Le Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand, réputé pour sa capacité à découvrir et mettre en lumière de nouveaux talents, célèbre cette année sa 46ème bougie. Cette édition promet d’être particulièrement intéressante, à travers une rétrospective et un focus mettant les femmes à l’honneur, devant ou derrière la caméra. Entre innovations, comme la compétition dédiée à la réalité virtuelle, et engagements forts pour la diffusion culturelle, le festival de Clermont-Ferrand s’affirme une fois de plus comme un rendez-vous essentiel pour tous les amoureux du cinéma. Rencontre avec Laura Thomasset, responsable Relations Presse et membre de l’équipe chargée des focus et rétrospectives.
Pourriez-vous nous raconter votre parcours depuis la crèche ?
Laura Thomasset : J’ai grandi dans l’Allier, plus précisément à Montluçon et j’ai suivi une scolarité classique jusqu’au lycée, où j’ai obtenu un baccalauréat littéraire. Pendant ces années, j’avais commencé à m’impliquer bénévolement dans le théâtre et les salles de concert. On peut dire que j’avais déjà cette envie d’évoluer dans le milieu culturel.
Lorsque je suis arrivée à Clermont-Ferrand, j’ai poursuivi mes études avec une licence en histoire de l’art, puis un master en mondes contemporains, qui prépare aux métiers du journalisme. Pendant cette période, j’ai eu l’opportunité de participer et de m’engager dans de nombreux événements culturels. D’ailleurs, mon cercle social s’est construit grâce à ces expériences en bénévolat.
Après mes études, j’ai accumulé diverses expériences professionnelles. A Clermont-Ferrand, j’ai travaillé pour Graine de Spectacle, où j’étais chargée de la programmation pour le jeune public. J’ai également été directrice à Sable Show.
Comment vous êtes-vous fait une place dans l’équipe du festival ?
Laura Thomasset : Après des années de bénévolat au festival du court métrage, ce qui m’a permis de trouver une place différente et lorsque j’ai été assistante du jury national. J’ai aidé l’attaché de presse à organiser des interviews pour les membres du jury. C’est à ce moment-là que je lui ai exprimé mon désir de faire exactement son métier. J’étais alors bénévole, et l’année suivante, on m’a embauchée en tant qu’assistante.
Aujourd’hui, en tant que responsable des relations presse, je gère à la fois les aspects locaux, nationaux et internationaux. Ceci qui implique une collaboration étroite avec notre équipe à Paris pour les deux derniers.
Pouvez-vous nous présenter rapidement le Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand ?
Laura Thomasset : Le Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand est organisé par l’association Sauve Qui Peut le Court Métrage. Elle œuvre toute l’année dans la diffusion du format court, l’éducation aux images et l’aide à la création (avec des résidences notamment). C’est cette même association qui est chargée de l’organisation du festival et de la sélection des films.
En termes de chiffres, pour cette 46ème édition, nous avons trois compétitions avec 133 films en compétition pour l’édition 2024. La sélection commence en mai et se termine en octobre. Toutes les personnes de l’association participent à la sélection, et nous sommes aidés par des bénévoles. Cette année, nous avons reçu 9400 films souhaitant être sélectionnés. Personnellement, j’en ai regardé à peu près 800. Chaque année, le festival se distingue par sa rétrospective et son focus géographique, qui apportent une couleur particulière à l’événement.
Parlez-nous de cette 46ème édition du festival.
Laura Thomasset : Pour cette 46ème édition, nous avons décidé de mettre les femmes à l’honneur. Nous avons choisi de faire une rétrospective intitulée de femmes fortes “Insoumises – Portraits de Femmes Indociles ». Nous présentons des femmes de partout dans le monde, montrant différentes époques. Le film le plus ancien date du début des années 70 et le plus récent de 2022. Il y a plusieurs générations de femmes représentées, allant de nageuses iraniennes à des catcheuses, en passant par des mères au foyer, des travailleuses du sexe, jusqu’à des femmes trans.
Vous faites également un focus géographique sur l’Europe cette année ?
Laura Thomasset : Oui, effectivement. Cette orientation s’inscrit dans le cadre de la thématique « Capitale Européenne de la Culture ». Nous mettons en lumière les femmes européennes à la caméra. Ces deux focus sont la partie visible de l’iceberg, mais finalement toute la programmation est teintée par la présence féminine.
Quelles sont les nouveautés et les temps forts de cette édition ?
Laura Thomasset : Cette année, nous introduisons plusieurs nouveautés passionnantes. Nous avons décidé d’organiser un forum associatif pendant le festival. A la différence du festival de Cannes, qui est dédié aux professionnels, le Festival International du court-métrage de Clermont-Ferrand s’adresse au grand public. Il est ancré dans son territoire et il nous paraissait essentiel de faire appel à des associations qui aident les femmes et qui sont actives sur le territoire. Parmi elles, nous avons le Planning Familial, Osez le Féminisme, My Girl Street, Le BICI Social Crew, SOS Homophobie, Queer Auvergne, le CIDFF, le 25 Gisèle Halimi, le FCPM, LieUtopie, et Mosaïc Auvergne Rhône-Alpes. Ce forum se tiendra dans le hall de la Maison de la Culture tous les jours, juste derrière la billetterie.
Même si ce n’est pas une nouveauté, toujours en lien avec la rétrospective, nous proposons deux expositions remarquables. Remarquables à la chapelle des Cordeliers, et Héroïnes au centre de documentation sur les affiches de cinéma. Depuis 2016, la réalité virtuelle (VR) représente une nouvelle expérience de cinéma pour notre festival. Pour la première fois cette année, nous organisons une compétition dédiée aux films en VR.
En outre, pour la troisième année consécutive, nous proposons la sélection « Pop-up ». Il s’agit d’une séance unique présentant 5 films issus (et disponibles) sur YouTube. Les réalisateurs et le jury seront présents, ce qui permettra un échange direct avec les créateurs sur le web. Parmi les récompenses annexes, il y a aura pour la troisième année un prix Pop-Up. Par ailleurs, le prix du meilleur Queer métrage sera décerné à un film de l’une des trois compétitions officielles.
La 46ème édition du festival est-elle différente ? Rappelons que vous avez perdu une partie de vos subventions.
Laura Thomasset : Le festival, comme beaucoup d’autres manifestations ou institutions culturelles, a beaucoup souffert pendant la période du COVID. À cela s’ajoute l’inflation et, plus récemment, une baisse de subventions qui nous a été communiquée en mai. La subvention est passée de 210 000 euros à 100 000 euros en 2023. L’équipe l’a appris en mai, alors que notre festival se tient en février. Nous avons également dû prendre certaines mesures : augmenter le prix des billets de 4 euros à 4 euros 50, ou prendre moins de films en compétition, ce qui a été un véritable crève-cœur.
Concernant la baisse des subventions, nous ne sommes pas les seuls dans cette situation en Auvergne-Rhône-Alpes. La raison évoquée est qu’il fallait faire des efforts de rééquilibrage pour rendre les événements accessibles aussi bien en ville qu’à la campagne.
Parallèlement au festival, il y a également un rendez-vous pour les professionnels : le marché du court métrage. Qu’est ce que vous pouvez nous dire sur ce secteur particulier de la création audiovisuelle ?
Laura Thomasset : Le secteur du court métrage est extrêmement dynamique. En effet, il y a de nombreuses raisons de produire des courts métrages. Beaucoup d’écoles forment à ce format et de nombreuses personnes souhaitant réaliser des longs métrages commencent par des courts pour constituer un portfolio. De plus, beaucoup de professionnels viennent au marché pour chercher de nouveaux talents. Par exemple, des représentants de Canal+, France Télévisions, Arte, Vimeo, de la plateforme japonaise Samansa, ainsi que d’autres plateformes françaises sont présents. Cela représente tout un pan de l’industrie du cinéma, incluant acheteurs et diffuseurs.
C’est un lieu de rencontre entre créateurs et acheteurs, avec de nombreuses discussions proposées sur diverses thématiques et problématiques. L’économie du court métrage a l’avantage d’être moins compliquée que celle du long métrage, ce qui permet à des réalisateurs de se lancer plus facilement. En effet, cela offre également aux réalisateurs de longs métrages une opportunité d’exprimer leur brin de folie, car le format est plus libre.
C’est aussi un reflet d’actualité très direct, car la production d’un court métrage demande moins de temps – quelques mois seulement, contre deux ans pour un long métrage. Cela permet une connexion plus forte avec le réel et l’actualité.
Comment le Festival International du court-métrage de Clermont-Ferrand à la diffusion de la culture dans les territoires ruraux et les quartiers, un enjeu présenté comme essentiel au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes ?
Laura Thomasset : Depuis toujours, nous œuvrons à la diffusion de la culture cinématographique sur les territoires. Nous avons lancé, il y a de nombreuses années, pour étendre notre portée culturelle, nous avons lancé une initiative nommée « Circuit Court ». L’objectif de cette opération est de rendre la culture accessible à tous, en Auvergne, en France et au-delà, particulièrement pour les publics empêchés. Par ailleurs, nous organisons des actions d’éducation aux images, notamment avec les lycées agricoles parfois un peu isolés, mais aussi pour toutes les tranches d’âges dans les centres villes, les banlieues, les campagnes.
C’est l’instant carte blanche. Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Laura Thomasset : Oui, j’aimerais souligner que pendant le festival, nous aurons deux projections spéciales de longs métrages. Le premier, « Annie Colère », sera présenté par sa réalisatrice le mardi 6. Ensuite, nous aurons la projection de « Quitter la nuit », qui est une adaptation d’un court métrage intitulé « Une Sœur ». Ce long métrage sera projeté en avant-première le mercredi 7 à 20h00 au cinéma à Jaude, pour ceux qui souhaitent changer de format et explorer autre chose que les courts métrages.
De plus, nous organisons une séance unique intitulée « Bloody Girl ». Cette séance unique se tiendra à la salle Cocteau le 9 février à 21h30. Il s’agit d’un cinéma un peu trash, déconseillé aux moins de 14 ans. L’idée est de montrer des portraits de femmes fortes qui sont la particulièrement en colère, dans l’univers du film d’horreur, avec des histoires de vengeance, de la cruauté et beaucoup de sang. C’est une expérience cinématographique unique qui promet d’être mémorable pour notre public.