Par Damien Caillard
avec Cindy Pappalardo-Roy
Discret mais efficace, Mathieu Cambe est un des plus actifs représentants d’Accenture dans notre écosystème d’innovation. Après avoir tout de même monté le « Innovation Center » parisien de la marque de consulting, ce natif de Clermont a souhaité retrouver ses origines pour expérimenter les méthodes sur lesquelles il avait travaillé dans un plus petit environnement. Résultat : un soutien transversal au développement de l’innovation, à la fois dans les structures clientes et dans les actions de l’écosystème comme Cocoshaker ou le Connecteur.
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Tu es passionné par les méthodologies de l’innovation. Comment en es-tu arrivé là ?
Je ne suis pas tombé dans la marmite de l’innovation quand j’étais petit, j’y suis tombé un peu plus tard… Mon parcours entre conseil, finance, stratégie – méthodologie, m’y a mené. Avant d’y parvenir, je faisais du conseil en stratégie pour les CFO [Chief Financial Officers]. J’étais aussi en quête de sens, et j’ai eu cette riche opportunité de travailler sur l’innovation, il y a de cela quatre ans : je suis entré dans l’aventure du Paris Innovation Center d’Accenture.
Quelle était ta mission à l’Innovation Center d’Accenture ?
Ma mission était de créer le centre et de travailler sur son concept, lié aux méthodologies de l’innovation. Rapidement, il est devenu vital de s’ouvrir sur des profils venant d’horizons différents pour faire vivre le lieu et incarner l’innovation. Nous avons intégré « l’Architecture de l’innovation » avec Research (pour les tendances), les Labs (Technos et recherches fondamentales) où on travaille sur la blockchain, le Quantum Computing… et aussi, les “Liquid Studios” (prototypage rapide), l’Open Innovation (partenariat et ventures avec les startups du monde entier), des designers produits, de services, des UX de Fjord (Agence de design) et bien sûr : des clients ! Nous travaillions avec toutes ces équipes avec pour seul but d’aller au plus vite vers la réponse grâce à l’innovation.
Comment y définirais-tu ton rôle ?
Mon rôle, suite à la création, fut de faire tourner le centre : la gestion avec ses parties prenantes. Et aussi faciliter et animer les ateliers. Par itération, arriver à l’agenda le plus propice pour que le client reparte au plus vite avec sa solution concrète.
Ce type de centre, quand tu as commencé à l’opérer, tu le gardes tout le temps dans ton esprit. Je suis toujours en recherche sur les méthodologies d’innovation, même dans le privé. J’en suis arrivé à la conclusion qu’on peut soi-même changer. L’innovation, ça ouvre le champ des possibles. Pour moi, ça a répondu à un besoin de sens : le but, c’est d’être utile, la question de l’impact qu’on produit. Et je me sens vraiment à l’aise dans cet univers.
Tu es ensuite revenu au cœur des Volcans …
Je suis [rentré] à Clermont en juin 2018, c’était une volonté de retour aux sources. Il y avait aussi une agence locale d’Accenture qui était particulièrement intéressante : c’est un petit groupe dans un grand groupe. Les sujets sont tous nouveaux, et l’innovation ici est hyper vivante, très concentrée, on peut vite rentrer dans le vif du sujet avec les différentes personnes. On ne passe pas du temps à créer son réseau, il va très vite ! On est soudés par la force qu’il y a ici, par cette identité territoriale.
Quelle est ta vision globale sur l’innovation ?
Au final, il y a deux façons de voir l’innovation (et on peut les mixer) : soit elle est réservée à l’élite, en visant l’innovation de rupture – quel est le prochain service, le prochain produit ? Et se concentrer dessus. Soit on la donne à tous – en interne, en se disant que ça créera une culture de l’innovation. Ces deux concepts sont quasiment antinomiques ! Ouvrir des centres, c’est utile à la première condition qu’il y ait une équipe pour incarner le concept de l’innovation.
Peux-tu nous parler du Club Open Innovation [COI] Auvergne ?
Le COI Auvergne*, c’est l’idée du plus grand nombre contre l’entre-soi. Les membres viennent de différentes entreprises (Michelin, GRDF, Enedis, BNP, Digital League, SMTC, Centre France…) et souhaitent travailler en Open Innovation. Pour cela, il faut prendre néanmoins un certain temps pour poser les bases de confiance et d’usage ; pour savoir comment on peut en faire bénéficier les autres. Même si on ne se voit finalement que peu de fois sur une année, on arrive à tisser de nombreux liens. Et la question est : peut-on l’ouvrir davantage ? Comment passer du “think” au “do” ? Quel objectif commun ? Difficile à trouver et nécessaire pour avoir un résultat concret, fédérer autour de soi, et communiquer dans nos entreprises.
Quand on pense open innovation, on pense a priori partenariats, relations avec d’autres grands groupes… Au COI Auvergne, on n’a pas de filtre ! Et c’est le plus intéressant : l’information va très vite.
L’innovation ouverte donc un sens évident pour toi …
On parle beaucoup d’open innovation, mais on devrait aller beaucoup plus loin sur le “faire ensemble”, comme au Movin’On (Think and Do Tank sur la mobilité durable). Que ce soit des groupes d’individus, et pas uniquement des individus, qui travaillent ensemble. Il y a des partenariats d’innovation, mais ça peut aller plus loin. Par exemple : et si on se mettait à plusieurs pour aider une ville ? On est tous à la même enseigne, localement. Pour un territoire, la réussite de l’un dépend de la réussite de l’autre. Et il ne faut plus attendre les moments difficiles pour adresser cela.
Comment réussir à diffuser l’innovation dans les territoires?
Teaser l’innovation, c’est à la fois facile et difficile. Il faut vivre une expérience d’innovation pour y adhérer, par exemple La Startup est dans le Pré, ou un Startup Weekend. Si on approfondie avec une formation derrière, tant mieux. Dans le cas de la Startup est dans le pré, toutes ces personnes en milieu rural, ça leur donne des clés pour mieux entrer dans l’innovation. On pense créativité et foisonnement, pour autant elle est assez normée et « méthodologisée ». Ces événements sont bien encadrés, par des gens de Human Booster par exemple.
Quelles seraient les phases par lesquelles passer, alors ?
Il faut commencer par “vivre par procuration” : de l’empathie pour comprendre ce qui arrive aux autres afin de trouver le problème. Il faut s’inspirer de tout et maturer les propos, un peu comme le processus créatif des artistes. L’innovation doit aussi être contrainte dans le temps en termes de réalisation.
« Il faut s’inspirer de tout et maturer les propos, un peu comme le processus créatif des artistes. »
À partir d’un certain moment, lorsqu’on est bien « mûr », il y a une phase de créativité : on demande aux gens de diverger sur les idées les plus folles avant de converger. On ne demande jamais de trouver tout de suite la bonne idée ! Il faut des essais, des rebonds, des idées qui iront le plus loin possible. Tout cela fait partie des méthodologies. Pour que ça marche, il faut préparer la personne, la mettre dans un certain état d’esprit et pratiquer une créativité de groupe.
Finalement, ce sont les fondamentaux de l’innovation. Et même si le discours, les technologies changent, foncièrement, les méthodologies, elles, sont posées.
Tu es également “Ambassadeur PrideAlly”. En quoi cela consiste-t-il ?
PrideAlly, c’est le fait de dire “Venez comme vous êtes”. De promettre qu’il n’y aura pas de jugement, et de garantir une parfaite égalité des droits. De dire que ce sujet [de la diversité] n’en est pas un. Concrètement, Accenture a signé de nouveau la charte de l’Autre Cercle, une association qui travaille sur l’inclusion des personnes LGBT+. J’ai pris un rôle local sur le sujet, et je travaille à essaimer autour de moi. Nous voulons que tout un chacun se sente authentique.
On a besoin à la fois de singularité et d’une grande diversité pour innover, cela devient primordial pour moi. Et c’est une chance d’être presque 500 000 chez Accenture, ça fait une belle diversité ! Est-ce que c’est important de parler de ces sujets au travail ? La frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus fine, aucun collaborateur ne doit être laissé sur le bord de la route. Personne ne doit se sentir gêné parce qu’il s’est marié avec une personne du même sexe par exemple.
« La frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus fine, aucun collaborateur ne doit être laissé sur le bord de la route. »
Ces propos sont rassurants pour nos générations, ou les plus jeunes. En fait, c’est beaucoup d’efforts pour une personne LGBT de se cacher. Je veux dire par là, de ne pas pouvoir parler librement, de faire attention à ses propos … Mais aujourd’hui, ça évolue dans le bon sens, ça devient une normalité. Quand on va voir des étudiants, ça fait sens. Quand on recrute aussi. Et maintenant, on se dit qu’on va échanger sur ces sujets avec nos clients …
*Service proposé et animé par le Connecteur
Pour aller plus loin :
La page du Paris Innovation Center d’Accenture
Le site du Club Open Innovation Auvergne
Entretien réalisé par Damien Caillard le 1er juillet 2019 dans les locaux d’Accenture, édité par Cindy Pappalardo-Roy pour plus de clarté puis relu et corrigé par Mathieu. Photos fournies par Mathieu sauf celle du COI. Vidéo réalisée par Accenture.
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #Méthodologie – Mathieu Cambe s’est très tôt intéressé aux méthodologies de l’innovation, après avoir accompagné des CFO via Accenture. Il a notamment participé à la création et à l’animation du Paris Innovation Center.
- #InnovationCenter – Il s’agit d’un centre / dispositif / concept lié aux méthodologies de l’innovation. Les équipes d’Accenture s’y sont rendus compte qu’il fallait plusieurs profils pour faire vivre le lieu, et cela les a orienté sur l’architecture de l’innovation qui intégrait la recherche pure.
- #RetourAuxSources – Mathieu est revenu à Clermont en juin 2018 ; il y avait une antenne locale d’Accenture particulièrement intéressante, un petit groupe dans un grand groupe. Il ajoute : « Les sujets sont tous nouveaux, et l’innovation ici est hyper vivante, très concentrée, on peut vite rentrer dans le vif du sujet avec les différentes personnes.«
- #ClubOpenInnovation – Le COI Auvergne, c’est l’idée du plus grand nombre contre l’entre-soi. La question est : Peut-on l’ouvrir davantage? Comment passer du “think” au “do” ? Il faut un objectif commun. Ce que Mathieu apprécie au COI Auvergne, c’est qu’il n’y a pas de filtre, et que l’information va très vite.
- #Territoires – Comment diffuser l’innovation dans les territoires? Pour Mathieu, il faut vivre une expérience d’innovation comme La Startup est dans le Pré ou un Startup Weekend. La méthodologie et l’accompagnement aide au foisonnement d’idées, et au final à convaincre de nouvelles personnes de s’intéresser à l’innovation.
- #PrideAlly – Mathieu est ambassadeur PrideAlly. C’est le fait de dire “Venez comme vous êtes”, de promettre qu’il n’y aura pas de jugement, et une parfaite égalité des droits. Concrètement, c’est la charte de l’Autre Cercle, une association qui travaille sur l’inclusion des personnes LGBT+. Mathieu a pris un rôle local sur le sujet, et il travaille à essaimer autour de lui.