Par Damien Caillard
La Manufacture des Tabacs était un grand bâtiment industriel près de la gare de Riom, à l’abandon depuis des décennies. Volumes immenses, hautes fenêtres, cheminée de briques rouges, fourneaux en fonte, cet ancien creuset d’activité a inspiré une personne très particulière : Olivier Agid, peintre, plasticien, architecte. De Paris au Havre, de Singapour à Detroit, Olivier a toujours questionné et travaillé sur la notion d’image, à la fois celle produite par l’artiste mais surtout celle que nous renvoyons aux autres, et que nous avons de nous-mêmes. A Riom, il ambitionne d’ouvrir un tiers-lieu dédié aux mutations de l’environnement urbain et territorial, via un travail collaboratif et ouvert.
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L’image de la société et des territoires
Né en 1951, Olivier Agid s’est orienté dès ses études sur la question de l’image. Après une thèse intitulée « Acte image, arts éthiques« , il travaille sur plusieurs environnements urbains et universitaires, principalement entre Paris, le Havre et Clermont. Il y monte plusieurs laboratoires expérientiels, notamment Cité Images et Laboratoire Muséal au Havre. »Ce qui m’intéresse, c’est ce que génère la société, et en particulier le monde industriel » précise-t-il. Il a également organisé une mise en lumière et en image d’un site EDF à Vitry (banlieue parisienne) en 1995, avec une ouverture au public:
Il découvre Clermont dans les années 1990 et y vis – en parallèle de Paris – à partir de 1995. Les laboratoires s’y poursuivent avec Plateaux Web dès 2004 « qui interrogent la dynamique des comportements: pourquoi les gens se rencontrent, quels sont leurs systèmes d’échanges dans la société » – avec une extension à Thiers, « Matrice d’Entraygues » en 2006.
Mais Clermont et son territoire sont surtout le lieu de développement du projet central d’Olivier Agid, baptisé Acte Image et mené depuis 30 ans. Le principe: « comment transcrire les données de notre environnement habité par un système d’écriture en image« . C’est un projet ouvert à tout le monde, à la fois philosophique, sociétal et pratique. Denis Tessier, ancien directeur de Engie Auvergne, avait adhéré à cette approche dès sa rencontre avec Olivier Agid: « Il travaille sur l’image au sens pictural, pour alimenter ses travaux artistiques; mais aussi sur la perception, l’image qu’on peut avoir de nous, et celle qu’on véhicule sur d’autres territoires, au sens économique, sociologique, etc. »
« [Olivier travaille sur] l’image qu’on peut avoir de nous, et celle qu’on véhicule sur d’autres territoires » – Denis Tessier
Acte Image, c’est donc un moyen de donner du sens à la production artistique d’images – qu’elles soient issues de la photo, de la peinture, ou du multimédia. Benjamin Laville est un artiste visuel travaillant avec Olivier Agid: « Ce qui m’a intéressé c’est de trouver une utilité à ces images, une interprétation, un sens. » estime-t-il. « C’est une position décalée et originale qui m’a plu. »
Transformer la Manufacture des Tabacs de Riom
En 2013, Olivier Agid fait l’acquisition de ce bâtiment industriel abandonné. Il le fait dans la suite logique d’Acte Image: « le but ici est de réunir des personnes qui ne vont a priori pas ensemble, dans l’opération. Je peux construire une synthèse questionnante avec ces personnes, via des tableaux, des créations multimédia, des objets industriels, qui mettent en valeur les aspects positifs de ces secteurs d’activité. » L’objectif est de créer ici un tiers-lieu à vocation à la fois artistique et économique, ouvert sur le territoire et ses acteurs. « Ce ne sera pas un autre Epicentre, car Olivier Agid est un artiste porté par une vision très forte » estime Emmanuelle Perrone, directrice d’Epicentre Factory. « Là où on est sur du coworking, du numérique, de l’entrepreneuriat assez classique, lui sera sur un projet beaucoup plus atypique, avec des métiers plus pointus qui seront alignés sur sa vision. »
Après plusieurs années de travail sur le site riomois avec l’architecte Jérémy Amouroux (basé à Paris mais originaire de Châtel-Guyon), la Manufacture des Tabacs « Acte Image » ouvrira par étapes dans les mois qui viennent, après un événement inaugural le 3 juin. On y trouvera, sur plusieurs niveaux :
- un show-room, « espace de synthèse et d’étude » selon Olivier Agid, « qui permettra de faire des expos, des réceptions, des réunions, de recevoir les gens pour travailler de façon agréable dans un espace sonore et visuel. » En lien avec les projets du plasticien, le show-room sera aussi un lieu pour en discuter. [vr url=https://leconnecteur.org/wp-content/uploads/2017/05/show-room-1-Copier.jpg view=360][vr url=https://leconnecteur.org/wp-content/uploads/2017/05/show-room-2.jpg view=360]
- un espace d’archives « actives » dans les bureaux de Acte Image. Actives, dans le sens « utilisables pour de nouvelles expériences, et mises en place pour notamment une utilisation universitaire: chercheurs, créateurs » [vr url=https://leconnecteur.org/wp-content/uploads/2017/05/collaboratif-Copier.jpg view=360]
- un espace collaboratif, qui pourrait se rapprocher du coworking. Le but est de « mélanger les gens de l’entreprise, les artistes, les chercheurs » pour Olivier Agid. « J’aimerais collaborer avec des représentants de secteurs d’activité pour produire un travail sur leur propre identité, par l’image – et cela passera par une observation approfondie de ces secteurs. » [vr url=https://leconnecteur.org/wp-content/uploads/2017/05/R0010010_20170519112834-Copier.jpg view=360]
- enfin, un espace de montage et de production plastique, picturale, multimédia, sonore, incluant des résidences d’artistes et des formations. « Il faut le voir comme une formation à la coordination, à la créativité, au travail collaboratif » précise Benjamin Laville. [vr url=https://leconnecteur.org/wp-content/uploads/2017/05/atelier-Copier.jpg view=360]
Un miroir de notre image
Pour le collaborateur d’Olivier Agid, c’est l’inattendu qui peut faire le succès de ce lieu. Selon lui, « L’originalité de ce qui se fait ici, c’est mettre en scène des lieux dont on n’a pas l’habitude, qu’on n’a même pas envie de mettre en avant. C’est ce qui est intéressant et pertinent. C’est aussi la manière de montrer des objets, ou des activités de façon décalée et originale. »
Ce décalage produit et recherché au sein d’un travail sur l’image, c’est un peu l’effet miroir: Acte Image à Riom permettra de nous observer et de réfléchir sur nous-mêmes, dans le cadre du territoire et de notre activité. Sophie Canelli, responsable de Logehab Mobilité, a connu Olivier Agid au Conseil de Développement du Grand Clermont. « C’est une réflexion sur notre positionnement, et la place que nous avons au sein de l’entreprise. Passer par ce lieu est un moyen de transition pour accepter des changements et mieux les mettre en œuvre. Le lendemain, on retourne au bureau avec un regard différent sur son activité. »
Le territoire clermontois élargi a bien été le terreau de ce projet. Grâce à des rencontres de personnes comme Denis Tessier ou Rachid Kander (directeur général de la S.E.A.U., ancien directeur de l’Agence d’Urbanisme) qui ont soutenu Olivier Agid, mais aussi de par la configuration du territoire: « Je le vois comme une mini mégapole, comme un territoire d’expérience » estime le plasticien. « Ici [à Riom] c’est le bureau, mais l’atelier c’est tout le territoire, et même tout le Massif Central.« . L’originalité du site a d’ailleurs poussé Olivier Agid à observer Clermont depuis des villes comme Detroit ou Singapour !
« Ici c’est le bureau, mais l’atelier c’est tout le territoire, et même le Massif Central » – Olivier Agid
Denis Tessier confirme cette focalisation sur notre ville, qui lui a beaucoup plu: « Beaucoup des travaux [d’Olivier Agid] montrent la place de Clermont dans le monde. Il dit (…) que, si on veut avoir un développement équilibré, il faut associer tous les secteurs et en faire une richesse: ville, nature, société, économie. Le Conseil de Développement regroupe une diversité d’acteurs du public, du privé, du monde universitaire … ça favorise les rencontres, et le projet d’Olivier s’y est enrichi. » Même si nous n’en sommes qu’aux prémices pour Emmanuelle Perrone: « Le pari est de voir comment construire avec Riom puis avec la métropole quelque chose qui se réponde. Ce genre de projets se construisent avec les villes et les collectivités … et cela peut prendre du temps. Mais c’est un beau projet pour le territoire. »
En savoir plus sur l’événement inaugural du 3 juin dans l’agenda du Connecteur
Les photos prises lors de notre reportage, avec notre partenaire hébergeur Families: