Par Damien Caillard
« ‘Ideas worth spreading’: au début on avait traduit ça par ‘Des idées qui méritent d’être diffusées’. Mais il manquait une dimension … les gens devaient s’impliquer … alors c’est devenu ‘Des idées qui méritent d’être partagées’. ». Cette baseline est celle du TEDxClermont qui vient de clore sa troisième session. Dominique Aimon participe activement au TEDx depuis deux ans en tant que coach, et tient à cette subtilité de traduction: « C’est important d’entendre des idées originales. »
Au TEDx, le partage d’idées est d’abord porté par les speakers, les intervenants qui préparent des talks (selon la terminologie anglo-saxonne des TEDx). Chaque talk dure 18 minutes maximum, souvent 12 à 15. Ces minutes sont magnifiques. Ce sont des moments intenses, exceptionnels en qualité, en émotion, en narration. Pour le public, pour le speaker, pour le coach et pour toute l’équipe – bénévole – qui s’est impliquée de longs mois dans la préparation. Car ces 18 minutes ne sont que la partie émergée d’un iceberg de 6 mois à 1 an. L’entraînement à un talk, c’est 40 à 80 heures de travail en moyenne, impérativement réparties sur un semestre minimum pour laisser le temps aux idées d’émerger et de maturer. Pour des intervenants qui sont rarement des professionnels de la prise de parole en public, les 18 minutes de talk sont parmi les plus belles de leur vie.
Depuis août 2016 nous avons pu suivre l’équipe TEDxClermont, et en particulier deux « couples » coach/speaker dans leurs phases finales de préparation. Vous avez probablement vu leurs talks samedi 22 octobre sur scène, à l’Opéra:
Lucie Poulet rédige une thèse sur la croissance des plantes en environnement de gravité réduite, et les applications en système de « support vie » (notamment recyclage) à l’institut Pascal. Elle a une formation de base en ingénierie aérospatiale aux Mines de Nancy et à l’université de Purdue dans l’Indiana. Lauréate régionale du concours « Ma thèse en 180 secondes« , elle a déjà participé au TEDx des Mines Nancy en 2015 au sujet du voyage sur Mars. Son talk cette année: « Utiliser la recherche spatiale pour vivre durablement sur Terre ».
Lionel Faucher puis Dominique Aimon sont les coaches de Lucie. Lionel est l’initiateur du TEDxClermont avec Alexis Offergeld et Arnaud Mazard. Il est également co-fondateur du Connecteur. Dominique est l’ancien directeur de la communication scientifique et technique de Michelin, et – s’il n’est pas coach professionnel au sens strict – a beaucoup bénéficié de media training. Cela lui permet d’apporter une vraie expertise en accompagnement de speaker. L’an dernier, il a notamment suivi Fanny Agostini (sur le climat) et Ariane Tichit (sur la monnaie). Dominique est arrivé comme second coach de Lucie en septembre et a finalement pris le relais de Lionel.
Charles-Etienne Dupont est gestionnaire forestier. Il a créé pour cela sa propre société, CaGeFor, et garde au chaud un projet de start-up dans le même domaine. Son credo, qui est devenu le titre de son talk: « Agir chaque jour avec un siècle comme horizon ». Sa valeur cardinale est la transmission. C’était sa première participation à un TEDx cette année.
Pour ce faire, Charles a été coaché par Pierre Gérard, qui travaille au Crédit Agricole Centre-France. Pierre est arrivé en octobre 2015 dans l’équipe de TEDxClermont, tout d’abord en réalisant un reportage photo sur l’événement en 2015, puis il a rejoint les coachs. Ancien journaliste, il met à disposition de TEDxClermont ses compétences en matière d’écrits et de relations avec les médias.
En les côtoyant pendant plusieurs semaines, en suivant leurs répétitions, en échangeant avec eux sur les motivations profondes de leur implication, on peut dégager quatre temps forts de la préparation à un TEDx.
Janvier/Février – Le repérage
Le postulat de départ est celui du cycle de conférences TED, lancé en 1984 en Californie: ideas worth spreading, donc, sur des thématiques aussi larges que Technology, Entertainment, Design (d’où l’acronyme TED). TEDx n’est finalement que la déclinaison locale, franchisée et indépendante de TED, chaque TEDx étant organisé dans une ville spécifique, gratuitement mais selon une charte assez stricte. Depuis le lancement de l’initiative en 2009, 17 000 événements TEDx ont eu lieu dans le monde, dont celui de Clermont !
Surtout, l’intérêt des conférences TEDx est de mettre en avant des speakers qui ne sont pas forcément professionnels de la scène. « On recherche des personnes en fonction de sujets importants pour l’avenir proche » précise Lionel Faucher.. Le revenu universel, le changement climatique, la résilience étaient de tels sujets, et l’équipe TEDxClermont a pu trouver les bons intervenants. Chaque speaker doit avoir une expérience vécue forte, capable de porter une idée et de transporter un public. La plupart n’ont jamais pris la parole en public. Et si c’est le cas, ils se rendent vite compte qu’un talk est très différent d’un cours en université ou d’un plateau télé.
« On recherche des personnes en fonction de sujets importants pour l’avenir proche » – Lionel Faucher, co-organisateur du TEDxClermont
Le repérage proprement dit procède de sources variées. Lucie Poulet avait déjà participé à un TEDx et avait remporté le concours de thèses: cela constituait un bon background. Mais le premier contact avec Lionel Faucher était à un événement sur la Doume, la monnaie locale du Puy-de-Dôme, en présence d’Ariane Tichit (speaker 2015): ce fut le moment où Lionel a perçu le potentiel du sujet et de la personnalité de Lucie. Approche similaire pour Charles, « connu d’amis d’amis » avec Pierre, qui font plus connaissance à une soirée informelle en février 2016. Charles parle de son métier de gestionnaire forestier professionnel, de sa vision à long-terme, du documentaire Demain qui venait de sortir: « Pierre est alors venu me voir et m’a dit: ce que tu viens de dire, tu peux le raconter devant 300 personnes ? ».
D’autres modes de repérage peuvent cohabiter, comme des suggestions en ligne par le public, le réseau des participants, ou une veille de l’équipe de coach sur la publication de livres, d’articles ou de documentaires … Mais le vrai début de l’aventure, c’est la première accroche entre le speaker et le coach. « Trouver un speaker, c’est trouver quelqu’un prêt à s’engager et à évoluer pour que ça marche. Le coaching, c’est une conviction qu’il y a un diamant brut à ciseler. » résume Pierre Gérard. L’élément de départ tourne autour d’une idée forte, exprimée par une personne passionnée. Les intervenants sont tous des spécialistes de leur sujet, même s’ils n’ont pas l’habitude d’en parler en public. Surtout, ils doivent faire preuve de deux caractéristiques clés:
- la motivation pour aller jusqu’au talk … et c’est un travail qui peut prendre du temps, complètement bénévole. « C’est beaucoup plus chronophage que je ne l’imaginais » dit Charles-Etienne Dupont, avec le sourire malgré tout. Car tous savent que le TEDx leur apportera énormément: le talk, c’est un message émis à plusieurs milliers de personnes (en incluant les vidéos), une expérience humaine forte, un entraînement personnalisé à la scène, une notoriété renforcée … mais comme tous les speakers sont passionnés et veulent partager leurs idées au plus grand nombre, « c’est un moyen de donner un coup de projecteur sur les sujets qui vous tiennent à coeur » comme le résume Claire Meynial, qui a parlé des migrants au TEDxClermont 2015. D’autant plus que « avec un enregistrement [vidéo] en ligne, (…) ça rend plus crédible, et le message passe mieux. »
- l’humilité d’accepter les évolutions, l’envie d’apprendre, l’ouverture. Le coach fait de la maïeutique, mais le speaker ne doit pas s’accrocher à son idée originale ou à sa formulation propre. Ariane Tichit, maître de conférence à l’université d’Auvergne et intervenante en 2015, se souvient de sa difficulté initiale à adopter la méthode TEDx: « j’ai l’habitude d’être complètement dans l’impro. Or, ici, c’est du quasi par coeur. Les coaches m’ont demandé d’écrire presque chaque phrase du speech alors que je ne prépare même plus mes cours à l’écrit. » Le speaker doit s’attendre à être déstabilisé, à ce qu’on lui dise non, à ce qu’on remette en cause certaines de ses idées, car c’est le processus nécessaire pour faire émerger le texte final. Il doit faire un gros travail sur lui-même: « Ce qui a été dur, c’est de me rendre compte qu’il fallait lâcher le texte, avoir les grandes idées dans la tête et être libre sur scène » se remémore Abraham Diallo, également speaker en 2015.
D’autant plus – pour finir sur ce point – que le repérage ne vaut pas acceptation. Il est basé sur une rencontre entre le speaker et le coach, autour d’une idée forte et d’une personnalité … et surtout d’une intuition du coach quant au talk potentiel qu’il perçoit. Mais il faudra que plusieurs mois de « décantation » se passent avant que l’idée clé, et la première mise en forme, n’émergent. Les engagements définitifs ne sont pris que lorsque l’idée a vraiment maturé et de façon collégiale par le comité éditorial rassemblant tous les coachs de TEDxClermont. La sensibilité du coach réside notamment dans la gestion de cette incertitude: « l’enjeu n’est pas que la personne prenne un risque sur scène » insiste Pierre Gérard. « C‘est parfois difficile à comprendre par la personne qu’on accompagne. »
Mars/Juillet – La maturation
Le travail de coaching commence souvent par une catharsis: « jeter » rapidement ses idées sur le papier, et voir ce qu’il en sort. Charles: « C’est issu de réflexions au quotidien, accumulées, notées sur des années. Il y en a trop au début ! Le travail de Pierre est d’abord de faire le tri. » Tous les speakers rencontrés parlent de « maturation », de « décantation » ou encore de « distillation »: dans chaque analogie se comprend la longueur de cette phase, et sa lenteur aussi. Elle est nécessaire pour faire émerger la bonne idée. Et la première tentative est pléthorique. « C’est souvent le cas des premiers jets, il y a énormément de choses qui sortent. » affirme Pierre.« Mais il faut que ça sorte pour que l’on puisse travailler correctement après, sur cette base. On se demande alors ‘quelle colonne vertébrale je vais trouver là-dedans ? Comment j’angle ?’ car en [18] minutes, c’est un angle, pas trois. ». Charles confirme: « L’idée a évolué, il y a eu une dizaine de versions avant de trouver la bonne. Mais l’idée maître, tu l’as depuis le départ ». Avant d’insister sur le rôle capital du coach consistant à ne jamais perdre de vue l’idée centrale. « Tu m’as contraint dès le début à travailler sur cette [notion]: ‘tu fais quoi avec un siècle pour horizon ?’. » reprend-il en s’adressant à son coach. « Il s’est avéré qu’on a amené en plus les notions de symbiose, de diversité … mais pour en arriver là, il y a six mois de travail. ».
« Il y a eu une dizaine de versions avant de trouver la bonne. Mais l’idée maître, tu l’as depuis le départ » – Charles-Etienne Dupont, speaker 2016
L’approche de Lionel vis-à-vis de Lucie était différente, car le sujet était d’emblée plus technique. Lucie avait bien commencé à « déballer plein d’idées » dès la rencontre initiale, en février, mais a très vite dû se concentrer sur le concours de la Thèse en 180 Secondes. Une fois cette événement passé, elle et son coach initial se sont remis au travail sur le talk. Mais le sujet choisi était, de l’avis de Lionel, touffu: « il a fallu sortir l’idée de tout ça. ». Et surtout, raccrocher la problématique scientifico-technique de Lucie à des enjeux plus globaux et plus parlants à des non-spécialistes. C’est aussi le travail du coach que de « rechercher les aspérités, les connexions avec d’autres sujets » toujours selon Lionel. Juin 2016: nouvelle réunion de brainstorming permettant de poser les idées, à défaut de plan. La notion clé est alors formulée: la recherche spatiale peut nous aider à régler pas mal de problèmes sur Terre. Reste à trouver des articulations, car à ce stade, Lucie avait les arguments scientifiques, et Lionel demandait des explications simples. Il faut se mettre au niveau du public. « Mon rôle n’est pas d’écrire le talk, c’est de voir s’il a du sens. » insiste Lionel Faucher. « Le coach est le miroir, il doit dire – là j’accroche, là je décroche – et pourquoi. On est le premier spectateur. »
Outre cette relation avec le speaker, le coach fait aussi l’interface avec l’équipe TEDxClermont. C’est son côté lobbyiste, où il faut trouver des moyens originaux pour convaincre de la pertinence du sujet et de l’intervenant. Rappelez-vous, le repérage procède d’une rencontre et donc d’une intuition – personnelle – du coach quant au potentiel de la personne repérée. Le reste de l’équipe n’est pas encore entré dans la danse, et ne connaît pas le speaker. « J’en ai parlé au comité éditorial, ça n’a pas accroché tout de suite » se souvient Pierre. « Du coup j’ai proposé de se voir dans la forêt »: au début du printemps, un premier échange est donc organisé dans une forêt gérée par Charles, au pied du Puy-de-Dôme. Objectif: immerger les organisateurs et autres coaches du TEDx à venir dans l’idée proposée. « Là est née l’intuition partagée qu’il y a quelque chose. » précise Pierre. « C’est important [d’avoir le retour des autres], car en tant qu’accompagnateur, tu te dis ‘peut-être que je me trompe ?‘ »
Bien que constructif, le doute est donc fréquent durant les 6 premiers mois de coaching. De la part du speaker qui doit faire émerger l’idée centrale à partir de son expérience, comme de la part du coach qui navigue entre empathie pour son intervenant et prise en compte des besoins du TEDx dans son ensemble: avoir une dizaine de talks qualitatifs à la fois sur la forme et le fond, variés et équilibrés, le 22 octobre. C’est pourquoi le feu vert du comité éditorial n’intervient que quelques semaines avant l’événement, quand on est sûr qu’un speaker est à l’aise avec son texte. Savoir mettre fin à un accompagnement fait donc partie des compétences du coach. « Le ‘non‘ est d’autant plus entendable qu’on est au début [du coaching] », résume Pierre Gérard. « Plus il arrive tard, plus c’est compliqué pour [le speaker] ».
« C’est important [d’avoir le retour des autres], car en tant qu’accompagnateur, tu te dis ‘peut-être que je me trompe ?‘ » – Pierre Gérard, coach 2016
Mais pour l’instant, l’été 2016 a débuté, et il faut aboutir à la fameuse « colonne vertébrale« . Les organisateurs du TEDxClermont exigent que cette étape soit franchie afin d’aller plus loin. Pour Charles, la fin de la maturation était le 7 juillet: « J’ai eu le temps de me poser … et tout était prêt dans ma tête. ». Mais Pierre n’était pas encore à l’aise avec les nouvelles versions papier. Le 26 juillet, nouvelle séance de travail dans la forêt. Il demande à Charles de poser ses feuilles et de faire son talk de manière improvisée, entre les arbres. « c’était déconcertant mais finalement assez intéressant » se souvient le speaker. Suit un nouvel essai mais en lisant le texte. Résultat: la solution était entre les deux approches, l’une structurée et narrative, l’autre vivante et incarnée. Pierre s’y est penché dans la foulée et cela a abouti à un nouvelle version fin août. Ce fut la bonne, celle qui a été validée par l’équipe TEDxClermont pour aller plus loin.
Août/Septembre – La structuration
A ce stade, l’idée principale et les notions connexes ont émergé, on peut travailler sur le texte. Première étape: l’argumentation. Comment enchaîner les notions émises pour arriver au graal de tout talk, le take-away. Le take-away, c’est simplement ce que le public retient une fois que le speaker a quitté la scène. Cette notion est vitale car elle sera celle qui sera « partagée » par les spectateurs à leurs amis, leurs collaborateurs … c’est l’apport principal de Dominique Aimon: « Ce qui compte, ce n’est pas ce que vous dites mais ce que les gens retiennent. (…) J‘ai la capacité à trouver des titres, à extraire le coeur du message, et ça aide à réorienter le talk. ». Dominique applique la méthode Why-What-How:
- Why: quelle est l’idée clé, l’histoire importante à raconter ?
- What: quelles sont les 4 ou 5 messages autour de cette idée clé, qui pourront l’étayer ?
- How: comment ça se décline et ça se structure à travers le talk ?
Deux mots d’ordre pour cette phase: structurer et simplifier. Lucie avait travaillé durant août puis septembre sur son texte, en changeant l’ordre chronologique des arguments, en donnant plus de contexte, en rendant le texte plus vivant … mais la première répétition sur scène à l’ESC, le 20 septembre, est très mitigée. « On s’y perd » constate Dominique. « Je n’étais pas dedans, je m’ennuyais en le lisant » avoue Lucie. L’histoire vécue, la présence sur scène fonctionnent; le problème est autour de la structure. Lionel: « On accroche … puis on décroche … puis on raccroche à la fin. » Résultat: l’idée forte ne transparaît pas. C’est alors que Dominique intervient, d’abord en soutien puis en coach principal de Lucie. Structurer et simplifier. « Si on clarifie les idées dans sa tête, le reste suit » insiste-t-il. Lionel confirme que ce changement de coach était nécessaire à ce stade: « Avec Dominique, on continue à élaguer, mais on trouve la bonne longueur. On donne un peu de détails mais pas trop. »
« [Lucie] doit arriver à se livrer sur pourquoi elle fait ce qu’elle fait. Les gens s’en rendent compte et ça la crédibilise. » – Dominique Aimon, coach 2016
Quand l’argumentation, l’enchaînement logique des notions pour faire ressortir le take-away, est terminée, il faut travailler le storytelling. En prenant en compte la différence de modes narratifs entre un talk auto-biographique et un talk à base scientifique ou sociétale. Le travail continue alors sur le texte écrit, généralement sur les enchaînements, les illustrations des notions abordées, avec pas mal d’élagage. A l’image du cinéma, où l’on tourne dix fois plus que ce qu’on met dans un film. Ainsi, on évite le « ping-pong » entre des lieux et des époques, en appliquant la règle théâtrale d’unité de lieu, de temps et d’action. On peut aussi être pragmatique: noter ce qui marche bien à l’oral et développer autour.
Pour Lucie, le travail avec Dominique entre le 20 septembre et mi-octobre est payant. Tous les « indicateurs » s’améliorent: la fluidité de l’enchaînement des idées, l’aisance globale, la rapidité du débit … en d’autres termes, la capacité à « vivre » le texte. Comme le résume Dominique: « pour qu’une personne soit crédible sur scène dans un talk, elle doit arriver à se livrer sur pourquoi elle fait ce qu’elle fait. Les gens s’en rendent compte et ça la crédibilise. » La méthode appliquée par les coaches varie, mais tous parlent en effet d’un équilibre à trouver entre texte oral et texte littéraire. C’est ce qu’on a vu quand Charles a « improvisé » son talk dans la forêt avant de lire ses notes. Si la structuration se fait au préalable, elle n’empêche pas de penser dès le début au rendu parlé … et scénique du talk.
Octobre – La scène
C’est enfin la dernière ligne droite, la préparation orale. Qu’ils soient sur une vraie scène lors de répétitions, devant des amis ou dans sa salle de bains, les speakers s’entraînent à intérioriser le texte pour s’éloigner d’une simple récitation. Lucie a choisi d’apprendre son talk par coeur le plus tôt possible, de trois manières:
- en le récitant à différents moments de la journée, chez elle, et en faisant une autre activité (cuisiner, s’habiller). « En faisant autre chose, on ne pense pas au texte et il devient un automatisme. » précise-t-elle;
- en dédiant des moments à la récitation, debout, devant un miroir, « pour se poser »;
- en livrant son talk devant d’autres personnes que son coach, comme des amis ou de la famille.
Si cela implique d’avoir le texte finalisé assez tôt (idéalement un mois avant le TEDx), il est possible de faire quelques ajustements à la marge. « Identifier rapidement les transitions qui passent à l’écrit mais pas à l’oral », pour Lucie. « Repérer également les mots ou expressions difficiles à prononcer, et les travailler ». Quelques moyens mnémotechniques permettent de se souvenir des grandes transitions, comme le fait d’imprimer chaque partie sur une page, et donc de « visualiser » le changement de page.
Autre travail à effectuer sur la base du texte: l’occupation de l’espace. S’il est demandé de ne pas sortir du rond rouge posé au sol (pour le bien de la captation vidéo), la plupart des speakers se déplacent, jouent de mains ou des bras, et portent leur regard et leur voix un peu partout dans la salle. Surtout, veiller à contrôler son débit de parole, qui a tendance à s’accélérer: prendre le temps, appuyer sur certains mots, faire quelques pauses pour souligner l’importance d’une idée. Dorine Bourneton, speaker 2015, s’était adjointe les services d’un ami comédien pour la scène, en travaillant un style très direct et percutant. Dominique Aimon, pour sa part, a un petit exercice qu’il apprécie particulièrement: lire le texte dans sa tête comme si on était muet. Quels gestes faire ? Ces mouvements aident à mieux faire passer le message, à se souvenir de certaines idées (telle notion peut être associée à tel mouvement), et bien sûr à diminuer le stress.
« En faisant autre chose, on ne pense pas au texte et il devient un automatisme. » – Lucie Poulet, speaker 2016
Le stress, alias le trac, un ennemi que tout le monde connaît. Tapi dans l’ombre, il peut survenir à tout moment. Charles se souvient de la répétition du 20 septembre: « Devant les amis, ça va. Devant Pierre, ça va. Le jour de l’ESC, j’étais bien … et en montant les quatre marches qui mènent à la scène, le stress arrive d’un coup. » Les techniques anti-stress sont également au programme des coaches du TEDx, mais chaque speaker a ses petits trucs. Le prompteur rassure, même si la plupart ne s’en servent pas. Les étirements et exercices de respiration peuvent se pratiquer juste avant de monter sur scène, comme la répétition mentale du lancement. D’ailleurs, ce sont souvent les premières phrases qui sont les plus dures, les plus « mécaniques ». Lucie utilise dès l’accroche une petite blague, en montrant un visuel de sa tenue de travail: technique américaine qui parvient à détendre l’atmosphère et à améliorer rapidement la fluidité du talk. « Le côté émotionnel est plus fédérateur que le côté intellectuel » conclut Lionel.
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Samedi 22 octobre 2016, 14h
Samedi 22 octobre 2016, 19h01
Qu’en retire-t-on ?
Les mieux placés pour en parler ne sont pas (encore) les speakers de cette année … alors laissons la conclusion aux speakers du TEDxClermont 2015:
Ariane Tichit – Nos fausses idées sur la monnaie : « [les coaches] m’ont fait faire un panorama de mon domaine qui est hyper riche. (…) en quelques mois, j’ai évolué beaucoup plus vite sur mon champ de recherche que si je ne l’avais fait toute seule. »
Dorine Bourneton – Au-dessus des nuages: « Depuis [le TEDx], je suis devenue conférencière, car je me suis rendu compte que mes messages étaient porteurs. Je travaille beaucoup près de l’école et des associations, aussi en entreprise. C’est très valorisant et enrichissant. C’est le TEDx qui m’a fait franchir le pas. »
Abraham « Tismé » Diallo – Petit guide des choses simples: « Ca m’a conforté dans certaines valeurs. On défend des choses importantes mais on a tendance à les oublier au quotidien. Le TEDx permet de les remettre en lumière. »
Pour voir quelques photos en coulisses du TEDxClermont, c’est par ici
Et bien sûr, le site officiel du TEDxClermont, avec (bientôt !) des infos sur les éditions à venir, et un retour sur les éditions passées.
Crédits photo: Damien Caillard, Fanny Reynaud, Thibault Mazen, Nathaël Menras
Prochain Focus: samedi 5 novembre, entretien avec Emmanuelle Perrone, co-fondatrice d’Epicentre