La CRESS a pour mission d’appuyer le développement de l’ensemble des acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire sur les territoires. La CRESS AURA est partenaire du 1er Forum de l’ESS organisé par Riom Limagne et Volcans le 24 et 25 mars prochain. Abba Diourte, dans cet entretien, nous expose les opportunités que représente le développement de l’ESS dans les territoires.
Avant d’échanger sur le rôle de l’Economie Sociale et Solidaire dans l’avenir de nos territoires, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après un bac scientifique, j’ai poursuivi mes études en STAPS, puis avec un master en management stratégique, spécialisation entrepreneuriat et innovation à l’IAE de Clermont-Ferrand. Pendant toute la durée de mes études, je me suis investi dans le tissu associatif, notamment en créant le pôle « innovation sociale » au BDE STAPS. J’ai également monté un projet entrepreneurial “Loisirs Enfants” grâce à Clermont Auvergne PEPITE qui propose des parcours d’accompagnement aux étudiants-entrepreneurs.
D’ailleurs, après mes études, j’ai intégré Clermont Auvergne PEPITE, comme chargé de sensibilisation à l’entrepreneuriat pour les étudiants de l’UCA. J’ai toujours été sensible aux questions de luttes contre les inégalités et quand l’opportunité de rejoindre la CRESS comme chargé de mission développement économique et territorial s’est présentée, je n’ai pas hésité.
Pouvez-vous nous présenter la CRESS et, par extension, définir ce qu’est l’Économie Sociale et Solidaire ?
La CRESS est une association loi 1901 reconnue par la loi pour représenter, outiller et appuyer le développement de l’ensemble des organisations et entreprises de l’ESS en France, soit près de 30 000 établissements employeurs dans notre région. On trouve une CRESS par région et ESS France coordonne au niveau national les actions des antennes régionales.
L’ESS est définie par une loi de 2014 relative à l’Economie Sociale et Solidaire comme un mode d’entreprendre et de développement économique spécifique. Cette loi réaffirme que les organisations de l’ESS sont de véritables acteurs du développement économique. Elle donne pour la première fois en France une définition légale de l’ESS rassemblant les quatre statuts dits historiques : les associations, les coopératives, les mutuelles, et les fondations. Cette loi permet également aux sociétés commerciales non coopératives de se réclamer de l’ESS si elles adhèrent aux principes statutaires de l’ESS qui sont : Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices, Une gouvernance démocratique, Une lucrativité limitée ou une rentabilité mise au service de la finalité sociale.
Quelles sont les missions de la CRESS ?
Notre première mission est de représenter, fédérer et animer ce réseau pour faire naître des coopérations et créer des connexions. La CRESS aspire à devenir un véritable laboratoire où s’inventent de nouveaux écosystèmes économiques et les solutions aux enjeux de demain. Mais la CRESS est aussi et avant tout l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics – services de l’Etat et collectivités territoriales. L’ESS agit comme un levier à de nombreuses politiques locales en lien avec la création de services de proximité et d’emplois pérennes et non délocalisables.
De mon côté, en tant que chargé de développement économique et territorial pour le département du Puy de Dôme et l’Allier, j’assure une fonction de porte d’entrée de l’ESS sur ces deux périmètres en lien avec les organisations de l’ESS locales. Mon rôle est d’accueillir les porteurs de projets de l’ESS et de développer les dynamiques territoriales.
Vous êtes partenaires du 1er forum de l’Economie Sociale et Solidaire de RLV. Du point de vue de la CRESS, quels sont les enjeux et les objectifs de cet événement ?
Ce qui nous semble particulièrement intéressant dans cette démarche, c’est la volonté de réunir l’ensemble des organisations de l’ESS, les partenaires institutionnels et les entreprises locales hors ESS. Ces deux matinées sont l’occasion pour chacun de se retrouver autour des besoins du territoire et d’apprendre à se connaître afin de tisser des nouveaux liens de coopération. C’est d’ailleurs pour cela que nous proposons le vendredi des Ess’presso, des “speed meeting” entre entreprises locales de l’ESS de l’ESS et hors ESS.
Le deuxième objectif est de sortir des idées préconçues que certains peuvent avoir sur l’ESS. Les acteurs de l’ESS ne sont pas toutes des petites structures militantes anticapitalistes. En Auvergne, par exemple, nous avons l’ADAPEI et VVF qui emploient en France des milliers de personnes.
Si ce forum existe, c’est parce qu’aujourd’hui les collectivités et les entreprises classiques font encore peu appel aux acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire pour répondre à leurs besoins. Pourquoi est-ce le cas, et qu’auraient-elles à y gagner ?
D’un côté, les acteurs de l’ESS sont souvent mal identifiés sur les territoires, et par conséquent, les liens ne peuvent pas se créer. De l’autre, de plus en plus d’entreprises et de collectivités s’inscrivent dans des démarches RSE poussées sans nécessairement faire appel à l’ESS.
Travailler avec les organisations et entreprises de l’ESS, c’est affirmer sa volonté de s’ancrer sur le territoire. En effet, les solutions apportées par l’ESS sont taillées sur mesure pour leur territoire. Elles sont adaptées au contexte local.
Comme on connaît mal l’ESS, on la réduit souvent à certains secteurs comme le handicap ou l’insertion professionnelle, or, c’est bien plus large que cela. L’ESS est présente dans tous les domaines de votre quotidien en réalité : magasins de produits alimentaires, clubs de sports, compagnie de théâtre, de danse, de musique, inclusion socioprofessionnelle, crèche, centre de loisirs, recyclerie / ressourcerie, covoiturage, centres dentaires, accompagnement à la gestion d’entreprise, village vacances, logiciels et services numériques, etc.
Finalement, ce que l’on veut porter comme message auprès des entreprises du territoire est le suivant : Si vous êtes sensibles aux enjeux sociétaux et environnementaux, la prochaine fois que vous aurez besoin d’un service ou d’un produit, posez-vous la question “Est-ce qu’il n’y aurait pas un acteur de l’ESS sur mon territoire qui pourrait répondre à ma demande ?”
Quelles sont les menaces qui pèsent sur l’Economie Sociale et Solidaire en 2023?
Une grande partie des structures de l’ESS sont sous forme associative. Elles reposent souvent sur un modèle économique hybride qui s’appuie à la fois sur des aides publiques et des financements en propre.
L’enjeu est de développer davantage leur capacité à générer du chiffre d’affaires pour limiter leur dépendance aux aides publiques. Il faut encourager l’indépendance financière de ces acteurs afin qu’ils puissent continuer de mener leurs actions dans un contexte de diminution constante des subventions.
Une structure de l’ESS est avant toute chose un acteur économique et ce n’est pas un gros mot. L’argent reste le nerf de la guerre, mais c’est la finalité qui change. En effet, si une structure de l’ESS génère des millions d’euros de chiffre d’affaires, elle va réinvestir une grande partie de ses bénéfices dans sa recherche d’utilité sociale et environnementale car c’est son objet principal.
Et les opportunités ?
On est en plein dedans. On en parle tous les jours. Nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience de la pertinence de regarder ce qui se trouve à proximité pour répondre à nos besoins. Et si on fait cet effort, on trouve l’ESS bien ancrée sur son territoire.
Pour vous, l’ESS ce n’est pas qu’une question de BtoB, l’enjeu est aussi citoyen…
Oui, le citoyen est le premier bénéficiaire de l’ESS. Aujourd’hui, il est presque possible de vivre complètement ESS, et ce, au quotidien. L’enjeu est de conscientiser l’acte d’achat, parce que tous les produits et les services ne se valent pas. Quand on achète quelque chose, on fait un choix, même s’il est inconscient. Aujourd’hui, en choisissant de privilégier l’ESS dans notre vie quotidienne ou dans notre entreprise, on soutient celles et ceux qui contribuent à créer de la valeur sur le territoire et pour le territoire. C’est absolument essentiel.
Faisons un peu de prospective. Nous sommes en 2063 à quoi ressemblerait un territoire où l’Économie Sociale et Solidaire aurait toute sa place ?
En 2063, j’imagine un territoire totalement résilient. Pour ce faire, cela passera en grande partie par les acteurs de l’ESS. En 2063, les citoyens, les entreprises et les collectivités voudront toujours plus de local et de proximité. Ce n’est pas évident de se projeter si loin dans un monde si incertain, mais j’espère que nous serons sur ce chemin.
C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?
J’aimerais que cet événement puisse servir de tremplin pour RLV et également aux acteurs du territoire pour initier une dynamique territoriale positive en faveur de l’ESS. Que ces deux jours permettent de faire germer de nouvelles idées et de nouvelles initiatives. Ce forum est l’occasion de nous rassembler. C’est une première étape. J’espère qu’ensuite, nous pourrons continuer d’avancer ensemble pour construire des territoires plus résilients et solidaires !