Par Damien Caillard
et Cindy Pappalardo-Roy
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Tu es avant tout un passionné de photographie…
Ça résume assez bien mon approche de la vie : d’abord j’observe, puis je documente, je mets en avant les liens entre les gens, les objets, les paysages, les regards. J’ai fait une école photo sur Montpellier et en ai vécu pendant cinq ou six ans.
Je faisais surtout de la photo de sports de pleine nature et de paysages naturels. J’ai pris goût au voyage durant mes reportages “sportifs”, puis j’ai parcouru la moitié de l’Europe en van aménagé pour documenter la nature européenne, avec une chambre photo argentique.
Tu as lancé beaucoup de projets ; par quoi as-tu commencé ?
Par ces activités photo, je me suis rapproché du groupe Niveales, qui édite des magazines de voyages et de sport. C’est là que s’est révélé mon goût pour le design, pour la pensée “organisation”. Chez Nivéales par exemple, j’ai aidé à réorganiser le service abonnement, à repenser certaines offres, …
C’est pendant mon voyage autour de la nature européenne qu’est aussi née l’idée d’Identitrip : on avait identifié le fait qu’il n’y avait pas de médias de voyage, divertissant et utile, et dont le modèle économique bénéficie aux pays destinataires.
C’est le projet Identitrip qui m’a ramené à Clermont-Ferrand, via le concours New Deal Digital : Six mois de salaire, de loyer et de cowork. C’est Henri Talamy, de l’ARDTA à l’époque, qui nous a accueilli et fait découvrir l’écosystème Clermontois. Je continue à le mettre en avant dès que je peux car il m’a énormément aidé.
Ce qui t’as conduit à découvrir les espaces de coworking…
Je venais du coworking de la Cordée, à Lyon. Et j’ai atterri comme beaucoup à Épicentre Factory. C’était moins carré, plus créatif : je voyais pleins de choses à y faire. L’ouverture du lieu, en septembre 2016, a été ma première expérience dans l’écosystème. J’ai commencé à travailler avec l’ensemble du collectif et des coworkers les plus investis sur le site web et sur le Hub (= le réseau social interne). J’y ai vécu en tant que coworker avec Identitrip, puis comme “couteau suisse” pendant un temps.
Quelle est ta façon de travailler, aujourd’hui ?
Je fonctionne à peu près pareil pour chaque projet : j’identifie un problème qui me passionne, je lis tout ce que je peux trouver sur le sujet, m’approprie des outils, des méthodes, et j’essaie de les adapter, en collectif, à la problématique en question. J’ai toujours préféré comprendre et exécuter, en quasi-simultané, quitte à faire des erreurs, que d’apprendre un “savoir” de façon scolaire pour l’appliquer ensuite.
« Je fonctionne à peu près pareil pour chaque projet : j’identifie un problème qui me passionne, m’approprie des outils et des méthodes et essaie de les adapter, en collectif. »
J’aime partir à la recherche des problèmes et des solutions, trouver les acteurs clefs, et accompagner l’intelligence collective, mais pas tellement assurer l’exécution pure et dure sur le long terme. Je me suis focalisé vers ce type d’activités après la fin d’Identitrip. C’est par ce biais là que j’ai rencontré Raphaël Poughon, de Centre France, lors d’un atelier des “Lagons”, un programme d’innovation interne.
Ce qui t’as conduit à intégrer le groupe de presse…
En septembre 2016, j’ai intégré le Lab Centre-France pour travailler avec Raphaël et les équipes du groupe sur les projets innovants. Depuis deux ans, je suis facilitateur d’innovation et de démarches collaboratives. Ca peut faire un peu “pompeux”, mais c’est en réalité très concret. Nous acculturons les salariés aux enjeux de la transformation, digitale et sociétale, puis nous leur facilitons les démarches, les réflexions, l’exécution, lorsqu’un projet innovant émerge.
Par exemple, quelles actions avez-vous lancées au sein de ce Lab ?
On a créé “Bonjour” : un intranet très collaboratif, construit autour des outils Google. On a aussi organisé les “Tendances du Digital” : un rendez-vous trimestriel avec les managers et les cadres influents, pour vulgariser, en une demie-journée des concepts qui peuvent paraître complexes: blockchain, Assistants et robots, …
Y a t-il une méthode particulière pour mettre ces actions en place ?
L’une des clés du succès pour la transformation par l’innovation, c’est la patience. Beaucoup de patience ! Tu dois t’adapter au rythme du “plus lent”, c’est normal.
L’autre clé indispensable, c’est de toujours être en posture concertative : on ne décrète pas que les choses vont changer. Nous sommes des facilitateurs du changement, mais nous sommes épaulés par nos “laborantins” : une petite centaine de personnes dans le groupe qui sont naturellement sensibles à nos thématiques, et avec lesquelles on a un lien assez fort. Ils sont les relais locaux sur le terrain, entre le Lab et les équipes.
« Les deux clés du succès pour la transformation par l’innovation, c’est la patience et d’être en posture concertative. »
Il y a trois publics pour l’innovation en interne : la direction générale et les “stratèges”, les managers intermédiaires qui tendent à devenir davantage des animateurs que des contrôleurs, et enfin les collaborateurs plus opérationnels, à accompagner sur les nouvelles manières de “faire”. Un même collaborateur peut parfois se retrouver à alterner entre ses trois postures, ce qui complique l’identification de leurs problèmes.
Lors du Uphéros de septembre, Raphaël et toi avez présenté le projet de nouvel incubateur média : la “Compagnie Rotative”
Le projet d’incubateur était dans le backlog des projets depuis quelques temps. En 2017, on a déposé un dossier pour monter un incubateur à la DGMIC (auprès du Ministère de la Culture), et on a été lauréats. Ca a été le catalyseur de la mue du LAB, de son passage à la vitesse supérieure.
C’est donc le LAB qui devient La Compagnie Rotative. C’est cette nouvelle entité, qui opère le programme d’incubation corporate pour La Montagne. Nous gardons évidemment l’activité d’accompagnement des démarches de transformation et d’innovation, en interne, comme pour de nouveaux partenaires extérieurs au groupe.
« Le programme d’incubation de la Compagnie Rotative sert deux missions : aider les équipes du groupe dans leur transformation et accompagner l’écosystème média. »
Ce programme d’incubation sert deux missions : aider les équipes du groupe dans leur transformation par l’exemple et l’action collective, et accompagner l’écosystème média au sens très large dans le virage nécessaire. Des groupes comme Centre France veulent continuer à apporter de la valeur ajoutée à leurs publics, et il ne peuvent pas faire autrement que de s’en rapprocher pour mieux les comprendre.
On bosse avec Startup Palace à Nantes (une agence de conseil et de montage de programmes d’accélération pour des tiers) pour la conception du programme.
Quelle en est l’idée de départ ?
L’idée de La Compagnie Rotative, c’est d’aller chercher des startups un peu pirates, débrouillardes, avec lesquelles on va – en externe comme en interne – : sortir du bureau, aller chercher les publics, trouver vite des solutions, exécuter.
On vise des startups ou des projets simples, mais avec au moins deux porteurs et un premier prototype fonctionnel. Elles ont identifié un problème, et cherchent la solution.
Plus qu’un domaine précis d’activité, ce qui va unir toutes ces startups, c’est vraiment le “pourquoi” : on veut partir ensemble, comme une vraie compagnie, à la recherche de nouveaux moyens de créer du lien, de provoquer les échanges, développer les services entre les gens.
Plus qu’un domaine précis d’activité, ce qui va unir toutes ces startups, c’est vraiment le “pourquoi”.
Les titres presse du groupe couvrent des territoires variés, notamment ruraux, où la proximité est capitale. J’ai toujours en tête les mots de Dominique Bourg au dernier TEDxClermont, qui parlait de l’importance de petites communautés, riches en lien, pour des territoires résilients. A mon sens, notre “pourquoi” est là.
Il y aura un espace d’accueil au siège de La Montagne, mais les start-ups ne seront pas forcément hébergées chez nous. Le proto se fera évidemment dans le groupe Centre France, mais les startups peuvent être partout en France.
Quel sera ton rôle au sein de ce projet ?
C’est moi qui vais tanner les start-uppeurs sur ce qu’ils exécutent, apprennent et testent au quotidien ! Je ferai comme avec nos équipe internes, trouver les bonnes méthodes, les bons outils pour être les plus efficients possible. Il faut aussi trouver des terrains d’expérimentation pour leurs projets – basé sur nos connaissances des territoires, des ressources selon les besoins – comme un lieu, du réseau… Enfin, chaque startup aura un binôme de parrains en interne, des gens proches du domaine d’activité du projet.
On aimerait aussi, petit à petit, créer des espaces physiques comme des salles de réunion réaménagées, un peu partout dans le territoire du groupe, pour que les start-ups et les projets innovants internes puissent s’y poser. Le premier appel à projet est lancé et court jusqu’à fin janvier 2019. La première promo de cinq à six projets sera avec nous pour neuf mois.
Tu as l’air d’avoir trouvé ta place au sein de l’écosystème…
Aujourd’hui, l’écosystème clermontois est “pacifiste” : il y a beaucoup d’entraide, même s’il manque parfois de lisibilité. On a moins l’inconvénient des écosystèmes des grandes métropoles, très matures, mais où tout est dense et complexe, concurrentiel ; mais c’est à l’image de Clermont, de l’Auvergne, on sait rester modestes et faire les choses ensemble.
Le mot de la fin ?
Tout ce que je fais, ce qui m’anime, depuis mes premiers projets, c’est la quête d’outils pour faciliter la transition sociétale et écologique. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’être utile à ça. Ce qui m’intéresse dans le développement de Centre France, c’est la contribution à ce “nouveau monde”.
Pour en savoir plus :
le site officiel de la Compagnie Rotative
Entretien réalisé le 13 novembre 2018 par Damien Caillard. Propos synthétisés et réorganisés pour plus de lisibilité par Cindy Pappalardo-Roy, puis relus et corrigés par Quentin.
Visuels fournis par Quentin sauf la photo du Uphéros, par Damien Caillard pour le Connecteur, et la photo de Une par Raphaël Poughon pour La Montagne
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #Photographie – Quentin est passionné de photographie, ça résume assez bien son approche de la vie : d’abord il observe, puis se documente et met en avant les liens entre les gens, les objets, les paysages, les regards.
- #Coworking – Quentin est venu du coworking de la Cordée (à Lyon) et a atterri comme beaucoup, à Epicentre Factory. C’était moins carré, plus créatif. L’ouverture du lieu, en septembre 2016, a été sa première expérience dans l’écosystème. Quentin a commencé à travailler avec l’ensemble du collectif et des coworkers les plus investis sur le site web et sur le Hub (= le réseau social interne).
- #GroupeDePresse – Dans le même temps, il a intégré le Lab Centre-France pour travailler avec Raphaël Poughon et les équipes du groupe sur les projets innovants. Depuis deux ans, il est facilitateur d’innovation et de démarches collaboratives. Ils acculturent les salariés aux enjeux de la transformation, digitale et sociétale, puis leur facilite les démarches, les réflexions, l’exécution, lorsqu’un projet innovant émerge.
- #Méthode – L’une des clés du succès pour la transformation par l’innovation, c’est la patience. L’autre clé indispensable, c’est de toujours être en posture concertative : on ne décrète pas que les choses vont changer. Nous sommes des facilitateurs du changement, mais nous sommes épaulés par nos “laborantins”, ils sont les relais locaux sur le terrain entre le Lab et les équipes.
- #CompagnieRotative – C’est le LAB qui devient La Compagnie Rotative. C’est cette nouvelle entité, qui opère le programme d’incubation corporate pour La Montagne. Ce programme d’incubation sert deux missions : aider les équipes du groupe dans leur transformation par l’exemple et l’action collective, et accompagner l’écosystème média au sens très large dans le virage nécessaire. Des groupes comme Centre France veulent continuer à apporter de la valeur ajoutée à leurs publics, et il ne peuvent pas faire autrement que de s’en rapprocher pour mieux les comprendre.
- #Écosystème – Aujourd’hui, l’écosystème clermontois est “pacifiste” : il y a beaucoup d’entraide, même s’il manque parfois de lisibilité. On a moins l’inconvénient des écosystèmes des grandes métropoles, très matures, mais où tout est dense et complexe, concurrentiel ; mais c’est à l’image de Clermont, de l’Auvergne, on sait rester modestes et faire les choses ensemble.