Mathilde Yagoubi, est la déléguée générale de l’association Game Only qui rassemble tous les acteurs régionaux du jeu vidéo. Game Only commence a étendre sa toile en Auvergne.
Avec le Damier, Game Only fait partie des huit acteurs qui se sont fédérés pour créer le nouveau cluster dédié à l’image et aux industries créatives : AURA in Motion. Rencontre avec une femme pleine d’idées et de projets.
Avant de parler de Game Only, est-ce que tu peux nous expliquer un peu ton parcours ? Comment est-ce que tu es arrivée là ?
Alors, je ne viens pas du monde du jeu vidéo et c’est d’ailleurs un des critères pour mon recrutement. Le jeu vidéo est une industrie de passionnés, et mon poste nécessite une neutralité totale dans l’accompagnement. Comme je ne suis pas de cet univers, je n’ai pas de préférence pour tel ou tel jeu.
Avant d’intégrer Game Only, j’ai été chef d’entreprise. J’avais créé une plateforme qui était en fait la première boutique pour les produits post crowdfunding. Ça permettait une mise sur le marché à petite échelle après la campagne grâce aux pré-ventes. On a beaucoup utilisé le concept des pop-ups stores pour mettre en avant les produits. Ça a été une aventure extraordinaire. Pour plein de raisons différentes, j’ai décidé de fermer la boîte en juin 2019.
Et comment est-ce que tu te retrouves Déléguée Générale de Game Only ?
Suite à cette expérience, j’avais envie de faire quelque chose d’utile dans le milieu associatif et l’entrepreneuriat. C’est comme ça que je suis arrivée à travailler pour Game Only. C’est vrai qu’au départ, j’avais quelques a priori sur cette industrie que je connaissais mal. Pourtant, j’ai découvert un secteur avec une population d’entrepreneurs incroyables, des personnes avec des parcours très différents. Des entrepreneurs assez discrets, qui méritent d’être accompagnés dans leur développement.
Rentrons dans le vif du sujet. Game Only a vu le jour en 2019, pourquoi créer une association autour des jeux vidéo ?
Il y avait un pôle de compétitivité depuis 2009 qui s’appelait Imaginove. Il était dédié aux industries culturelles et créatives en AURA. Au fil des années, il s’est étoffé, peut-être trop. Il y avait une très, trop grande variété de structures et ça manquait de lisibilité. Imaginove a disparu en 2018.
La fermeture a tout de même crée un manque de structuration de l’écosystème du jeu vidéo en AURA. C’est pour cette raison que l’association Gameonly a vu le jour en 2019. Elle regroupe exclusivement des entreprises de l’industrie du jeu vidéo en AURA. Aujourd’hui nous avons à peu près 80 entreprises adhérentes, qui conçoivent, éditent, diffusent ou commercialisent des jeux vidéo.
J’ai pu lire sur votre site que 16 % des emplois dans les jeux vidéo sont en AURA. Ce qui est en fait la deuxième région la plus dynamique après l’Île de France. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur le tissu économique régional ?
Ici, nous avons la chance d’avoir une diversité d’acteurs, des studios, des écoles reconnues en France et dans le monde. C’est un réel avantage, car les talents sont formés sur place et travaillent ensuite avec les entreprises locales. Par ailleurs, il y a un très fort soutien de la région pour l’industrie des jeux vidéo. Elle voit dans ce secteur une véritable opportunité de création d’emplois dans des métiers à forte valeur ajoutée. Un fonds d’aide de 500 000 euros a été créé l’année dernière. Il permet de soutenir le prototypage de jeu indépendant. Le financement d’un jeu vidéo nécessite un accompagnement spécifique.
Il est indispensable de réaliser un prototype. Prototype qui sera ensuite proposé aux éditeurs et aux producteurs, un peu comme dans le cinéma.
En bref, il faut compter entre 18 mois et 3 ans de développement pour sortir un nouveau jeu vidéo.
A quoi ressemble la communauté Game Only et quelles sont vos différentes actions ?
Nous avons deux typologies d’adhérents. D’un côté les studios de jeux vidéo et de l’autre, les adhérents partenaires, comme les écoles qui vont avoir un intérêt évident à soutenir notre industrie.
L’action de l’association repose sur quatre piliers. Le premier c’est le financement, c’est-à-dire faire comprendre l’importance de ce secteur pour la région et favoriser le financement public. C’est ce que nous avons fait en encourageant fortement la création d’un fonds d’aide au prototypage. Nous sommes également en train de tisser des liens avec un réseau de fonds d’investissements, et de business angels. L’objectif, est de promouvoir notre expertise. Nous voulons faire venir des capitaux français et étrangers en AURA pour financer la croissance des studios.
Le second chantier porte sur la formation initiale et continue. Là, c’est un gros challenge. Nous avons initié un groupe de travail entre les studios et les écoles afin de permettre d’adapter au mieux les contenus pédagogiques aux besoins des entreprises.
Ensuite, il y a toute une démarche autour de la qualité de vie et de la qualité de vie des salariés au travail. Une quinzaine de studios ont travaillé pendant plusieurs mois à la création d’une Charte de la qualité de vie au travail dans le jeu vidéo ainsi qu’un Guide de bonnes pratiques. Les deux productions seront dévoilées le 18 juin prochain. L ’objectif est de renforcer l’attractivité de nos territoires et d’éviter la fuite des talents dans un contexte de concurrence internationale.
Il reste deux piliers. Quels sont vos autres chantiers ?
Le troisième pilier est l’international. On travaille sur ce sujet avec les services de la Région et les agents de Business France. Avec Game Only, on centralise les demandes et les besoins. Ensuite, on fait le lien avec les services de la région pour organiser la présence sur les salons internationaux.
Avec la crise et l’arrêt des salons, il y a une forte attente. Le business se fait principalement sur ces salons.
Enfin, le dernier pilier, c’est évidemment l’animation du réseau des adhérents. On organise des ateliers, des formations, des masterclass, des afterwork. Nous faisons beaucoup de choses pour favoriser le dialogue et l’échange.
Aujourd’hui, on entend beaucoup parler du manque de diversité dans ce secteur, notamment la quasi-absence de femmes. Rumeur ou réalité ?
Alors effectivement, c’est un secteur très masculin. Aujourd’hui, la filière affiche à peu près 20 % d’effectif féminin. Cependant, lorsque l’on regarde dans le détail, la plupart de ces femmes sont dans des fonctions supports.
La féminisation du secteur est un enjeu majeur. On a beaucoup d’actions qui vont être mises en place dans les prochains mois.
Nous avons des problématiques similaires à celles de la Tech au sens large. Il y a très peu de femmes qui développent des logiciels.
Il faut sensibiliser très jeunes, sinon ensuite, c’est trop tard. On cible les collégiens, les collégiennes, et leurs parents. De nombreux studios sont en train de prendre conscience de ces enjeux. Des équipes mixtes, avec plus de diversité, pourront produire des jeux plus adaptés aux différentes typologies de joueurs dans le monde.
On entend beaucoup parler du terme “à impact” ces derniers temps. Est-ce qu’il y a aussi cet enjeu dans le secteur du jeu vidéo ?
Il existe des jeux vidéo que l’on appelle serious game et dont certains ont une vocation pédagogique solidaire. Ils sont souvent à destination des publics fragiles. C’est d’ailleurs un secteur en pleine croissance. Ici, on a un studio qui fait partie des meilleurs de France sur le sujet et qui s’appelle Dowino. C’est un peu notre vitrine, il fonctionne en SCOP, et ils font des jeux vidéo autrement.
Les écoles ont aussi de plus en plus conscience de l’importance de ces sujets. Les lignes sont en train de bouger.
Et donc, est-ce qu’il y a aussi des pépites en Auvergne ?
On a la chance d’avoir plusieurs acteurs du jeu vidéo en Auvergne, dont le plus connu est sans nul doute Adobe Substance 3D. Il produit l’un des logiciels les plus utilisés au monde ! On a également une jeune pousse prometteuse, Cat on Tree. C’est un studio de jeu qui est accompagné dans le cadre de notre incubateur, Let’s GO. Plus largement, la région AURA, et notamment l’Auvergne avec le Damier, représente bien l’ensemble des industries créatives et culturelles. On a d’ailleurs décidé de travailler ensemble au sein du tout nouveau cluster, Auvergne Rhône-Alpes in Motion.
Quelles sont les prochaines actions à venir ?
Côté actualité, on organise le premier job dating 100% dédié au jeu vidéo le 18 juin prochain au Campus Région du Numérique. Il y aura une vingtaine de recruteurs parmi les plus importants de la Région avec près de 400 offres à pourvoir.
Ce sera l’occasion aussi de dévoiler la Charte de la Qualité de Vie au Travail sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois ! ça va être un gros événement.
Notre Assemblée générale aura lieu en juillet, suivie d’une Summer Party qui promet de belles retrouvailles après ces longs mois de confinement.
C’est l’instant carte blanche. Quelque chose à ajouter ?
Vous vous intéressez au jeu vidéo, vous voulez en savoir plus sur les opportunités d’investissement, de carrière ou tout simplement vous recherchez un accompagnement, n’hésitez pas à venir vers nous, nous sommes là pour vous aider 🙂
Dans la tête de Mathilde Yagoubi
Ta définition de l’innovation : ce qui rend le monde meilleur et la vie plus belle
Une belle idée de start-up : réutiliser, valoriser les déchets en général, il y a tant de choses à faire et c’est un enjeu majeur
La start-up qui monte : OBIZ qui fait son introduction en Bourse en ce moment, ils sont géniaux !
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : sur les réseaux sociaux, dans les journaux et à la radio
Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : j’aime bien Society et l’Eléphant, deux magazines cool à lire avec des points de vue différents
Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : le dernier film qui m’a bien fait rire c’est « Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi. Sinon un épisode de « La Flamme » ou un bon vieux sketch des Robins des Bois c’est bien aussi !
La femme qui t’inspire/experte : Il y en a tellement, je ne peux pas toutes les citer 🙂 Il y a les role models puissants comme Beyoncé, Michelle Obama, Simone Veil, Gisèle Halimi, etc. et toutes celles qu’on ne voit pas mais qui changent le monde au quotidien : les entrepreneuses à succès, les scientifiques, les astronautes, les femmes chefs, les médecins,etc.
L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : alors au-delà de boire un coup j’aimerais bien goûter la cuisine de Julien Royer, le chef du restaurant Odette qui vient d’avoir sa troisième étoile 🙂