Dans le cadre de la journée thématique organisée par le Think Tank « Nouvelles Ruralités« , Laurent Rieutort a introduit le cadre des débats à travers une intervention sur «Les défis de la mobilité face à la diversité des trajectoires dans les territoires»
Retrouvez l’intégralité de ses propos en vidéo ainsi qu’un résumé ci-après
Laurent Rieutort est agrégé de géographie, professeur à l’Université de Clermont Auvergne (UCA) et directeur de l’institut d’Auvergne du Développement des territoires (IADT)
Compte-rendu de l’intervention
Introduction
Il apparaît pertinent pour Laurent Rieutort d’insister sur le caractère multipôle de la notion de mobilité. On parle de flux, d’espaces urbains, périurbains, de campagnes… La mobilité est un thème aussi vaste que le territoire est morcelé. Aborder le sujet par le prisme des territoires peu denses permet de soulever la question des mobilités dans les zones reculées, enclavées, parfois même oubliées. Il permet également de faire la lumière sur les clichés qui caractérisent bien souvent ces espaces.
Contextualiser les zones peu denses
Oui, initiatives et innovations existent bel et bien au sein de ces territoires. “Il faut que l’on change le logiciel de penser qui nous pousse à identifier ces territoires comme condamnés dans le vieillissement, l’abandon…”. En d’autres termes, il faut s’écarter de cette tendance à la culture intensive de la fragilité.
L’introduction du dernier rapport de la Cour des Comptes sur l’accès aux services publics dans les territoires ruraux heurte Laurent Rieutort. D’un point de vue géographique les territoires ruraux sont le plus souvent non desservis par les grandes infrastructures de transports. La densité de population y est faible, avec une proportion élevée de personnes âgées. Ces territoires font face à un relatif déclin économique et une faible attractivité.
Laurent Rieutort ne nie pas la fragilité ambiante de ces territoires mais conteste les idées de non attractivité et de déclins économiques. Rappelons simplement le contexte… Les communes peu ou très peu denses représentent pas moins de 90% de notre territoire national, 35% de notre population et plus de 21% des emplois ou lieux de travail. L’enjeu au niveau de l’aménagement dans ces territoires est incontestable.
Pour bien comprendre les enjeux de mobilité dans les territoires peu denses, il est primordial de catégoriser les typologies de territoires existants. Selon ces différents types de ruralité, les enjeux de mobilités sont fondamentalement différents. On note la coexistence des:
- Communes peu denses en périphérie immédiate des aires urbaines (27% de la population française)
- Communes peu denses éloignées des pôles urbains: petites villes et bourgs centres
- Communes très peu denses en deuxième couronne des aires urbaines.
- Communes très peu denses éloignées des pôles urbains: le rural isolé.
Les ruralités sont globalement en croissance démographique depuis les années 90. Un ralentissement s’est opéré depuis 2008, mais le solde migratoire parle de lui même. Les communes denses deviennent répulsives et le solde migratoire devient positif dans les zones peu denses. Peut-on encore parler de faible attractivité?
Si l’on se penche du côté des dynamiques territoriales, la diversité est de mise. Entre mobilité résidentielle et pendulaire, on ne peut s’interroger sur les mobilités en zones peu denses sans se pencher sur la question de leurs relations avec les zones dites denses.
Les dynamiques d’emplois dans les zones peu denses se diversifient. On note un gain plus fort d’emploi dans les zones peu denses que dans les zones denses. Nos campagnes auraient mieux résisté à la crise de 2008 que les zones denses. “Tout n’est pas négatif et je plaide en faveur de l’identification des tendances positives des dynamiques de ces territoires”.
Entre diversité et approche complexe de la mobilité
- En zone peu dense, la faible densité n’est pas corrélés avec de fables besoin de mobilité. Les dynamiques récentes évoquées ci-dessus soulèvent de réels besoins, notamment au niveau des pratiques sociales.
- La diversité des mobilités est notable, et se couple avec une idée d’éparpillement des lieux fréquentés.
- L’enjeux de temporalité est tout aussi important. Il faut induire les mobilités des communes peu denses dans les grands enjeux de société que l’on connaît bien, comme l’environnement, la numérisation… Les réalités observées doivent s’inscrire dans le futur, y compris dans les zones peu denses pour que les mobilités soient pérennes, au même titre que dans nos villes.
- La diversité des ruralités induit une diversité des mobilités engagées dans l’évolution des territoires. Il faut lutter contre l’immobilité chronique de certains, tout en prenant en compte de l’éventuelle satisfaction des ménages de leur situation dans ces zones même zones.
- Le thème de la mobilité en zone peu dense est à appréhender suivant toute sa complexité. En se basant sur l’offre, on met en lumière les innovations techniques et organisationnelles des territoires, mais aussi leurs faiblesses.
La demande elle, se réfère aux pratiques et à la réalité concrète des territoires. Cette approche pose la question de la réévaluation des déplacements individuels, collectifs, vers les emplois, la culture… Il faut se pencher sur le comportement des usagers, qui souvent, n’ont pas les mêmes habitudes que les citadins, bien que leurs désirs parfois se ressemblent.
Conclusion
Le système de mobilité en zone peu dense est complexe. Il existe autant de mobilité que de typologie de territoires. Ces espaces représentent 90% du territoire national. Se pencher sur les comportements des usagers potentiels se révèle comme étant le meilleur moyen d’envisager des mobilités durables, pérennes, et adapter au plus grand nombre. Les enjeux sont différents suivant la densité de population des espaces, mais les orientations durables des flux de populations et des transports s’inscrivent sous la coupole d’enjeux sociétaux communs. En territoire peu dense, l’ingénierie est nécessaire, tout autant que la caractérisation de ses ménages. Des études approfondies doivent être réalisées afin de minimiser les effets de fractures et faire place à un terrains propre à l’évolution. L’innovation, des changements et des alternatives foisonnent, mais se développent en parallèle d’une évolution lente des consciences parfois conservatrices.