Olivier Guinaldo, « la fabrique de l’innovation à l’université : R&D et open innovation »

Olivier Guinaldo, « la fabrique de l’innovation à l’université : R&D et open innovation »

Olivier Guinaldo est une fervent défenseur de l’Auvergne. A travers ses multiples expériences, il nous raconte la fabrique de l’innovation derrière les murs de l’Université Clermont Auvergne. Une plongée dans le monde de la R&D, de l’open innovation et du transfert technologique.

Bonjour Olivier. Avant de parler d’innovation, de R&D et d’open innovation à l’université Clermont Auvergne, est-ce que tu peux nous raconter un peu ton parcours ? 

Olivier Guinaldo : Je suis originaire de Montpellier et je suis arrivé en Auvergne en 1996 à l’IUT de Clermont-Ferrand. Je suis un ancien chercheur en informatique, avec une spécialité IA.  Dans mon parcours professionnel, j’ai très rapidement basculé vers une carrière administrative pour devenir chef du département informatique de l’IUT de Clermont-Ferrand.
Ensuite, j’ai passé 12 ans à la Vice-présidence de l’Université d’Auvergne. Sur les 5 dernières années, j’étais Vice-président du Conseil d’Administration. Cette fonction m’a permis de travailler sur des sujets de RH, de finance, de patrimoine immobilier ou encore d’informatique. Grâce à cette fonction, j’ai acquis une vision assez large du monde universitaire clermontois.
Enfin, je suis devenu directeur de l’IUT de Clermont. Le 1er janvier dernier l’IUT de Clermont a fusionné avec l’IUT d’Allier. Actuellement, nous mettons en place une nouvelle organisation.

Elle change quoi cette fusion ?

Cette fusion permet à l’IUT et aux formations de mieux coller aux territoires auvergnats et aux besoins des entreprises. Nos formations sont co-construites avec les professionnels et c’est un vrai plus.
Les formations IUT, c’est ⅓ d’enseignants-chercheurs, ⅓, d’enseignants du second degré et ⅓ de professionnels.

Comment l’UCA se positionne-t-elle sur l’innovation ? Comment elle intègre cette dimension dans son organisation ?

L’innovation au niveau de l’université, c’est tout ce qui permet à notre monde universitaire de valoriser ses activités pour le grand public, et ça va jusqu’au transfert de technologie.
Pour développer l’innovation, on sait aujourd’hui que cela se passe très en amont. Ici, c’est à travers le programme de Clermont Auvergne PEPITE que l’on permet aux jeunes d’être sensibilisés à la notion d’entreprendre. D’ailleurs, à l’IUT, il y a “CREA-IUT”, un dispositif spécifique qui fait partie de PEPITE.
Il existe presque systématiquement des dispositifs de ce type dans les établissements d’enseignement supérieur. Ils peuvent être clairement identifiés comme Busi ou Squarelab ou alors être complètement intégrés à l’école.
Au niveau de Clermont Université, le dernier maillon de la chaîne de l’innovation, c’est le CAI, Clermont Auvergne Innovation.

article du 26/03/2021

Alors, c’est quoi concrètement le CAI ?

Olivier Guinaldo : C’est une filiale de notre université qui essaye d’avoir une vision globale de la situation. Elle a pour objectif de surveiller toute la chaîne de valeur de l’innovation. Cependant, elle se positionne principalement sur le dernier maillon : la valorisation des activités scientifiques. 
La valorisation, c’est parvenir à industrialiser la solution que l’on a développée en R&D. Pour cela, soit on crée son entreprise, soit on cherche des partenaires. 

C’est-à-dire, est-ce que tu as un exemple concret ?

Aujourd’hui, par exemple, on a des collègues informaticiens qui travaillent avec des médecins sur l’imagerie médicale et la capacité à détecter des tumeurs qui sont totalement invisibles à l’œil nu.
Ce sont des algorithmes d’IA qui traitent les images. L’entreprise a été créée et la solution va être mise sur le marché. Pourtant, à la base, c’est un pur produit de la recherche.

Mais comment est-ce que ce type de collaboration se met en place. Ça ne se passe pas à la machine à café hein ?

Non. Ce sont des équipes de recherche hospitalo-universitaire qui se rapprochent pour travailler sur un sujet. Ces équipes de recherche sont composées de collègues 100 % hospitaliers et de collègues hospitalo-universitaires, c’est-à-dire des professeurs d’université qui sont aussi hospitaliers. Ils enseignent et soignent. 
Dans ces équipes, on trouve aussi des personnes comme moi, qui n’ont rien à voir avec l’hôpital, mais qui sont rattachés au ministère de l’Enseignement Supérieur. Ce sont des universitaires qui vont travailler sur des concepts comme l’informatique par exemple. Aujourd’hui, on cherche des solutions médicales par des techniques numériques.

A travers le CAI, finalement vous faites de l’open innovation, non ?

Clermont Auvergne Innovation, c’est vraiment la structure d’université tête de pont. Elle permet de rendre lisible la volonté de l’université de participer aux démarches collectives pour répondre aux enjeux, locaux, nationaux et internationaux.
D’ailleurs, le monde de l’entreprise ne s’y trompe pas et se rapproche de plus en plus des universitaires. Cela se fait non pas par la porte d’entrée “recherche”, qui peut être difficilement appréhendable, mais par celle de l’enseignement. On entre en contact avec les entreprises à travers les programmes de formations.

Comment se déroulent les collaborations entre le monde de la recherche et le secteur privé ?

Olivier Guinaldo : Dans le monde de la recherche, nous avons des sujets théoriques sur lesquels nous travaillons. Nous souhaitons souvent trouver des applications pratiques à nos innovations. Pour que cela puisse se faire, nous faisons appel à des entreprises. Donc, plus concrètement, l’entreprise intègre un doctorant grâce à une bourse CIFRE. Cette collaboration est vraiment originale. Elle est à mi-chemin entre de la R&D classique et le transfert technique d’un concept théorique. 
Par exemple aujourd’hui, beaucoup d’entreprises sont conscientes qu’elles sont assises sur une mine d’informations grâce à leurs données. Pourtant, elles ne savent pas comment les exploiter. Dans ce cas-là, elles se rapprochent de nous avec un cahier des charges bien précis.
Pour elle, c’est l’opportunité de développer leur chiffre d’affaires et pour nous, c’est un nouveau terrain de jeu à explorer.

Tu es représentant territorial de la Digital League, ça consiste en quoi ? 

Dans la Digital League, je fais le lien entre le monde de l’entreprise et le monde universitaire. Je sais que les entreprises du numérique ont des sujets dont le monde de la recherche pourrait se saisir alors je fais de la mise en relation. 

Cet investissement personnel n’est pas né un beau matin. Ça fait très longtemps que je travaille sur le sujet du numérique. Je suis avec d’autres à l’origine de la création d’Auvergne TIC.
C’était il y a 14 ans et on avait monté ça avec la CCI du Puy de Dôme, Isima et des industriels. On avait identifié que chacun travaillait dans son coin alors que l’on était complémentaire. Auvergne TIC est ensuite devenue une entité de la Digital League.

On a beaucoup parlé de la recherche, mais quels sont les grands enjeux du monde universitaire côté enseignement alors ?

Il y a quelque chose qui me désespère aujourd’hui. On a de très bons étudiants qui sortent de nos écoles d’ingénieurs et qui nous disent qu’ils ne trouvent pas de travail en Auvergne, alors ils partent à Paris.
Et de l’autre côté, j’entends les entreprises du territoire qui nous répètent qu’elles n’arrivent pas à recruter.

Mais qui dit vrai alors ?

La problématique, elle est dans le timing. Lorsque les entreprises se mettent en quête d’un profil précis, c’est déjà trop tard.
Je le dis très clairement : il faut aller les chercher le plus tôt possible. L’alternance pour les métiers du digital, c’est vraiment l’avenir. Ça permet de créer un lien fort entre l’étudiant et l’entreprise et ça favorise l’embauche à terme et la fidélisation des collaborateurs.

En ce moment, il y a beaucoup d’entreprises qui veulent embaucher des développeurs. Elles constatent qu’il n’y a personne de disponible sur le marché. Les étudiants de cette année vont être diplômés en juillet. C’est dès maintenant qu’il faut tisser des liens. Une fois leurs diplômes en poche, ils vont rester très peu de temps sur le marché du travail.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

Je voudrais parler de notre système scolaire. On a un système scolaire qui, dès la maternelle, n’est pas dans une logique de besoin, mais dans une logique de flux.  Lorsque l’on dit “il faut que 85 % de la population ait le bac” ou “il faut que 70 % d’une tranche d’âge ait une licence universitaire. Pour moi, ce sont des objectifs qui n’ont pas de sens. C’est ce qui rend problématique l’insertion professionnelle d’une partie de notre jeunesse. 

Cette approche se traduit très concrètement dès le collège. On dit aux élèves en difficulté : tu vas faire une filière pro. On inscrit dans l’imaginaire collectif que les métiers professionnels sont pour ceux qui n’ont pas réussi à faire autre chose. 
Je ne comprends pas par exemple, que l’on ne valorise pas le métier de boucher et que l’on préfère répéter “ si tu travailles mal à l’école, tu finiras boucher”.

D’un autre côté, avec cette logique, on se retrouve avec un flux massif sur les bancs de l’université alors que dans certaines disciplines, il n’y a pas assez de débouchés. C’est complètement paradoxal.

Aujourd’hui, à l’Ecole de la République Française, on essaye d’emmener tout le monde le plus loin possible dans les études sans se soucier de leur vrai désir. Par ailleurs, et c’est très grave, on ne se préoccupe pas non plus des vrais besoins de notre société. Ce que l’on n’anticipe pas aujourd’hui, on le subira demain.

Dans la tête d’Olivier Guinaldo

Ta définition de l’innovation : L’innovation c’est quand tu fais mieux différemment

Une belle idée de start-up : Je n’en ai aucune sinon je me serais lancé.

La start-up qui monte : LAOU

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : Sur internet en croisant les infos pour trouver la juste vérité quelque part à mi chemin de toutes les versions lues

Une recommandation (livre, podcast, magazine, série) : Wikipedia. C’est fou comme un collectif peut s’unir pour nous « cultiver. »

La femme qui t’inspire / experte : Simone Veil. Je crois qu’elle a beaucoup innové dans son domaine et qu’elle est aujourd’hui encore source d’inspiration

L’Auvergnat.e d’i’ci ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Jessy Trémoulière ; je suis fan de rugby depuis toujours.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.