Par Damien Caillard
et Cindy Pappalardo-Roy
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Ils sont la preuve qu’une start-up du Bivouac peut être « militante » dans son approche : Steve Saez et Benjamin Labonne, qui ont co-fondé les Affranchis, revendiquent une nouvelle manière d’aborder le monde de l’assurance. Selon eux, cet univers est biaisé par certains grands assureurs, et leur service souhaite rééquilibrer la relation en faveur des victimes d’accidents. Basés au Bivouac, ils nous décrivent comment leur projet a pu se développer sur Clermont.
Quel est votre « mantra » chez Les Affranchis ?
Benjamin : Il y a un trait commun qui nous lie fortement moi et Steve : le refus de l’injustice. En travaillant avec les assurances, on s’est rendu compte que tout le parcours client était biaisé, de manière à favoriser les [assureurs] tout en lésant les victimes d’accidents, corporels ou automobiles. On a donc cherché des moyens de réparer cette injustice. C’est notre philosophie : offrir les mêmes compétences qu’ont les assureurs en interne, mais au profit exclusif des victimes d’accidents.
Steve : C’est une sorte de start-up militante ! On le fait valoir, on l’affiche…
Quelle est la réaction des clients la première fois?
B : On a des retours des clients qui nous disent qu’on va dans le bon sens, donc ça nous tient à cœur. Et c’est pourquoi on préfère être corrosif dans le monde de l’assurance plutôt que de chercher des bénéfices rapides en se « prostituant ».
Il y a un trait commun qui nous lie fortement tous les deux : le refus de l’injustice.
S : En plus, on est dans un système installé depuis des années, au profit des assureurs. Pour changer ce système, il faut faire beaucoup de pédagogie pour que les gens changent leurs habitudes. Et il faut convaincre les gens que c’est dans leur intérêt ! Leur faire comprendre que les assureurs, malgré leurs belles pubs, ne sont pas toujours de leur côté.
Comment les assureurs s’y prennent-ils pour convaincre leurs clients, selon vous ?
B : La communication sur l’accidentologie n’est faite que par les assurances ! On a l’impression que les assureurs seront toujours à nos côtés. Alors que, dans les faits, ce n’est pas forcément le cas. On lutte contre ça, on veut montrer qu’ils n’ont que faire de la juste indemnisation. En plus, il n’y a pas de contre-pouvoir. C’est pourquoi on est corrosif sur le sujet.
Le premier réflexe en cas d’accident, ce serait de se renseigner auprès d’un réparateur indépendant.
S : Par exemple, quand on est malade, on n’accepterait pas qu’un assureur nous dise d’aller voir tel médecin agréé ou telle pharmacie agréée. Si on ne [le tolèrerait] pas dans un parcours de santé, pourquoi le ferait-on dans un parcours d’assurance? Le premier réflexe en cas d’accident, ce serait de se renseigner auprès d’un réparateur indépendant.
Quelle est votre stratégie de communication?
B : D’abord, pour s’adresser au plus de monde, on va chercher à lever le plus de fonds pour communiquer. Comme nous avons un axe militant avec un discours intéressant, les grands médias nous ont ouvert leurs portes : France 2, TF1 – au décrochage local du JT, Turbo sur M6, et en local on passe tous les mois et demi sur France Bleu (« La vie en bleu au quotidien ») ; on a aussi fait deux articles dans “Que Choisir”. C’est difficile, car on ne peut passer qu’auprès de médias indépendants des annonceurs. Souvent, on a été censurés dans des magazines – car, en général, un annonceur sur cinq ou six est un assureur !
S : Du soir au matin, essayez de comptabiliser le nombre de publicités d’assurance auxquelles on est soumis. C’est impressionnant.
B : On essaye aussi d’utiliser les réseaux sociaux, mais nos moyens restent limités. Mais il faut dire aussi qu’il y a des professionnels privés ou restreints dans l’accès au marché : les réparateurs indépendants, les experts indépendants, non agréés – dont les prestations ne sont pas remboursées par les assureurs – et les médecins conseils de recours, des avocats… Nous, on essaye d’être des facilitateurs dans la gestion des sinistres, des déclarations jusqu’au indemnisations. On a donc une approche globale, et ces professionnels peuvent travailler avec nous. On les voit comme des partenaires.
Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux?
S : On a eu deux parcours en parallèle avant de se retrouver !
B : J’ai repris l’entreprise familiale de carrosserie. On était agréés longtemps par les compagnies d’assurance, donc j’ai vu comment les experts automobiles traitent les victimes. On peut avoir un cadre contractuel – par exemple quand votre pneu éclate – où il n’y a pas d’enrichissement et ça ne pose pas de soucis. Mais si on est reconnu victime par la loi, sans être responsable, le problème est que les compagnies d’assurance appliquent le cadre contractuel, en ne remboursant qu’une partie du sinistre. C’est là que j’ai débuté des démarches « individuelles » pour faire payer entièrement le fautif. C’était intéressant, mais c’était trop technique pour être traité dans une carrosserie. J’ai donc créé les Affranchis en 2015 pour cela.
S : Moi j’ai fait des études supérieures dans l’assurance et le droit. J’ai travaillé au sein du groupe la Poste, pour la protection des salariés en interne, mais à un moment je me suis rendu compte que les salariés hors véhicule (à pied, en vélo) n’étaient pas protégés. J’ai constaté les abus des assureurs, qui ne proposaient quasiment rien en cas d’agression animale sur un facteur, par exemple. J’ai voulu travailler à renégocier les offres des assureurs, et ça a fonctionné puisqu’on est monté à x10 en indemnisation. Et, en 2015, je suis tombé sur un article parlant des Affranchis dans “Que Choisir” L’approche m’a beaucoup plu, ils étaient à Aubière, juste à côté de chez moi… Fin 2015, je rejoignais l’entreprise.
Au sein des Affranchis, qui fait quoi?
B : On a vraiment cette philosophie, avec une même méthodologie, même si Steve est plutôt gestion opérationnelle – matérielle et corporelle – des sinistres, avec l’expertise en chiffrage, et moi sur l’aspect finances, stratégie, et relations réparateurs et experts dans le monde automobile. Aujourd’hui, nous sommes quatre : nous deux, Bunyamin qui gère les sinistres auto, et Lenaïg qui est notre community manager, dédiée aux réseaux sociaux.
Quels sont vos objectifs à moyen terme?
S : On veut aller plus loin que la gestion d’un dossier. On souhaite développer une communauté de gens qui refusent la mainmise de l’assurance, et donc l’alimenter en information, favoriser la mise en réseau, agglomérer les clients avec les réparateurs et les experts pour faire émulation, et qu’ils diffusent l’information autour d’eux.
B : C’est pour l’instant une communauté virtuelle uniquement . Mais on aimerait organiser des rendez-vous, faire des formations à la gestion de sinistres pour que les gens évitent certains pièges. Aussi, accompagner à la gestion de flottes pour sensibiliser les PME… On a tout ça sous le coude, mais c’est un problème de moyens. Notre objectif cette année est de faire une levée de fonds avant l’été 2019. Pour les partenaires réparateurs – 50 à l’heure actuelle – ce serait autour d’eux que la communauté pourrait se fédérer, et les fonds serviraient à ça.
Vous êtes passés par un accélérateur d’entreprises…
B : Oui, on est entrés au Bivouac avec l’AAP Mobilité. On était allé pitcher et on a gagné en juin 2016 ; en parallèle, on s’est rendus au Salon des Entrepreneurs de Lyon : on y a même représenté le Bivouac ! À l’époque, cela nous a donné une bonne visibilité. Et à Lyon, on a aussi gagné le concours de pitch sur la base du concept, sans que les gens nous connaissent là-bas : c’était pour nous un signal fort. Le Bivouac, c’est pour nous plein de choses : du réseau, de l’accompagnement, du soutien… C’est un super écosystème.
S : Ça a vraiment joué le rôle d’accélérateur. On aurait mis cinq fois plus de temps pour faire ce qu’on a fait sans le Bivouac.
B : Du niveau local au niveau national, et aussi de l’artisanal au digital – ce qui nous permet, ou nous permettra – de gérer du volume et de bénéficier d’une vraie accélération. On travaille sur une plateforme numérique avec Highlight, notamment avec un chatbot développé par Opla. On doit insister sur le côté user friendly. On a aussi des liens business forts avec des startups dans le giron du Bivouac, beaucoup sur les bonnes pratiques : la levée de fonds, l’expérience utilisateur, etc. D’un côté le personnel du Bivouac nous trouve toujours la bonne personne pour régler un problème, mais de l’autre ce qui est précieux c’est le retour d’expérience des autres start-ups : Woom, Yes It Is…
Ça a vraiment joué le rôle d’accélérateur. On aurait mis cinq fois plus de temps pour faire ce qu’on a fait sans le Bivouac.
S : Clermont, c’est à taille humaine. On connaît facilement tout l’écosystème, forcément plus réduit qu’à Paris. Et on arrive à bien en voir les arcanes : qui fait quoi, comment agir? On n’est pas perdu dans une jungle, on s’y retrouve.
Et après l’accélération…
B : Le Bivouac, je le vois comme un vrai « réacteur nucléaire » pour les start-ups. On a tout en un seul lieu ! Par contre, la sortie du Bivouac nous fait un peu peur, on ne sait pas s’il y a des réseaux suffisamment actifs… On sait qu’en amont, il y a ce qu’il faut avec les incubateurs notamment. Mais quid en aval? Il manque sans doute un maillon d’accompagnement post-accélérateur. Bien sûr, il y a des réseaux de chefs d’entreprise intéressants ; sans doute devrait-on créer un club d’Anciens du Bivouac? Ce serait aussi un bon moyen de partager l’expérience avec des nouveaux entrants au Bivouac. Et ça éviterait un « saut dans le vide ».
S : Il faut des référents. Et qui mieux que les Anciens pour le faire? On pourrait aussi y retrouver des financeurs, des Business Angels, la CCI, etc. Tout le monde aurait intérêt à ce qu’il y ait une dynamique post-accélération !
Pour en savoir plus :
le site officiel des Affranchis.
Entretien réalisé le 30 octobre 2018 au Bivouac par Damien Caillard. Propos synthétisés et réorganisés pour plus de lisibilité par Cindy Pappalardo-Roy, puis relus et corrigés par Steve et Benjamin.
Visuels fournis par Steve et Benjamin sauf la photo de Une, par Damien Caillard.
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- #Mantra – Le trait commun qui lie fortement Benjamin et Steve est le refus de l’injustice. En travaillant avec les assurances, ils se sont rendus compte que tout le parcours client était fait de manière à favoriser les assurances tout en lésant les victimes d’accidents. C’est leur philosophie : offrir les mêmes compétences qu’ont les assureurs en interne, mais au profit exclusif des victimes d’accidents.
- #StratégieCommunication – D’abord, pour s’adresser au plus de monde, Steve et Benjamin vont chercher à lever le plus de fonds pour communiquer. Les grands médias leur ont ouvert leurs portes : France 2, TF1, Turbo sur M6, et en local ils passent tous les mois et demi sur France Bleu ; ils ont aussi fait deux articles dans “Que Choisir”. Ensuite, ils utilisent les réseaux sociaux, même si les moyens sont limités. Ils tentent d’être des facilitateurs dans la gestion des sinistres, des déclarations jusqu’au indemnisations, et ont donc une approche globale.
- #Rencontre – Avant de se retrouver, Steve et Benjamin ont eu deux parcours en parallèle ! Benjamin a repris l’entreprise familiale de carrosserie, qui était agréé par les compagnies d’assurance, donc il a vu comme les experts automobiles traitent les victimes. C’est là qu’il a débuté des démarches « individuelles » pour faire payer entièrement le fautif. Il a donc créé les Affranchis en 2015. Steve, quant à lui, a fait des études supérieures dans l’assurance et le droit. En travaillant au sein du groupe la Poste, pour la protection des salariés en interne, il a constaté les abus des assureurs, qui ne proposaient quasiment rien en cas d’agression animale sur un facteur, par exemple. En 2015, il rejoignait l’entreprise.
- #Objectifs – Aujourd’hui, Steve et Benjamin veulent aller plus loin que la gestion d’un dossier et souhaitent développer une communauté de gens qui refusent la mainmise de l’assurance, et donc l’alimenter en information, favoriser la mise en réseau, agglomérer les clients avec les réparateurs et les experts pour faire émulation, et qu’ils diffusent l’information autour d’eux. C’est pour l’instant une communauté virtuelle uniquement, mais ils aimeraient organiser des rendez-vous, faire des formations à la gestion de sinistres pour que les gens évitent certains pièges. Aussi, accompagner à la gestion de flottes pour sensibiliser les PME. Leur objectif cette année est de faire une levée de fonds avant l’été 2019.
- #Accélérateur – Les Affranchis sont entrés au Bivouac avec l’AAP Mobilité, accélérateur d’entreprise qu’ils ont représenté au Salon des Entrepreneurs de Lyon. À l’époque, cela leur a donné une bonne visibilité. Le Bivouac, c’est pour eux plein de choses : du réseau, de l’accompagnement, du soutien… C’est un super écosystème. Et ça a vraiment joué le rôle d’accélérateur : ils auraient mis cinq fois plus de temps sans le Bivouac.
- #Clermont – Clermont, c’est à taille humaine : on connaît facilement tout l’écosystème, forcément plus réduit qu’à Paris. Et on arrive à bien en voir les arcanes : qui fait quoi, comment agir? On n’est pas perdu dans une jungle, on s’y retrouve. Par contre, la sortie du Bivouac fait un peu peur à Steve et Benjamin, qui ne savent pas s’il y a des réseaux suffisamment actifs… Il manque sans doute un maillon d’accompagnement post-accélérateur. Il faut des référents, et qui mieux que les Anciens pour le faire? Tout le monde aurait intérêt à ce qu’il y ait une dynamique post-accélération.