Entretien / Nathalie Miel donne des couleurs au Damier

Entretien / Nathalie Miel donne des couleurs au Damier

Par Damien Caillard


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De la Coopé au Festival du Court-Métrage, la filière économique « musique et image » clermontoise peut se targuer de réussites qui dépassent largement nos frontières (auvergnates). Elle est structurée autour du Damier, association créée en 2011 sur une initiative du Transfo, et labellisée « grappe d’entreprises » par la DATAR. Depuis trois ans, c’est Nathalie Miel qui en est la directrice. Depuis son bureau à Épicentre, elle a pour mission de remettre l’entreprise adhérente au cœur du projet du Damier. Retour sur un bel exemple de « virage collaboratif » clermontois.

Quel est le rôle du Damier dans l’écosystème créatif clermontois ?

A sa naissance, le Damier était conçu comme un regroupement d’acteurs économiques travaillant dans une même filière et sur un même territoire. Il s’agit de la filière musique et image … on parle bien de toute la chaîne : des producteurs de contenus aux salles de concerts et aux festivals. En plus, les filières musique et image sont un peu sœurs : on n’a plus de musique sans image et inversement.

Nathalie s’implique particulièrement dans la mise en réseau des membres du Damier avec l’écosystème clermontois

L’idée est de créer une chaîne de compétences pour que les entreprises se positionnent collectivement sur des marchés et des projets collaboratifs. Les études préalables à la création du Damier montraient qu’il y avait de plus en plus d’acteurs économiques sur le territoire dans ces filières, mais personne dédié à la mise en réseau et au développement. C’est donc un des objectifs du Damier, avec la mise en place d’un outil d’accompagnement pour la filière.

Dans quel cadre es-tu arrivée au Damier ?

J’y suis arrivée à l’automne 2014. Ma feuille de route était de remettre l’adhérent au cœur du projet du Damier, qui est un outil collaboratif et n’existe pas sans les entreprises qui le composent. Avant cela, j’avais travaillé pendant 10 ans à Lille, Paris puis en Bretagne, dans le secteur des musiques actuelles. Ce poste au Damier a été pour moi l’occasion de revenir à Clermont. Mais il y avait un gros travail à faire sur la base-même du projet ! Par exemple, quel est notre périmètre géographique ? Faut-il élargir notre action à la future grande région, ou à la future Métropole ? « Industrie créative » ne fait-il pas plus sens que « musique et image » ?

C’est pour cela que tu as relancé la démarche participative …

Le principe était de re-poser le projet du Damier, avec les adhérents, de manière très pragmatique. Avec Emmanuelle Perrone [fondatrice d’Epicentre Factory et Vice-Présidente du Damier à l’époque], on a d’abord travaillé sur un projet de Forum Participatif : une journée de travail en janvier 2015, qui a abouti à un plan d’action pour l’année à venir. On savait que le travail de redéfinition se ferait en plusieurs étapes, mais il fallait montrer dès le début que le Damier n’existait pas sans ses adhérents.

Le plan d’action défini ensemble a été immédiatement appliqué. J’ai vu tout de suite la différence : quand tu montes une offre de service avec tes adhérents, ça marche !

Mais le grand moment était le Forum Prospectif Collaboratif : comment s’est-il passé ?

C’était la seconde étape, et en même temps le premier moment vraiment collaboratif. On a d’abord monté un groupe de travail avec certains adhérents mais aussi avec des membres de l’écosystème, pour caler l’objectif : définir la vision du Damier pour 2025. Ensuite, on a cartographié les personnes qui devaient être présentes, et défini des groupes de travail. C’était une préparation à la fois motivante et stressante : tu demandes aux invités de se mobiliser pendant deux jours plein pour se re-questionner sur le Damier … j’ai fait un gros travail de sensibilisation en amont. Mais les partenaires l’ont perçu très positivement. Le simple process du Forum Prospectif Collaboratif légitimait le Damier dans son rôle sur le territoire et dans la filière !

L’événement lui-même a très bien fonctionné, avec beaucoup d’ateliers, d’échanges, où les participants se sont réellement projetés dans l’avenir. La clé était d’avoir un moment convivial, qui donne envie de s’impliquer et de partager. Car on demande aux participants de s’engager sur une certaine ambition. Ça a vraiment été un tournant dans la vie du Damier, mais aussi le début d’une démarche. Au final, plusieurs thématiques ont émergé, qui vont structurer les projets d’activités sur un premier plan à 3 ans [2017-2019].

Quels sont ces axes structurants pour l’action du Damier ?

Aujourd’hui, notre mission est d’accompagner le développement de la filière musique et image par la production de modèles économiques innovants basés sur la mutualisation et le collaboratif. Cela passe par cinq axes : 1/ favoriser les collaborations pour que les gens se connaissent et identifient leurs compétences (à travers, notamment, une plateforme de compétences et l’accompagnement de projets d’innovation technique ou sociale importante comme Ici Aussi*) ; 2/ développer commercialement nos adhérents, en répondant à des appels d’offre, en réunissant des compétences pour des projets et en coordonnant des demandes – c’est le rôle de Michel Calvairac, qui travaille avec moi ; 3/ développer des services structurants pour les adhérents, comme des formations et des postes mutualisés en communication et en administratif ; 4/ développer la visibilité lors d’événements (avec le Court d’Ici ou le MiMA**) et via du lobbying ; 5/ enfin, animer une démarche prospective.

Pour ce dernier axe, on a monté un groupe de travail R&D rassemblant les adhérents, l’université, la Métropole, l’École d’Art, le LIMOS … la question étant : comment croiser la création artistique et la technologie.

L’évolution du Damier depuis 3 ans semble impressionnante. Comment le vis-tu personnellement ?

Je suis fière de ce choix de développement commercial, qui a été un vrai pari. Et le poste qui a été créé [avec Michel Calvairac] marche très bien. Ca aurait pu être très complexe à gérer, mais finalement c’est sain : on a des entreprises concurrentes qui collaborent sur des marchés, et j’ai l’impression que ça a dénoué quelque chose. Les adhérents jouent le jeu ! Il y a quelques années, ça n’aurait pas été possible.

Lors du Forum Prospectif Collaboratif, les participants sont amenés à se projeter dans le futur du Damier

En même temps, je suis frustrée en voyant les perspectives de développement du projet global, la qualité des entreprises … mais en n’ayant pas les moyens de porter pleinement nos ambitions. On n’est que deux permanents au Damier quand on pourrait facilement être le double, et quand je regarde d’autres territoires où il y a 10 personnes sur le cluster … je me dis qu’on pourrait mener une action encore plus structurante avec ces moyens là. J’espère que la dynamique portée par l’agence d’urbanisme via TechTown nous permettra d’être mieux perçus et qu’une vraie stratégie de développement de la filière sera possible.

TechTown, c’est le projet de réseau de villes moyennes européennes sur l’économie numérique. Comment ce projet t’aide-t-il au Damier ?

La Métropole de Clermont a thématisé son travail autour de ce réseau sur l’entrée « image et son ». Cela a été rendu possible parce que la filière est plus visible, grâce au travail de valorisation fait par le Damier et aux success stories locales. Le territoire doit se positionner sur cette filière : on prépare une candidature de Capitale Européenne de la Culture, on a un vrai vivier d’entreprises … Les discussions avec TechTown nous montrent que cette double filière peut être un marqueur identitaire fort.

Aux 5 ans du Damier, célébrés fin 2016

A ce sujet, une de mes références est Saint-Étienne, sur l’entrée design. Je pense que l’on a besoin d’incarner le projet dans des lieux. On réfléchit actuellement sur les espaces partagés, comme le projet Rue Créative [porté par Épicentre] ou le quartier République … le but serait d’avoir un pôle dédié à la filière, un espace de production mais aussi d’expérimentation et de démonstration. On se pose tous la question du lieu, à un moment de la vie d’un cluster. Pour le Damier, ce serait une étape importante de développement.

Toutes ces questions prospectives vont faire l’objet d’un hackathon que tu prépares pour 2018

Le lancement de notre nouvel axe de travail « démarches prospectives » se fera lors d’un événement dédié : un « week-end créatif » au format hackathon pour avril 2018. L’idée est de faire se rencontrer création artistique, recherche et technologie. Pendant 3 jours au pôle imagO à Cébazat, on « enfermera » artistes, chercheurs, techniciens et développeurs. Ils devront prototyper des solutions concrètes sur la thématique « nouvelles solutions pour les interactions public/artistes ». On se donne la possibilité de sélectionner un ou deux projets pour les accompagner en interne à l’issue de l’événement.

Mais l’idée de la cellule R&D est autant d’être dans le « faire » que de se rendre visible comme acteur de l’innovation dans la filière musique et image. Avec, pourquoi pas plus tard, un vrai temps de rencontre sur le sujet (colloque, ateliers professionnels …). En tous cas, le hackathon sera une sorte de lancement public … et on espère que d’autres choses en découleront.

 

*projet visant à diffuser des contenus hors des espaces scéniques classiques, et sans utiliser de flux en direct
**Marché de l’Image et de la Musique en Auvergne


Pour en savoir plus:
le site du Damier
le site du projet européen TechTown


Article basé sur les entretiens du 3 octobre à Epicentre, synthétisés et réorganisés pour des raisons de clarté, puis relu et corrigé par l’intéressé.

Crédits photo : Damier, Michel Calvairac, Fanny Reynaud, Damien Caillard

Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)

  • #RôleDamier / le Damier est une « grappe d’entreprises » créée par la DATAR en 2011, pour accompagner le développement en business et en innovation de la filière de l’image et du son sur Clermont. Nathalie en est sa directrice depuis 2014, elle est basée à Epicentre. ;
  • #FeuilleDeRoute / l’objectif de Nathalie était de remettre l’adhérent au coeur du projet du Damier, en développant fortement les démarches collaboratives. Notamment, afin de répondre aux questions de périmètres (géographique, économique …) ;
  • #Participatif / en travaillant avec Emmanuelle Perrone d’Epicentre, un Forum Participatif a été mis en place dès début 2015 : le format était assez simple, une journée de travail avec les adhérents qui a abouti à un plan d’action pour l’année ;
  • #ForumProspectifCollaboratif/ mais le vrai moment fondateur était le Forum Prospectif Collaboratif organisé pendant 2 jours plein. Il a permis aux participants (adhérents, partenaires, acteurs de l’écosystème) de définir une vision 2025 pour le Damier et des axes de développement. L’autre atout de cet événement était de légitimer le rôle du Damier dans la filière et sur le territoire ;
  • #Axes/ la mission a été positionnée sur l’accompagnement de la filière par des modèles économiques innovants, eux-mêmes basés sur le collaboratif. Les axes stratégiques sont 1/ favorisation des collaborations 2/ développement commercial 3/ services structurants 4/ visibilité 5/ démarche prospective ;
  • #Fierté/ Nathalie est particulièrement fière de la réussite de l’axe de développement commercial, notamment grâce à l’action de Michel Calvairac, « business developer » qui l’a rejointe à Epicentre. Mais elle souhaiterait que l’équipe puisse s’étoffer pour ne pas brider l’action du Damier ;
  • #TechTown/ la démarche TechTown, pour laquelle la Métropole candidate dans le domaine « musique et image », a permis de légitimer le rôle de « marqueur identitaire » de cette filière. Cela pousse le Damier à réfléchir activement sur l’implantation dans un local dédié pour accueillir, produire et expérimenter.
  • #Hackathon/ prochaine étape : un hackathon organisé en avril 2018 réunissant artistes, chercheurs et développeurs au pôle Imago. Le but est de produire en un week-end des prototypes sur la thématique « nouvelles solutions pour les interactions public/artistes ».

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.