L’EcoCentre de Varennes a éclos en lieu et place d’une base militaire, fermée fin 2015, accusant une perte de 350 emplois locaux. Le projet était alors de redonner vie à cet espace de 27 hectares. Aujourd’hui, l’EcoCentre de Varennes, c’est un parc d’activités, véritable écosystème entreprenant, accueillant 25 entreprises et créant 120 emplois directs. Un tiers-lieu, composé d’un espace de coworking et d’un FabLab a été créé fin 2019 pour attirer des indépendants, des salariés, des entreprises, des particuliers.
Marie-Laure Chazelle en est la directrice, depuis l’origine, et nous en raconte la naissance et les perspectives. C’est aussi une mine de clins d’oeil à son territoire !
Marie-Laure, racontez-nous l’histoire de l’EcoCentre…
Ce projet a été porté par la commune de Varennes-sur-Allier et la communauté de communes Entr’Allier Besbre et Loire et soutenu par un contrat multi partenarial (Etat-Région-Département-collectivités locales). La S.P.L.277 (société publique locale) est l’outil spécifique qui a été créé par ces deux collectivités pour structurer le projet. L’enjeu était surtout de créer des emplois pérennes.
A quoi ressemble l’EcoCentre ? qu’est-ce qu’on y trouve ?
Clairement, l’ambition est la revitalisation économique du site et du territoire. Le site se veut ouvert à tous, il y a une volonté d’éclectisme et de mixité de taille d’entreprises et de filières d’activités, tout en suivant deux fils rouges : la filière bois, sous toutes ses formes, et les entreprises artisanales du secteur du BTP. La démarche d’orientation vers le Bois et l’artisanat du secteur du bâtiment correspond bien aux atouts de notre environnement et aux besoins des entreprises locales. En complémentarité, une plateforme territoriale de rénovation énergétique de l’habitat, destinée aux particuliers, se positionne comme un tiers de confiance de proximité sur ces questions de rénovation énergétique.
Le tiers-lieu compte lui une quinzaine d’adhérents : des créateurs d’entreprise, des coworkers, des salariés indépendants, de simples particuliers attirés par les machines numériques.… Le tout forme un ensemble cohérent.
L’équipement du FabLab est également en cohérence avec ce positionnement : une grande découpeuse laser, une fraiseuse numérique, des imprimantes 3D, … L’ambition est d’aller encore plus loin en créant un FabLab dédié au travail du bois et orienté vers les professionnels : nous avons déposé une candidature à l’appel à manifestation d’intérêt national “Fabrique de territoires” et à celui du département de l’Allier pour financer un investissement de plus de 300 K€ et le recrutement d’un nouvel animateur du Fablab dédié à temps complet à cette nouvelle orientation. Le matériel s’adressera prioritairement aux professionnels du bois avec l’idée d’aller vers un esprit atelier partagé et de pouvoir mutualiser les acquisitions d’outils complémentaires.
Il y aura également un chantier démonstrateur à l’échelle 1 pour expérimenter les pratiques dans la rénovation du foncier du site.
Il y a un programme d’animation pour permettre à cette communauté de se rencontrer ? Qui sont vos partenaires ?
C’est un sujet que nous aimerions vraiment développer mais nous sommes encore limités par nos moyens humains… Actuellement notre Fabmanager, Matthieu Dupont de Dinechin, en charge de l’animation du Fablab ne s’y consacre qu’à temps très partiel, il est également architecte et supervise les nombreux travaux de réhabilitation des bâtiments que nous avons lancés pour renforcer l’attractivité du site. La future recrue aura cette mission de développer l’animation, en prenant appui aussi sur les réseaux établis avec les partenaires locaux, comme celui que nous avons déjà engagé avec l’association locale Les Affranchis qui propose des activités culturelles et artistiques et qui a notamment développé une activité de géocaching sur le site.
Néanmoins, une fois par mois, nous proposons des animations gratuites d’initiation à l’utilisation des outils du FabLab, soit à destination des enfants, le mercredi après-midi, soit des adultes, pros et/ou particuliers, en soirée…En tout, une quinzaine d’ateliers d’initiation ont déjà été organisés depuis l’ouverture du tiers-lieu.
Nous avons également, chaque second mardi du mois, un ‘Dej morning’ mensuel qui va devenir thématique à partir de la rentrée de septembre, auquel sont invitées toutes les entreprises locales et les partenaires. Celui de septembre sera dédié au recrutement (en vue de l’organisation d’un ‘Job Dating’ prévu en octobre) et celui d’octobre sera dédié à l’énergie (Comment bien acheter son énergie).
Nous sommes également co fondateurs de l’association ‘CoworkInAllier’ dont l’objet est de fédérer l’ensemble des tiers-lieux du Bourbonnais pour échanger, partager nos animations, nos outils, harmoniser nos cotisations… Pourquoi pas, par exemple, créer un pass pour coworking et fablab sur l’ensemble des tiers-lieux de l’Allier, avec un tarif unique ?
Avec ce collectif de tiers-lieux bourbonnais, nous sommes également partenaires de Cocoshaker, l’incubateur de projets à impact social, et l’EcoCentre sera l’un des sites d’accueil de la promotion d’incubés purement bourbonnaise qui devrait démarrer en octobre…
Enfin, notre Fabmanager est l’un des administrateurs du Réseau Français des Fablab.
Au Connecteur, nous aimons bien ‘connecter’ les univers. Avez vous en tête un rêve secret de collaboration ?
Alors oui, j’aimerais beaucoup que nous soyons mieux connectés au monde agricole : nous pourrions aider à développer un drive fermier, une AMAP ou de la vente directe sur le site, ou encore accueillir un atelier de conserverie partagée, ou des ateliers de transformation de type micro-brasserie ou autre, cela contribuerait à offrir un nouveau débouché aux producteurs locaux et pour nous, à faire entrer des profils différents dans le lieu, favorisant encore cette mixité d’activités et d’acteurs qui nous tient à coeur.
C’est un chantier pharaonique ! C’est quoi les prochaines étapes ?
Sur les 27 hectares, il y a 75 000 m² de bâtiments dont 50 000 sont déjà loués !
Nous sommes en train de transformer les derniers bâtiments pour les rendre plus attractifs : il y a beaucoup de hangars dont la vocation est d’accueillir des activités industrielles, logistiques et artisanales. Il y a aussi à l’entrée du site, un bâtiment à vocation tertiaire, en cours de rénovation qui deviendra très prochainement un hôtel d’entreprises tertiaires presque BBC,dans lequel nous allons déménager la SPL et enfin, un autre grand bâtiment de 5000 m², qui après une transformation et un découpage sera destiné à l’accueil d’ateliers artisanaux.
Et puis, à moyen terme, il y a encore d’autres perspectives : la partie “casernement” de l’ancienne base militaire d’une superficie de 5 ha, actuellement occupée par un centre d’accueil pour migrants, doit être libérée pour être cédée à la commune. On y trouve des bâtiments de type tertiaire : des logements, un bâtiment de restauration, une salle de spectacle – cinéma de 240 places. Nous avons commencé de réfléchir à ce que pourraient devenir ces bâtiments. Cette emprise représente encore un formidable potentiel de développement qui viendra compléter le travail de reconversion déjà entamé sur l’EcoCentre. Créer une cuisine centrale et/ou un restaurant d’entreprises, une salle de spectacle polyculturelle, inexistante actuellement à Varennes, qui pourrait accueillir des conférences ou des résidences d’artistes par exemple … Il y a encore énormément de choses à imaginer !
On sait aujourd’hui à quel point les modèles économiques des tiers lieux sont fragiles. Quel est celui de l’EcoCentre ?
La création de la SPL a amené beaucoup d’agilité pour mener ce projet, surtout pendant la période des fusions des collectivités. Elle porte un projet de territoire mais avec un fonctionnement autonome, et un cofinancement de l’Etat, de la Région, du département, de l’Europe et également de privés (par exemple, 6,5 M€ ont été investis par une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables pour installer des panneaux solaires sur les toitures). Les loyers perçus permettent de mener à bien le projet et de rembourser les emprunts souscrits pour financer les investissements. L’exercice comptable 2019 a marqué le premier résultat équilibré, atteignant 1M€ de CA.
La SPL est un bon outil d’animation stratégique, sans attendre un retour financier immédiat. C’est une belle démonstration d’un bon fonctionnement public privé.
Marie Laure, comment êtes-vous arrivée là, qu’est ce qui vous motive dans ce projet ?
Je suis arrivée en novembre 2015, au tout début du projet. J’ai démissionné d’un cabinet de consultants parisien qui possédait un bureau à Vichy, spécialisé dans le développement économique local au profit de collectivités et d’industriels confrontés à des problématiques de restructurations et de fermetures de sites. J’avais notamment déjà mené plusieurs missions concernant des questions de reconversion de sites et de bâtiments militaires.
J’ai aussi une formation et une expérience en contrôle de gestion industrielle que j’ai exercé pendant près de 13 ans dans un groupe industriel installé dans l’Allier. Le projet est arrivé à un moment où je me posais pas mal de questions, je faisais beaucoup de déplacements, 3 jours / semaine sur un vaste territoire allant de Strasbourg à Marseille, j’avais envie de passer de l’autre côté de la barrière: de ‘simple’ force de proposition à ‘je mets les mains dans le cambouis’.
J’ai pu contribuer à la définition stratégique du projet, en amont de la fermeture, travailler sur les besoins et ressources du territoire pour imaginer un projet de revitalisation vraiment spécifique.
Ce qui vous plaît le plus aujourd’hui ?
Tout.
Mais surtout la satisfaction de faire revivre ce site. Le pari n’était pas gagné (et il ne l’est toujours pas), il y avait beaucoup d’oiseaux de mauvais augure, dont certains qui pensaient qu’il valait mieux tout raser pour construire un village de marques ! Heureusement, il y a eu aussi de bonnes fées ! C’est avant tout un travail d’équipe, nous sommes 7 pour refaire revivre ce site et nous travaillons également en étroite collaboration avec les élus, administrateurs de la SPL, dont certains ont été très actifs et impliqués dans la réussite de ce projet, sans oublier les nombreux partenaires qui nous ont aidés à un moment ou un autre du projet : la préfecture de l’Allier, la sous-préfecture de Vichy, le ministère des armées, le CGET, le commissariat de Massif du Massif Central, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le Département de l’Allier, l’antenne Allier de l’agence de Développement économique, la CCI, la CMA, la FFB, la CAPEB,…La connexion à ceux qui nous entourent est indispensable, Varennes-sur-Allier est certes, loin des grandes métropoles, mais ce n’est pas une île ! Nous devons être connectés aux autres, à ceux qui oeuvrent déjà pour faire vivre le territoire et créer des passerelles, notamment avec les métropoles, les centres universitaires et de recherche pour rester attractifs.
Sur ce type de territoire, il y a beaucoup d’exemples de désindustrialisation qui ont été fatales … et là, on voit qu’on peut mener des projets qui développent vraiment de l’activité sur le territoire, que ça peut fonctionner : c’est une vraie satisfaction au quotidien !
Je suis aussi maman de deux grands enfants, j’ai envie de participer à donner l’envie aux jeunes de rester vivre et travailler dans notre région.
Si on devait faire une carte postale de l’innovation du territoire, quelles innovations particulièrement prometteuses pourriez-vous partager ? Vos petits coups de coeur “monde de demain” ?
- Touristique :
- Le parc d’attraction LE PAL qui connaît un formidable développement, véritable locomotive du tourisme de loisirs de l’Allier avec tous ses projets (ses lodges offrant une expérience unique en Europe et la construction en cours d’un hôtel-resort qui ouvrira ses portes en 2021) et aussi pour son engagement pour la préservation des espèces animales en danger à travers la fondation Le Pal
- Le natural Wake park de Villemouze, basé à Paray-sous-Briailles, site de téleski peu connu qui mérite le détour
- L’opération Lumières sur le Bourbonnais qui illumine les soirées de l’été de 5 villes du bourbonnais avec des spectacles sons et lumières grandioses : Moulins, Cusset, Montluçon, Commentry et Vichy (cofinancé par le Département et la Région)
- Numérique : la Bourbon’Net, le bus numérique du département qui apporte des services d’accès au numérique au plus près des habitants des villages qui en sont éloignés
- Agro / alimentation : l’Agrotechnopole, Pôle dédié à l’innovation en matière d’agroéquipements et d’agriculture numérique, mis en place par l’INRAE (nouveau nom né de la fusion de l’INRA et de l’IRSTEA) sur son site de Montoldre, près de Varennes, la recherche au profit d’une agriculture plus innovante et respectueuse de l’environnement
- Artisanat : forcément, le bois…Campinanbulle, petite structure familiale qui produit sur mesure et à la main des kits d’aménagements amovibles en bois garantis à vie pour transformer votre véhicule en camping-car de luxe, …
- Santé : le projet très innovant Prox-e-soin porté par Nabil Lyesse qui souhaite mettre en place des camions médicaux itinérants pour palier le problème des déserts médicaux et qui envisage d’installer son siège social à l’EcoCentre
- Industrie/ PME :
- les industriels de la filière bois installés sur l’EcoCentre : 3 bois (fabricant de granulés bois) et Foresta Nova (fabricant d’abris et chalets de jardins en bois thermochauffés)
- Toute la dynamique portée par Clermont Auvergne French Tech qui doit irriguer l’ensemble de la région
- Education :
- les formations “Digit’Allier” labellisées SIMPLON, organisée avec l’association FACE Territoire Bourbonnais qui permet de former des demandeurs d’emplois aux nouveaux métiers du numérique,
- Notre projet de plateforme apprenante qui sera le prolongement du développement du fablab orienté pro et bois, qui prendra place dans le nouveau bâtiment de 5000 m² qui sera prochainement rénové
- Culture : l’opéra de Vichy qui offre chaque année une programmation culturelle variée de qualité dans un lieu d’exception, le CNCS de Moulins
- Mobilité : la mise en place de la via Allier qui a aménagé 27 kms de voie douce entre Saint-Yorre et Billy le long de la rivière Allier, accessible facilement à vélo
- Écologie : l’association CBPA (Construire en Biosourcé en Pays d’Auvergne-Rhône-Alpes) qui porte un ambitieux projet de relancer la filière chanvre construction locale pour promouvoir son usage dans la construction et la rénovation d’habitat sain et écologique
- Lieux Coup de coeur : Le parc naturel régional des Volcans d’Auvergne qui nous offre de nombreuses possibilités de randonnées ressourçantes et d’activités de pleine nature dans un cadre réellement extraordinaire.
Pour finir, les dates clés de la rentrée ?
- Participation à la journée Innov Rural, organisée par l’association Cap Rural le 4 septembre à Saint-Jean en Royans autour des nouvelles activités des tiers-lieux
- Le Déj’Morning du 8 septembre sur le thème du recrutement,
- La soirée de lancement de l’appel à candidature des futurs incubés du Bourbonnais par CoCoshaker, le 8 septembre à partir de 18h à l’EcoCentre
- Le Job Dating début octobre,
- le Déj’Morning du 13 octobre ‘Comment acheter son énergie ?’
- l’Inauguration de l’hôtel d’entreprises tertiaire en décembre ou janvier
Les sources d’inspiration de Marie Laure ?
- Les écosystèmes entreprenants mis en place par l’association Ardelaine, en Ardèche, qui a réussi à recréer toute une filière de valorisation de la laine ou ce qu’ont réussi à réaliser les associations du Groupe Archer pour relancer l’économie autour de Romans, notamment avec les actions ‘Start’up de territoire’, en impliquant les citoyens désireux de prendre en main le développement économique du territoire sur lequel ils vivent.