Vincent, on te connait pour cette marque qui fait la fierté des Clermontois. Posons le cadre: aujourd’hui, Picture en quelques points clés ?
C’est 3 mots clés qui guident tous nos choix, depuis 11 ans :
Rider, protéger et partager
Nous étions 3 copains au départ – Julien, Jérémy et moi, passionnés de skate et snow. Chacun suivait son parcours et on a eu envie de se lancer dans un challenge qui nous ressemble : une marque dans notre univers passion, mais avec un engagement à 100% engagée dans le développement durable et l’éco-conception
.
Notre idée est d’avoir une approche globale, qui mixe les solutions : pas que du coton bio par exemple, ça n’aurait pas de sens, mais du bio, du recyclé, du bio sourcée, du reconditionné…
Les chiffres
-
Worlwide : présent dans 47 pays avec un socle solide en Europe et et en France, mais également aux USA (c’est les rois de la glisse, ils représentent 55% du marché global), au Canada, en Chine et en Russie
-
Chiffre d’affaire : 24 millions d’€ dont 30% en France
-
56 salariés (avec une parité presque parfaite)
-
Saisonnalité forte : l’hiver qui représente 80% du chiffre d’affaire et l’été qui doit se développer sur la gamme ‘water’
-
11 magasins exclusifs développés en franchise par nos distributeurs historiques, ceux qui connaissent et aiment la marque. Celui, tout neuf, de Clermont Ferrand, nous le portons nous-même [c’est quand même notre ville de naissance et de coeur] et nous le voulons expérimental pour imaginer le retail parfait. Par exemple, ici, on teste du mobilier, une organisation …
-
pleinement implanté en Auvergne Rhône Alpes puisque nous avons deux localisations: notre siège social, à Gerzat et demain à Cébazat dans un siège tout neuf pour accueillir toutes nos équipes et un showroom à Annecy le vieux, la ‘silicon valley’ de la glisse avec nos équipes commerciales, design et marketing-merchandising
Thomas Edison disait « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas», on aimerait connaitre l’envers de ton décor, tes 10000 solutions qui n’ont pas fonctionné.
Si on reprend les étapes clés du parcours d’entrepreneurs, est ce que tu as des anecdotes de ratage à partager ?
Tes premiers pitchs, par exemple, tu te souviens de situations particulièrement cocasses ou gênantes ? qu’est ce que tu as appris ?
Ah oui ! En 2008, Julien décide de participer à un concours des grandes écoles : 3000€ à gagner, avec parrainage et de la visibilité : pour nous c’était top comme opportunité ! Et, … on gagne donc on doit monter sur scène: on s’était bien reparti les interventions … mais finalement c’est Julien qui a tout dit: on était figé comme des statues autour de lui. Mon premier pitch finalement, c’était une absence de pitch !
J’ai un autre souvenir, c’était un interview de France 3 et là, pareil, on était tous les 3, face à cette énorme caméra et là encore, c’est Julien qui assuré parce que nous, on était incapable de sortir un mot. Enfin si, Jérémy a fait un effort et il a sorti une phrase qui n’avait ni queue ni tête !
En fait, on n’apprend pas à parler à l’école, je me suis fait violence et aujourd’hui c’est plutôt moi qui fait ça !
Ton premier rdv avec un banquier, bon ou mauvais souvenir ? et maintenant, comment tu l’abordes ?
Un très bon souvenir: un de nos actionnaires m’avait introduit auprès d’un banquier, c’était Christophe Roussel, de la Banque Populaire. Je suis arrivé en sweet à capuche et casquette dans ce hall studieux où tout le monde était en costard cravate … et Christophe m’a tout de suite mis à l’aise en me disant que ça le changeait de ses clients habituels. Il a très vite compris nos besoins spécifiques et a même su être pédagogue, parce que moi, je savais ce qu’il nous fallait mais pas du tout comment … Ils nous ont soutenus dès le départ et toujours aujourd’hui. Pour la petite histoire, ils ont fait une campagne de communication sur certains de leurs clients, dont nous, en Auvergne Rhône Alpes mais aussi nationale ! C’était super pour nous.
En matière de relation bancaire comme dans toutes les autres, c’est l’humain qui fait tout.
Ton premier gros conflit professionnel, c’était ? comment tu gères maintenant ?
Jamais arrivé vraiment… en fait dans notre univers de la glisse, c’est pas du tout dans le spirit.
Ton premier recrutement ? Quelle méthode ?
Même méthode pour le premier que le dernier. On n’aime pas les tests de recrutement, c’est superficiel. En fait, on laisse les gens parler d’eux, c’est plus une discussion, la personne se lâche un peu, et parfois, on glisse des questions, sur la marque Picture, le rapport avec la Ride… c’est particulier comme exercice, mais toujours un plaisir.
L’organisation chez Picture n’est pas pyramidale, notre souhait est d’avoir une organisation en marguerite : une bulle client, notre raison d’être, au milieu et une organisation autour. On favorise les interactions, par exemple entre le design et le commercial.
Ton premier pivot ?
Alors, globalement, on n’a pas varié : Rider, Protéger, Partager est toujours resté notre guide line. Sauf une fois, on a décidé de se lancer sur l’univers du golf … oui ça parait bizarre aujourd’hui mais en fait, toutes nos vidéos se terminaient sur un geste de put et on s’est dit que c’était cohérent : on a sorti des puts en noix de coco et bambou : le produit était top mais on était vraiment pas dans l’univers ! On a arrêté très vite !
Ta première rentrée d’argent, claquée ou investie ?
c’était la première paie ! on était retourné chez nos parents, pas facile de faire marche arrière quand on a goûté l’autonomie ! On s’est payé au bout de 4 ans !
On a découvert que le chiffre d’affaire n’était pas le résultat : on avait parié qu’on se tatouerait le logo Picture quand on arriverait à 1M d’€, ce qui représentait l’idée de la richesse pour nous. En fait, on y est arrivé assez vite, mais c’est mes parents qui ont dû me payer mon tatoo parce qu’on était encore loin de se payer.
Ton premier salon international, sympa ou affreux ? la chose la plus importante à avoir en tête avant de partir ?
Le premier salon c’était Ispo à Munich, LE salon européen de la glisse. C’est aussi un énorme souvenir parce que le voyage a été chaotique mais marrant : on avait loué un camion de déménagement, on avait fabriqué un stand en bois, dans le garage de mes parents. Les meubles étaient en bois massif, Julien était allé chercher les proto en Tunisie et nous, on a roulé toute la nuit en pensant traverser la Suisse mais la douane nous a bloqués parce qu’on n’avait aucun papier pour notre mobilier !
Il a fallu changer de trajectoire, on est arrivé sur place à 6h du matin, une journée de montage et on attaquait l’un des plus gros salons de notre univers avec toutes les marques qu’on adorait : c’était féérique et … épuisant mais on est reparti remontés à bloc !
Ta première pensée chaque matin ?
Café ! et puis, faire le tour des équipes,
Ton premier signe de reconnaissance
Voir quelqu’un un qui porte nos fringues qu’on ne connait pas, qui a choisi de dépenser son argent pour acheter un de nos produits !
Ta première apparition média
A part l’incroyable souvenir de France 3, le premier c’était le magasine Elle ou alors le Figaro: ils étaient venus jusqu’à nous pour faire une interview; ils avaient été accrochés à la fois par le côté « produits de mode », dans l’univers du sport et puis notre profil, 3 gamins de Clermont !
Nous sommes attachés à Clermont, c’est un peu galère parfois pour les déplacements mais au final ici on a la paix pour se concentrer sur la création et tout est facile, contacter quelqu’un pour avoir un coup de main, à la CCI , à la Mairie, on ne perd pas de temps et ca marche très très bien. Et puis, nous construisons notre nouveau siège, donc on ne va bouger pour les 15 prochaines années
Ton premier gros flip
Alors ce n’est pas le premier mais plutôt le dernier ! on a failli envoyer 450 000 $ à un escroc qui avait usurpé l’identité d’un fournisseur chinois … Un coup comme ça, on peut y laisser sa boite. Depuis, on a changé nos process !
Sinon, c’était en 2011, on sortait tous juste la tête de l’eau. Un container de vestes arrivait à Marseille et il avait été ouvert et rescellé: on nous avait volé 12 cartons: une perte énorme ! Et en plus, le fait qu’il ait été refermé a failli nous empêcher de faire jouer l’assurance.
Ta première levée de fonds, c’était quand ? Et tu la referais pareil ?
On n’a pas fait de levée de fonds au sens où on l’entend aujourd’hui. Nous avons mis toutes nos éconocrocs [6000€ chacun], mais ensuite pour financer le lancement des prototypes et de la production, il nous fallait 100 000€, on a trouvé des business angels, à Clermont, tout le monde se connait.
Nos ‘business angels’ avaient lancé les eaux du Mont Dore, ils nous ont écoutés, ont aimé le projet et … ils ont payé pour voir. Puis, ce sont les banques qui ont pris le relais. Et aujourd’hui, le tour de table est le même.
Ton premier partenaire ? Tu l’as choisi ou trouvé comment ?
Mon oncle est le propriétaire de l’imprimerie SIMAN. Il nous a fait nos catalogues gratuitement pendant 8 ans !
Et puis un autre partenaire -mais le mot n’est pas assez fort- c’est les Riot.
Même juste Jean Charles Belmont, au départ, avant la naissance des Riot. Il était vendeur snowboard chez GlissShop, il prenait des photos pour arrondir ses fins de mois et un soir, à l’after de la coopé, on discutait et on lui a demandé de faire des photos pour nous: on n’a pas de thunes, et toi tu as un appareil. Il a dit ok, vous me paierez un jour si ça marche! On a shooté toute la nuit pour faire ce premier catalogue.
Et puis en 2012 ou 13, Sébastien et Damien et Chacha ont rassemblé leurs passions et leurs compétences, la photo, la vidéo et la gestion, pour créer Riot House Prod. Et depuis, on bosse toujours ensemble, c’est tellement cool de travailler comme ça, avec des amis. Mais en plus, c’est pas dur de leur être fidèle, ils sont très bons, hyper créatifs
Ton premier cadeau à toi même
Alors, c’était une semaine de snow et de fête avec tous les copains, pour décompresser au bout de 4 ans de boulot intense !
Ton premier fan
Mes parents! Heureusement, sinon l’histoire n’aurait pas été loin.
Un mot pour conclure ?
S’il fallait se lancer maintenant, ce serait sans doute difficile mais en même temps, si c’était à refaire je le referais sans hésiter : c’est une aventure à la fois complètement magique et complètement épuisante. On oublie heureusement, tous les moments de stress, de doutes, les milliards de questions …
… comme un enfant finalement (dit le papa d’un petit gars d’une semaine au moment de l’entretien)