La Manufacture des Talents accueillait une conférence autour de l’émergence du Centre des Matériaux Durables au coeur de Cataroux. L’occasion de faire le point avec tous les maillons de la chaîne.
Un enjeu transverse : réduire les impacts
La loi Essoc a introduit l’objectif de « zéro plastique rejeté en mer d’ici 2025 ». Pour atteindre cet objectif, la loi prévoit notamment l’obligation de tri à la source des déchets plastiques pour les entreprises. La loi AGEC introduit la fin des emballages plastiques à usage unique en 2040. Ainsi que l’accélération vers l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici le 1er janvier 2025. Elle encourage également les entreprises à adopter une stratégie d’éco-conception. Cela peut se traduire par l’utilisation de matériaux plus écologiques ou par la réduction de la quantité de matières premières nécessaires à la fabrication.
Le développement de matériaux durables et de biotechnologies est donc un enjeu majeur. Que ce soit en termes d’impact environnemental ou de souveraineté. Plus particulièrement, les plastiques. C’est l’un des matériaux les plus utilisés dans le monde dont l’impact environnemental est massif. Il cumule les effets d’un process de fabrication qui requiert une importante consommation de ressources – du pétrole- une durée de vie à la fois ultra courte dans son usage (souvent unique) et très longue liée à une très faible biodégradabilité. A cela s’ajoute un recyclage faible. Emmanuel Ladent, DG de Carbios, le rappelait, aujourd’hui, seuls 15% des emballages triés dans la « poubelle jaune » sont recyclés. Un chiffre qui descend à 9% quand on fait référence aux plastiques au niveau mondial.
L’enjeu est donc de taille d’imaginer des solutions d’écoconception de ces emballages. Et Clermont a une place à y prendre.
Le contexte local : construire une chaine de valeur forte
Michelin, propriétaire du foncier, est à l’origine du projet de Centre des Matérieux Durables (CMD). Dans le cadre de la stratégie ‘Tout durable’, le groupe est particulièrement concerné par cet enjeu. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudra augmenter le taux de matériaux durables dans l’ensemble de ses produits jusqu’à 100 % en 2050.
Rassemblés autour de Pierre Robert, responsable du projet CMD pour Michelin, les deux pôles de compétitivité- Axelera et Polymeris. Mais également l’équipementier Forvia, la start up Carbios, Numtech, IPC et l’Université Clermont Auvergne. Tous partagent le constat, le besoin, parfois un bout de solution et surtout l’ambition.
Les Pôles de Compétitivité fédèrent un tissu entrepreneurial important, de toutes tailles, et le monde académique. Leur objectif est d’initier des projets collaboratifs innovants, à un niveau international. Et ce, en s’orientant sur les sujets de matériaux durables, de préservation de ressources, de valorisation des produits en fin de vie… Les grands groupes à l’image de Forvia ou Michelin, représentent un effet de levier majeur. L’Université, labellisée I Site et PUI, forte de 17 laboratoires de recherche et d’objectifs d’intensification des collaborations avec le monde socio économique, constitue un réservoir de connaissances et de plateformes d’expérimentations. Les experts tels NumTech ou IPC, accompagnent leurs clients dans une véritable révolution culturelle pour aller vers une approche circulaire, avec des outils complexes tels que l’analyse du cycle de vie …
Ce sont toutes ces ressources qu’il faut potentialiser au bénéfice du territoire et de ces acteurs. « Il y a un champ énorme d’innovation à investir, un besoin considérable d’expertises et un écosystème local déjà fonctionnel ».
L’ambition : faire référence
Henry Gisselbrecht, VP en charge du développement et de l’attractivité de Clermont Auvergne Métropole l’affirmait en introduction, la Métropole veut faire référence en matière d’accompagnement des entreprises dans leur transition énergétique et environnementale. Le CMD fait partie intégrante des leviers portant cette ambition.
Pour Pierre Robert, la symbolique du CMD est forte. Il est ancré au cœur de Cataroux, marqueur de l’identité industrielle du territoire et son intention est bien de partager cette partie de foncier et son environnement industriel avec le territoire en contribuant à impulser une nouvelle dynamique. Ces transitions à engager s’inscrivent dans un temps long. Elles sont très perturbantes, sans doute bien au-delà de ce qu’on imagine, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de ré inventer l’industrie.
Le positionnement du CMD est aussi très spécifique. En apportant la brique du démonstrateur, il vient combler une étape extrêmement stratégique. Celle du pré développement, qui revient à tester les procédés en engageant des frais de pré industrialisation coûteux et encore peu rentables. Un site comme celui de Cataroux, avec sa capabilité industrielle, peut se positionner sur ce créneau. Emmanuel Ladent, DG de Carbios, premier occupant opérationnel du CMD, relève d’ailleurs que ce démonstrateur agit comme une vitrine très attractive. Tant pour des clients nationaux ou internationaux que pour de futurs talents à recruter.
Quels facteurs clés de succès ?
Pour Pierre Robert, le Parc Cataroux constituera à terme un pôle complet. La formation, avec un continuum pédagogique de bac-3 à bac +8 à Hall 32, labellisé Campus des Métiers et Qualifications autour de l’industrie. La Manufacture des talents, autour des softs skills, pour accompagner les évolutions professionnelles. Le futur PIC orienté sur l’économie d’impact, qui constituera un lieu de vie, de travail et d’émulation … Le CMD vient s’inscrire dans cet environnement. Il contribuera à potentialiser cette force au service du territoire et au delà. Il insiste également sur la complémentarité de ce pôle avec les autres initiatives du territoire. Elles doivent se renforcer mutuellement pour construire une chaîne de valeur solide et unique.
Pour Pierre Béal, PDG de Numtech, qui se décrit comme un « acharné du territoire », l’enjeu est d’immerger chacun des acteurs dans un écosystème qui nourrisse ses réflexions stratégiques globales, l’aide à prendre de la hauteur, à partager la connaissance. C’est aussi la réflexion partagée par les deux représentants des Pôles de compétitivité. Il faut accompagner les TPE et PME dans le décodage d’enjeux complexes, transmettre les savoirs et l’expérience et surtout les rendre opérationnels.
Une chaîne de valeur solide et unique
Pour Pierre Robert, l’enjeu est de construire un écosystème ambitieux, qui dépasse la combinaison ‘foncier + offre de service » pour aller vers une recherche de collaborations poussées. Il s’agit d’aborder des chaines de valeurs de plus en plus complexes en ayant l’ambition d’agréger des acteurs sur des projets concrets, des plateformes communes, des équipements mutualisés… Un véritable écosystème doit permettre à de plus petites structures de s’ancrer dans une chaine de valeur qui les consolident. Les start up ont besoin d’un environnement à la fois stimulant et stable pour grandir.
Pour réussir ce pari, il y a aussi nécessité à se spécialiser. Pour le CMD, se sera le recyclage des plastiques et les biotechs blanches. (NDLR : relatives aux procédés industriels, les biotechs blanches ont pour ambition de produire durablement des substances biochimiques, des biomatériaux et des biocarburants à l’échelle industrielle et à partir de ressources renouvelables. Futura sciences). Cela se traduira par l’accueil de nouvelles entreprises, de recherche de connexions productives, pour créer de la différenciation, des expertises, et un niveau d’offres structurées, mobilisant toutes les ressources du territoire.
Collaborer
A la question des facteurs clés de succès pour le CMD, tous les intervenants se rejoignent sur les notions d’ouverture, de mixité, de confiance et de collaborations. Et aussi, sur l’enjeu de taille de ne laisser personne sur le bord du chemin. Pierre Béal, Numtech, rappelait que la notion d’écosystème est la base même d’une approche d’économie circulaire.
A noter pour les passionnés du sujet
Un colloque sur le sujet du recyclage du plastique co organisé par les deux Pôles de compétitivité se tiendra les 16 et 17 mai prochain à Lyon.