Par Pauline Rivière
Elle est jeune et passionnée par le champ des possibilités qu’offre le numérique pour répondre aux enjeux dans le domaine de la santé. Chercheuse et investie dans nombre d’initiatives pour donner plus de visibilité aux chercheurs, Ludivine Paris nous parle du monde de la recherche et de ses rapports avec l’écosystème de l’innovation.
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Ludivine, tu as terminé ta thèse et tu travailles actuellement à Chicoutimi au Québec. Peux tu nous parler un peu de ton parcours et du sujet que tu as traité en tant que doctorante à Clermont-Ferrand.
J’ai 29 ans, je suis originaire de Bretagne et je suis arrivée en 2011 à Clermont-Ferrand pour effectuer un Master Recherche en Nutrition Humaine et Santé. Au cours de ma thèse j’ai travaillé sur l’efficacité des outils numériques comme moyen de promotion de l’activité physique à destination des personnes atteintes de maladies chroniques.
Pour faire simple, on sait que l’activité physique est un facteur clé dans la prévention et dans le traitement ce type de pathologies et le but est de mettre ou remettre les patients à l’activité physique afin d’améliorer leur santé et leur qualité de vie.
Le second enjeu c’est de changer les comportements de manière pérenne afin que les patients modifient réellement leurs habitudes de vie. Les podomètres, les bracelets connectés, les Smartphones et les applications sont devenus des objets du quotidien qui ouvrent un champ de possibilités pour apporter des conseils et des retours d’informations pour rendre les patients acteurs de leurs traitements et de leur santé.
Mais donc dans le cadre de tes recherches tu développes des outils ou tu étudies leur pertinence ?
Lors de ma thèse, grâce à une bourse CIFRE, j’ai travaillé avec Biomouv, une startup spécialisée dans le développement d’outils numériques pour accompagner les patients. J’ai été missionnée pour valider l’outil et vérifier son efficacité. Par le passé j’ai également contribué à valider l’application WellBeNet qui permet de quantifier l’activité physique quotidienne, l’équilibre alimentaire et les émotions.
Un autre volet de la recherche était de comprendre pourquoi dans certains cas l’intervention n’était pas efficace. Quelles pouvaient être les raisons qui expliquaient cela. On a étudié les facteurs en amont, intentionnels et motivationnels, les profils comportementaux, on a analysé les aspects psychologiques qui pouvaient influencer les pratiques.
les Smartphones et les applications sont devenus des objets du quotidien qui ouvrent un champ de possibilités pour apporter des conseils et des retours d’informations pour rendre les patients acteurs de leurs traitements et de leur santé.
Comment se passe une collaboration chercheur-startup ?
C’est grâce à une collaboratrice de l’INRA et du CHU Gabriel Montpied qui travaillait déjà avec Biomouv que j’ai appris qu’ils cherchaient à mettre en place une équipe pour effectuer des recherches cliniques. Une fois le projet validé j’ai été mise à disposition par l’INRA, pour travailler avec Biomouv en effectuant des allers-retours à Paris en fonction des besoins.
Pourquoi cette entreprise a-t-ell fait appel à des chercheurs auvergnats ? Il doit bien y avoir des possibilités en Ile de France ?
L’étude se faisait avec neuf stations thermales dont certaines en Auvergne ou autour, ce qui présentait un avantage notable, de plus le dirigeant de Biomouv est d’origine auvergnate avec un attachement au territoire.
Le champ des possibilités en recherche est vaste pourquoi es-tu allée sur le digital ?
Mon parcours universitaire a toujours mêlé nutrition humaine et activité physique. Une de mes directrices de thèse travaillait sur le développement d’une application mobile pour quantifier les activités physiques du quotidien comme monter un étage à pied, aller chercher un café etc…
C’est là que j’ai fait le premier plongeon dans le numérique et ça m’a beaucoup plus. J’ai pu m’intéresser à la vie des participants, à leur contexte personnel, pour comprendre ce qui les empêche réellement d’être actifs.
Aujourd’hui tu es au Canada, pour y faire quoi ?
Je suis en contrat post-doctoral à Chicoutimi au Québec. J’ai été contacté via le site de l’association Bernard Grégory par un professeur qui n’avait plus le temps nécessaire pour encadrer les étudiants en recherche. Ma spécialisation activité physique et santé les a intéressés dans un premier temps, et surtout c’est ma démarche scientifique en recherche clinique qui a été le facteur clé. Je suis là bas depuis le mois de février et resterai au minimum jusqu’au mois d’Août.
Quand on est chercheur est-ce que ça veut nécessairement dire que l’on va vouer sa vie à la recherche ou peut-on envisager d’intégrer une entreprise traditionnelle ou une startup?
C’était d’ailleurs la mission première de l’association Doct’Auvergne dont tu étais présidente il y a encore très peu de temps : L’employabilité des chercheurs après leur thèse.
Globalement le contact entre le monde de la recherche et les entreprises est assez délicat. Les chercheurs et le monde privé ne sont pas toujours sur les mêmes réflexions même si au départ les attentes peuvent être similaires.
Une conclusion positive ou négative est un résultat intéressant en soi pour un chercheur, alors que dans le privé on va plutôt chercher une validation d’un produit ou d’un service. La communication est essentielle dans ce type de collaboration.
Mais aujourd’hui ça va de mieux en mieux, notamment grâce aux bourses CIFRE et au Crédit Impôt Recherche qui incitent les doctorants à se rapprocher des startups et des entreprises ou inversement.
Ensuite pour intégrer une entreprise après un doctorat ça va beaucoup dépendre du domaine mais aussi de la personnalité du chercheur. Un docteur en informatique par exemple aura plus de facilités.
…grâce aux bourses CIFRE et au Crédit Impôt Recherche qui incitent les doctorants à se rapprocher des startups et des entreprises ou inversement.
Parallèlement à tes activités de recherche tu es très investie au niveau associatif, avec Doct’Auvergne mais aussi en tant que coordinatrice du festival Pint of Science qui a lieu la semaine prochaine. Qu’est-ce qui tu pousses à t’engager?
Au début de ma thèse j’ai travaillé avec un des fondateurs de Doct’Auvergne, l’associatif était un univers que je ne connaissais pas, je me suis prise au jeu et je suis devenue la Présidente de l’association. Organiser des évènements, participer à des colloques ou des émissions de radio, je voulais également faire en sorte que la thèse des doctorants se passe au mieux.
Quant à Pint of science, c’est un festival international de médiation scientifique né en 2012 en Angleterre. Ça s’est vite exporté en France dès 2014, et depuis, le nombre de villes participantes ne cesse d’augmenter.
Pour Clermont-Ferrand j’ai contacté le référent national pour développer l’événement, car je trouvais très sympa le principe de réunir les chercheurs avec le grand public dans un cadre détendu et convivial qui incite à l’échange sans pression. Pour cette édition nous sommes douze personnes pour coordonner les différentes interventions qui auront lieu dans 3 bars de la ville.
Comment choisissez-vous les sujets ?
On s’inspire de l’actualité, mais c’est aussi en fonction des contacts que l’on peut avoir avec les nouveaux doctorants où les chercheurs qui arrivent sur un projet. Ca nous permet de les intégrer facilement à travers un évènement fédérateur.
L’université a été labellisée CAP 20-25 avec des axes stratégique notamment le challenge mobilité tout au long de la vie. Est-ce que cette accréditation facilite l’émergence de sujets de recherches ou de projets pour les chercheurs, les entreprises ? Par exemple, dans ton cas est-ce que tu envisages de retourner en Auvergne après le Québec pour poursuivre tes recherches ?
Je vais chercher en priorité sur Clermont-Ferrand et bien sûr que la labellisation est une force pour nos territoires. Certains ont une crainte de voir la recherche être aspirée par Lyon, alors que finalement à Clermont-Ferrand, à une plus petite échelle, nous sommes tout aussi performants. Je ne pense pas qu’il faille avoir peur de Lyon, à Clermont-Ferrand il existe une belle dynamique dont nous pouvons être fiers.
Certains ont une crainte de voir la recherche être aspirée par Lyon, alors que finalement à Clermont-Ferrand, à une plus petite échelle, nous sommes tout aussi performants.
Personnellement, je vais plutôt m’orienter sur de la recherche-clinique, j’aimerais idéalement intégrer le CHU, mais je ne supprime pas l’idée de retravailler à l’INRA ou dans un autre labo en gardant un lien avec la santé.
A ton avis quels sont les enjeux majeurs de la prochaine décennie en matière de santé-mobilité ?
Ca sera surtout d’optimiser la prévention auprès de la population générale. Le meilleur traitement des maladies c’est la prévention. Aujourd’hui un très grand nombre de maladies sont liées à nos modes de vie. Pour moi l’important c’est de trouver des solutions pour les impacter. Il faut que chacun prenne conscience des comportements sains et de l’importance de la mise en application de ceux-ci.
On entend souvent les gens dirent qu’ils n’ont pas le temps de faire du sport, pas les moyens de payer un abonnement, ils font donc trouver des solutions pour remédier à ces freins.
Quel est ton lien avec l’écosystème de l’innovation en dehors de la start-up avec laquelle tu as collaboré ?
Avec Doct’auvergne nous avons beaucoup collaboré avec Astusciences notamment par le biais d’Elodie Blandin. C’est d’ailleurs elle qui a repris l’organisation de Pint of science pendant mon absence et j’en profite pour lui faire un petit clin d’œil et la remercier pour son investissement.
C’est notre partenaire principal pour tous les projets de médiation scientifique. Chaque projet engage des collaborations spécifiques comme avec Radio Campus, le Pôle 22bis ou encore Ekodrone pour la réalisation de la série « les chercheurs se mettent à nus ».
Je ne peux pas conclure cette réponse sans mentionner l’Université Clermont-Auvergne qui nous soutient dans nos actions et dans toutes nos démarches. On a d’ailleurs signé une convention partenariale avec eux pour pouvoir mieux travailler, et avoir des projets pertinents au regard du grand public, des doctorants et des docteurs.
Pour en savoir plus :
Toutes les thèses des cinq écoles doctorales de Clermont-Ferrand ici
Entretien réalisé le mardi 14 mai par Pauline Rivière
Crédit photo : Ludivine Paris
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #Thèse – Ludivine Paris a travaillé sur l’efficacité des outils numériques comme moyen de promotion de l’activité physique à destination des personnes atteintes de maladies chroniques. Comment changer les comportements de manière pérenne afin que les patients modifient réellement leur habitudes de vie.
- #Collaboration – Grâce à une bourse CIFRE, Ludivine Paris a pu travailler avec Biomouv, une startup spécialisée dans le développement d’outils numériques pour accompagner les patients (ndlr : le dirigeant est originaire de Clermont-Ferrand). Elle a été mise à disposition par son laboratoire à l’INRA.
- #Employabilité – Globalement le contact entre le monde de la recherche et les entreprises est assez délicat. Les chercheurs et le monde privé ne sont pas toujours sur les mêmes réflexions même si au départ les attentes peuvent être similaires. Il y a de plus grandes facilités dans certains domaines comme l’informatique
- #Doct’Auvergne – Présidente de l’association qui a pour vocation de faciliter l’intégration des nouveaux doctorants et de proposer des projets de médiation scientifique
- #PintOfScience – un évènement international coordonné par Ludivine et 11 autres personnes. Faire découvrir des travaux de recherches dans un cadre informel et convivial à destination du grand public.
- #CAP-2025 – Ce label est une opportunité pour le territoire qui montre le dynamisme du monde de la recherche à Clermont-Ferrand. Il ne faut pas être effrayé par le risque d’aspiration des chercheurs par la métropole lyonnaise.
- #EnjeuSanté – La prévention va être l’enjeu majeur des prochaines décennies. Aujourd’hui on connait les comportements à risque mais il existe encore de nombreux freins psychologiques, organisationnels, financiers pour adopter un mode de vie plus sain.
- #Ecosystème – Ludivine collabore principalement avec Astusciences sur les projets de médiation scientifique et de manière plus ponctuelle avec Radio Campus, Pôle 22 bis, Ekodrone.