, partout sur la planète. »
(Dr Luke Fountain, NASA)
UMR PIAF – (Physique et Physiologie Intégratives de l’Arbre et de la Forêt)
L’UMR PIAF étudie la manière dont les plantes — en particulier les arbres — perçoivent leur environnement et s’y adaptent. Le laboratoire travaille sur la mécanique végétale, la perception de la gravité, la réponse aux contraintes (vent, poids, torsion…), la croissance et le fonctionnement hydraulique.
>Son objectif : comprendre comment une plante “sent”, interprète et ajuste son architecture et son fonctionnement pour survivre dans des environnements contraints.
En bref : un labo qui explore les mécanismes physiques et physiologiques des plantes. Et comment elles se tiennent, poussent, s’adaptent. Du sol… jusqu’à l’espace.
Institut Pascal (UCA / CNRS / INP Clermont Auvergne) – volet MELiSSA
L’Institut Pascal travaille sur l’ingénierie des systèmes complexes, dont ceux dédiés au spatial. Dans le cadre du programme européen MELiSSA (Micro-Ecological Life Support System Alternative), ses équipes développent et modélisent des systèmes de support de vie régénératifs pour les missions habitées. Produire de l’oxygène, recycler l’eau, transformer les déchets et cultiver des plantes en environnement fermé. Il s’agit d’étudier plusieurs dimensions. La conception et l’optimisation des systèmes de culture en conditions spatiales. Le fonctionnement de ces écosystèmes artificiels en boucle fermée. La modélisation des échanges (air, eau, nutriments) pour garantir autonomie et stabilité dans les habitats lunaires ou martiens… En bref : l’Institut Pascal, via MELiSSA, conçoit des briques technologiques et écologiques pour rendre possibles des habitats spatiaux autonomes. Comme des “mini-biosphères” capables de soutenir la vie humaine.
