Comme partout dans le monde, le massif du Sancy fait lui aussi face au dérèglement climatique. Ceci entraîne une raréfaction de la neige, et impacte les revenus liés aux sports d’hiver. Les stations doivent donc chercher à se réinventer collectivement dès maintenant, pour espérer construire un avenir plus souhaitable.
Une problématique nationale
En France, d’après une étude du ministère de l’Écologie, la couche de neige a diminué de 38 cm en moyenne en 30 ans. Avec une température qui évolue de +0.3 °C par décennie depuis 1959, la neige et la glace sont de moins en moins présentes. Les sports d’hiver sont impactés, avec des saisons de ski plus courtes et un enneigement artificiel forcé de leurs pistes. Même dans les stations les plus en altitude.
Deux exemples illustrent la situation. D’abord, le glacier de l’Alpes d’Huez, qui a totalement disparu en 2022. Mais aussi, la station du Semnoz (Haute-Savoie) qui a annoncé la fermeture quasi intégrale de son domaine. Et ce, pour toute la saison, le mercredi 21 décembre 2022, par manque de neige.
De moins en moins de neige sur le massif du Sancy
Dans le Puy-de-Dôme, le massif du Sancy est particulièrement touché par le dérèglement climatique et le manque de neige. En effet, la température locale a augmenté de 0.4 C° en 10 ans (d’après Alexandre Letort, climatologue et fondateur de Météovergne). Ce manque de neige a un impact terrible pour le massif. Il voit les revenus de ses trois stations (le Mont-Dore, le Super-Besse et le Chastreix-Sancy) décroître d’année en année. Ces stations sont respectivement placées à une altitude de 1200 m à 1850 m, de 1350 m à 1850 m, et de 1350 m à 1730 m. Elles sont donc situées dans la zone à risques pour les stations de moyenne montagne.
Une réalité pas encore intégrée
Le 15 février dernier, Marie Fernandez Madrid et Emmanuel Bonnet étaient les invités de l’association écologique local « Par ici la résilience » pour échanger sur cet enjeu. Une occasion de découvrir les solutions envisagées par les acteurs du massif du Sancy.
Emmanuel Bonnet est enseignant chercheur, cofondateur du laboratoire de recherche Origens Media Lab et il enseigne dans le master design de l’anthropocène. Il illustre très bien le problème en reprenant une phrase de Bruno Cercley en 2021, le PDG de Rossignol : « Le ski, c’est fini, mais sans le ski, tout est fini ».
Aujourd’hui, pour trouver cet « or blanc » il faut désormais monter aux alentours de 1 600 mètres d’altitude. Les stations du Sancy commencent, déjà, à être confrontées à la réalité du manque de neige. Pour Emmanuel Bonnet, il existe deux solutions face à ce constat : soit on ne fait rien et on accompagne le déclin, soit on « redirige », en actant dès à présent que l’activité « ski alpin » fermera dans dix ans et en préparant la transition (Tikographie). Marie Fernandez Madrid, chargée de mission Transition des territoires à la communauté de communes du Massif du Sancy, explique que les stations cherchent encore à investir dans les équipements des sports d’hiver. Malgré leur fin programmée. Aujourd’hui, les stations du Sancy ont elles aussi recourent aux canons à neige, ou des « enneigeurs », un terme que préfère Emmanuel Bonnet. Cela demande énormément d’eau. Mais permet d’assurer un minimum d’activités en lien avec la neige, comme des zones ludiques pour les enfants par exemple.
Une transition à mettre en place
Les stations du Sancy cherchent une alternative efficace pour maintenir l’activité économique et des revenus suffisants pour faire vivre le massif. En effet, les sports d’hiver sont une manne financière de 15 millions d’euros par an sur les trois stations. En plus de cela, le réchauffement climatique touche et menace également les activités estivales en outdoor. Pour les balades équestres par exemple, Patricia Vergnol, monitrice de ski et animatrice d’activités équestres, explique que c’est de plus en plus dur, pour les chevaux, de supporter la chaleur de l’été. Et l’instabilité climatique affecte même leur santé.
Pour préserver les sites du Sancy et permettre une meilleure transition, les stations vont devoir faire preuve de sobriété. D’autant plus que le dérèglement climatique provient aussi en majorité des moyens de transports utilisés par les visiteurs. Marie Fernandez Madrid insiste pour que la sobriété ne soit pas synonyme de privation, mais comme « possibilité d’intensifier quelque chose ». « Une opportunité de développer un nouveau mode de fonctionnement, un nouveau paradigme » précise-t-elle.
Le massif peut aussi compter sur plusieurs infrastructures, accessibles toute l’année, et qui sont déjà installées. Par exemple, il y a des Escapes Games, des centres de bien-être et bien d’autres activités d’intérieur.
Mettre tout le monde d’accord pour avancer
Les agriculteurs voient d’un mauvais œil cette volonté du « tout-tourisme » toute l’année dans un écosystème qui reste fragile. La pollution que cela génère peut être nuisible pour leurs activités. La moindre bactérie dans les sources d’eau, en période de chaleur, va se démultiplier rapidement. En 2022, de nombreux plans d’eaux du massif ont été contraints de fermer à cause de la présence d’algues bleues. Une algue nocive pour les êtres vivants.
Toutefois, et comme le rappelle Marie Fernandez Madrid, c’est en conciliant tourisme, agriculture et nature que la transition peut se faire. Les métiers agricoles deviendraient des « activités » touristiques et favoriseraient ainsi le partage. Le Sancy devra évoluer en matière d’habitabilité. Réussir à faire coexister les touristes et les 9 641 habitants présents (en 2019). Par exemple, pendant la haute saison au Mont-Dore, il y a treize fois plus de touristes que de population locale. Le défi est de concilier les pratiques des locaux, présents toute l’année, mais peu nombreux, et des touristes, présents sur certaines périodes, mais en grand nombre.
Pour les deux experts, le futur du Sancy se trouve dans le partage et dans l’inter-communauté. Dans la nature et la découverte. C’est donc aux acteurs locaux que revient le devoir d’amorcer et faire perdurer la redirection écologique du massif.