Tales up, c’est d’abord trois associés passionnés par l’univers du jeu vidéo. Victor Jaffeux et Mathieu Bouchonnet sont les cofondateurs. Après être tous les deux passés par la filière Game Design de Bellecour École à Lyon, Victor part un faire un stage à Tokyo et se spécialise dans la gestion de projets. C’est après cette expérience qu’ils décident avec Mathieu de monter Tales Up.
Adrien Lambel, le dernier arrivé, lui, ne vient pas du monde du jeu vidéo même s’il le pratique. Il s’occupe du volet développement informatique du jeu. C’est Adrien et Victor qui passent sur le gril aujourd’hui.
Pourquoi avoir choisi de créer un jeu vidéo ? Tales Up, ce n’est pas commun comme projet entrepreneurial ?
Victor : Après avoir terminé nos écoles et nos stages, on a eu le choix entre chercher un travail ou se lancer dans ce projet qui nous tenait à cœur. Puis, on s’est dit que c’était maintenant ou jamais, donc on s’est lancé.
Ce qui est génial dans le monde du jeu vidéo, c’est que c’est un secteur en constante évolution. Il n’y a pas de règle absolue, on fait ce que l’on veut, on peut tout imaginer.
Avec Tales Up, on ne veut pas avoir une approche uniquement business pour le jeu vidéo. On ne se dit pas tiens, là, il y a un manque et donc une opportunité, allons-y !
Nous, on est vraiment dans une démarche créative. On part d’une idée, d’une intention, c’est une vision avant tout artistique du projet. C’est ça qui va donner de la valeur en tant que jeu et non pas en tant que produit.
Mais comment est-ce que l’on construit un jeu vidéo ? Ok, vous avez une idée ou une intuition ? Et après, comment nait Tales Up ?
Victor : Après l’idée, il y a la pré-production. C’est le moment de designer le jeu. On va mettre des jalons sur un planning.
Dans notre cas, on est sur un jeu de narration. On se focalise sur l’expérience, et sur le type d’histoires que l’on veut leur raconter (thème, durée, type d’interactions).
On commence par définir quels sont les piliers de design. C’est le fil rouge du jeu. Ce sont les mots référence, pour éviter de nous disperser et de perdre notre cohérence. C’est ce qui arrive souvent dans le développement de jeux vidéo.
Il suffit d’un léger déséquilibre et la machine se grippe. Si le design n’est pas équilibré, les joueurs ne s’amuseront pas.
Cette pré-production dure combien de temps ?
Victor : Il y a une grosse problématique dans le secteur du jeu vidéo : c’est très difficile d’évaluer le coût d’un jeu vidéo car ils sont tous uniques. Quand on commence, on ne sait jamais sur quoi on s’embarque, ni pour combien de temps. Avec la création d’un jeu vidéo, on est toujours sur le test and learn. C’est une démarche itérative.
Quand on a terminé le jeu, finalement on considère que l’on n’est qu’à la moitié du parcours. Après, il y a toute une phase de débogage, de tests, et de modifications pour améliorer l’expérience.
Vous êtes incubés au SquareLab, pourtant un jeu, ce n’est pas une start-up ? Pourquoi avoir intégré l’incubateur pour développer Tales Up ?
Adrien: A la base, l’idée a émergé à travers un des projets étudiants de Bellecour école. Victor et Mathieu ont eu envie d’aller plus loin que le prototype et de faire un véritable projet.
Tous les trois, nous venions de terminer nos études, mais aucun n’avait un profil école de commerce. Le SquareLab nous aide sur le volet création de la société et sur la recherche de financements.
Même si nous ne sommes pas une start-up, les étapes de création d’un jeu vidéo sont similaires au développement d’une start-up. D’ailleurs, nous avons pu bénéficier d’accompagnement et de subventions dédiés aux entreprises innovantes.
Et oui, justement, y-a-t-il un accompagnement spécifique pour les jeux vidéo ?
Adrien : Tout d’abord, le fond métropolitain pour l’innovation, qui permet de financer les porteurs de projets pendant un an.
Ensuite, le programme Pingstar de Digital League nous a permis de bénéficier d’un consulting en développement de prototype et d’un financement pour une vidéo promotionnelle.
Nous avons également été lauréats de la Fondation ESC Clermont. Enfin, grâce à Start up and Go, nous avons reçu des aides pour notre communication, études de marché etc …
C’est un peu le jackpot là non ?
Adrien: Le milieu du jeu vidéo est en pleine expansion, mais finalement, il y a encore peu de porteurs de projets qui développent des jeux vidéo à travers des studios indépendants. Notre dossier était original : un jeu vidéo qui correspond au profil d’un projet de start-up. Ça a séduit nos interlocuteurs.
Mais, donc, c’est quoi un jeu narratif ou de narration ?
Victor: Le jeu de narration, c’est un domaine très vaste. De la narration, il y en a dans 90 % des jeux. Les jeux narratifs quant à eux, mettent la priorité sur la narration.
Nous avons nos piliers de design, à savoir, la narration, l’accessibilité et le fait d’être multi-joueurs. On n’est pas sur un jeu qui ne s’adresse qu’à une niche de joueurs.
Il existe des jeux narratifs qui sont de véritables blockbuster comme Detroit : Become Human, un jeu d’aventure-action développé par Quantic Dream. D’autres, ont une très grosse couche narrative comme Cyberpunk 2077.
À côté, des gros, il y a aussi beaucoup d’indépendants qui développent des jeux en 3D ou en 2D, en mode jeux de rôle un peu à l’ancienne.
Et donc Tales Up, quelle est votre offre ?
Adrien : Notre idée, c’est de proposer une assez grande diversité d’histoires, une sorte de Netflix d’histoires interactives. On veut proposer des aventures avec différents thèmes, durées, et nombre de joueurs, toujours sur smartphone pour l’instant.
A ce jour, nous avons développé quatre histoires :
- une de braquage rapide et intense : comme Casa de Papel par exemple
- une histoire de pirates : pas trop sérieuse, comme Pirate des Caraïbes,
- une histoire de Vikings : cette thématique est très en vogue en ce moment
- une enquête dans un univers futuriste mais pas geek : là, il s’agit de résoudre un crime.
Quel est le modèle économique quand un studio indépendant créé des jeux vidéo ?
Pour l’instant nous avons fait le choix de proposer nos premières histoires gratuitement pour servir de test. C’est ce qui nous permet de constituer notre base d’utilisateurs et d’avoir des feed-backs.
Il y aura des histoires gratuites et payantes autour de 2€ l’histoire.
L’approche innovante de Tales Up, c’est le côté multi-joueurs. Il faut se mettre d’accord sur une stratégie avec les autres. Tout se passe sur le smartphone. Il y a des passages écrits qu’un des joueurs doit lire pour les autres par exemple.
A ce jour, nous avons eu 9 000 téléchargements. Les avis sont très bons, 4,5 et 5 étoiles.
Et donc, quels sont vos projets à venir ?
Forcément, puisqu’on est des profils créatifs, on arrête pas d’avoir plein de nouvelles idées de jeux ou d’applications mais notre priorité c’est de pérenniser le développement de Tales Up et de le rendre rentable. On compte faire une version en ligne et une version sur navigateur une fois que l’on aura intégré notre modèle économique.
Dans la tête d’Adrien Lombel
Ta définition de l’innovation : L’innovation c’est pour moi quelque chose qui change les comportements des gens ou leur manière de penser. Il peut s’agir d’idées comme de produits concrets, leur point commun étant de changer le monde petit à petit.
Une belle idée de start-up : Il n’y a pas longtemps, j’ai pensé à une application de calcul d’empreinte carbone où on entrerait globalement nos habitudes de consommation (viande, utilisation de la voiture, chauffage etc…) qui pourrait permettre aux gens de se donner des objectifs concrets afin de baisser leur empreinte. Cela permet aussi de se comparer à des moyennes nationales / régionales.
Ça ressemble un peu à l’idée de Greenly (un super projet d’app), mais ça ne se focaliserait pas que sur les courses. Bon, je ne sais pas si c’est une belle idée, mais c’est une idée !
La start-up qui monte : Forcément Capillum que l’on a croisée à l’ESC. Ils nous ont servi d’exemple dans leur détermination et leur réussite alors que c’est un projet radicalement différent du nôtre (recyclage de cheveux). Mais allez les suivre, c’est en train de devenir vraiment énorme !
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info ? : Alors moi je ne suis pas trop souvent sur les réseaux sociaux donc ça arrive que je sois le dernier à connaître les infos intéressantes. Je lis régulièrement Le Monde et leur branche “Pixels” qui concerne le milieu du numérique.
Je suis aussi abonné à pas mal de newsletters de projets ou de studios que j’aime.
Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : La chaîne de Doc Géraud sur Youtube (bon même s’il commence à être un peu connu) est toujours particulièrement intéressante puisqu’on a l’impression de suivre son parcours avec quelques années de retard. Je le regardais alors qu’il était en école de jeu vidéo et que je voulais en intégrer une. Maintenant il sort des jeux indés et on s’apprête à sortir le nôtre. C’est un vrai modèle.
Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : De manière générale je recommande le Twitch francophone qui est en train de devenir quelque chose d’incroyable et qui produit des contenus de plus en plus riches et intéressants. Entre autre, l’émission Popcorn de Domingo tous les mardis à 20h qui traite de l’actualité d’une manière vraiment unique et innovante.
La femme qui t’inspire/experte : Lucie Basch, c’est la créatrice (française) de l’application Too good to go, qui permet aux utilisateurs d’acheter à moindre coût les invendus des commerçants et des restaurateurs. En plus d’être une entrepreneure accomplie, elle a su mêler une problématique actuelle : la lutte contre le gaspillage alimentaire, avec la technologie. Le tout avec brio et pour le plus grand bonheur des utilisateurs et de leur porte-monnaie. Un modèle à suivre donc.
L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Nicolas Debourg, (qui est dans le commerce du vin pour les entreprises comme pour les particuliers), basé à Aubière. En plus d’être un très bon caviste (et donc de proposer des bonnes choses), il saura vous conseiller. Il vous fera découvrir des produits fabuleux, locaux ou pas, le tout avec gentillesse et bonne humeur.