Par Damien Caillard
et Cindy Pappalardo-Roy
C’est un petit robot virtuel qui fait parler de lui sur Clermont : Opla est un exemple d’intelligence artificielle mise au service des entreprises, par l’intermédiaire d’un « chatbot », une interface conversationnelle en ligne. Mik Bry et Marie Dorange en sont les fondateurs, et dirigent maintenant leur entreprise depuis le Bivouac. Leurs personnalités et leurs compétences complémentaires ont permis le développement constant de leur projet, qui touche maintenant plusieurs grandes entreprises et de nombreux clients pro.
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Tout d’abord, c’est quoi, un chatbot ?
Marie : Un chatbot, c’est un robot virtuel qui aide l’humain à réaliser des tâches complexes, à manipuler une grande quantité de données par exemple. Il vient assister une personne. On a vu Opla comme ça, quelque chose qui facilite la vie. Pour aider les humains, dans tout ce qu’ils n’aiment pas faire. On est centrés sur l’humain.
Un chatbot est un robot virtuel qui aide l’humain à réaliser des tâches complexes.
Mik : Je préfère le terme d’assistant virtuel. Opla, c’est le nom d’un chien de berger, d’un border collie – Ce sont de fantastiques assistants pour leur maître : intelligents, travailleurs, et toujours prêts.
Comment en êtes-vous venus à travailler ensemble ?
Marie : On s’est rencontrés pour le travail, il y a cinq ans. J’étais designer et Mik avait son entreprise de développement informatique. Et on a rapidement travaillé tout le temps ensemble ! Nos deux personnalités sont très complémentaires et fonctionnent bien.
Mik : J’ai longtemps travaillé dans le monde des startups. Notre complémentarité est à géométrie variable, Marie est souvent plus communicante.
D’où vous est venue l’idée de créer Opla ?
Marie : Dans mon métier d’avant, on s’est rendu compte qu’il y avait besoin de plein d’assistants. Opla, c’est un logiciel de création de chatbot. Tu crées du contenu, tu le mets dans le logiciel, et ça génère un chatbot que tu peux mettre sur ton site.
Au départ, on voulait automatiser la création de site web ; l’idée c’est de créer des interfaces transparentes.
Mik : Au départ, on voulait automatiser la création de site web. L’idée c’est de créer des interfaces transparentes : on n’a plus d’interface graphique, on discute directement avec la machine qui doit comprendre le langage naturel. Elle n’impose pas sa vision mais s’adapte au langage des humains. On passe actuellement par les sites web et les systèmes de messagerie instantanée pour discuter avec les chatbots créés par Opla. Par la suite, ce sera une discussion comme ce qu’on fait maintenant. Notre optique, c’est d’aider les travailleurs en automatisant les tâches récurrentes et rébarbatives.
Vous êtes vraiment spécialisés sur le sujet…
Mik : À la base, je suis un hacker, j’ai appris à programmer depuis mon adolescence en décortiquant les systèmes. J’ai développé des applis mobiles dès les années 2000, bien avant les Iphones, même des applis 3D. Les gens me prenaient pour un fou, mais quand l’Iphone est sorti, j’avais finalement raison. Par exemple, je travaillais avec Loïc Le Meur dans la Silicon Valley. J’ai codé en une nuit un uploader de vidéo, alors que tout le monde ne téléchargeait encore que des photos… J’étais assez pionnier dans ce domaine, j’ai de bonnes intuitions dans les tendances. Je croyais déjà aux chatbots, qui existaient depuis très longtemps. Il y a eu un chatbot sur le site Michelin dans les années 2000 par exemple. Mais c’était en général sous la forme d’avatars graphiques. Parfois ridicules, comme Clippy de Microsoft Office, la technologie n’était pas encore prête. Aujourd’hui, ça décolle car la puissance de calcul est disponible.
Marie : C’est aussi grâce à l’essor de la messagerie instantanée, y compris les SMS ; c’est devenu plus naturel d’envoyer un message que de téléphoner. Aujourd’hui, la puissance informatique fait que l’IA devient très performante. Mais ce sont des sortes de boîtes noires, on met plein de données dedans et les services en sortent. Mais on ignore comment. L’avantage, c’est que les grandes boîtes et les petites start-ups sont sur un pied d’égalité dans la recherche.
Que propose Opla au stade actuel ?
Marie : On peut créer des chatbots déjà pour répondre aux consommateurs sur un site internet, mais surtout pour répondre aux questions récurrentes dans les entreprises : dans les RH, répondre à des questions juridiques. Ou aider les salariés à suivre des processus complexes. Et ce qui nous intéresse, il faut que les chatbots soient très pointus, qu’ils utilisent les réponses que les entreprises font, qu’elles transmettent à leur chatbot, sur la base du savoir unique à l’entreprise. Par exemple : “comment je remplis une fiche incident ?”. Une entreprise donnée voudra le faire d’une certaine manière. Ce savoir sera transmis au chatbot pour qu’il le fasse de la bonne [façon].
Ce qui nous intéresse, c’est que les chatbots soient très pointus, qu’ils utilisent les réponses que les entreprises font.
Transférer le savoir, c’est assez variable : ça dépend si ça a été structuré de manière un peu formelle, ou si c’est juste dans la tête des personnes qui ont ce savoir. On peut aider l’entreprise à structurer ses données, ou accompagner à la prise en main de l’outil. Opla est utilisable par des gens qui ne sont pas des informaticiens. Moi, je viens de la communication, et un chatbot est un outil de communication ! L’informaticien n’est pas forcément le mieux placé pour savoir ce que doivent savoir les gens.
Cela correspond-il à vos valeurs ?
Marie : Tout à fait, on voulait créer une boîte dont on soit fier ! On a choisi un modèle open source pour démocratiser l’accès aux chatbots. Cela amène aussi la transparence, car nos clients peuvent constater par eux-mêmes la qualité de ce qu’on fait et qu’on respecte la confidentialité de leurs données. De plus nous tenons à la diversité dans l’équipe, à avoir des profils différents, ce qui amène une richesse énormes. Nous voulons simplifier l’informatique pour tous.
Quelle est votre méthode de travail ?
Marie : Il faut tout d’abord identifier des tâches précises à confier au chatbot. Les utilisateurs du chatbot doivent savoir qu’ils ont affaire à un robot et pas à un humain. La valeur ajoutée c’est de rendre service sur des tâches fréquemment sollicitées. C’est une vision complètement différente des Siri et autre Google Assistant qui sont généralistes, pas spécialisés.
Les utilisateurs du chatbot doivent savoir qu’ils ont affaire à un robot et pas à un humain.
On a une cellule R&D intégrée, avec une doctorante basée à Paris. C’est elle qui travaille principalement avec Mik sur le langage : NLP ou Natural Language Processing. Le but, c’est de comprendre ce que veut l’humain. La machine doit se débrouiller pour comprendre ! Sachant que l’humain est finalement “très plastique” dans son expression. Nous on a une grosse dimension tech, tous les éléments nous appartiennent dont notre code et nos briques de NLP.
Mik : Beaucoup de monde se disent spécialistes en IA. Nous, notre code est en open source. On veut être transparent, ne pas se réfugier derrière une “black box”. On a une approche à la WordPress, et comme eux on fait du business autour. Il y a des business models très performants autour de l’Open Source. Regardez Red Hat qui vient d’être racheté par IBM pour 34 milliards ! Red Hat est basé sur de l’open source.
La valeur ajoutée c’est de rendre service sur des tâches fréquemment sollicitées.
Marie : Opla, c’est comparable à un CMS justement. Ca gère le contenu et le moteur conversationnel. Cela peut générer un widget pour les sites, mais aussi s’intégrer dans des Twitter, des Messenger, etc. Cela veut dire que n’importe qui peut télécharger le logiciel Open Source et l’utiliser directement – avec l’aide d’une communauté qui démarre. On propose aussi des offres complètes avec de l’hébergement, de l’accompagnement sous différentes formes, de la formation, de la structuration de la connaissance, des solutions grands comptes aussi… mais notre coeur de métier est bien l’édition du logiciel Opla.
Avez-vous été aidés lors de la création et le développement de Opla ?
Marie : Au début, on était en pur télétravail. Mais dès la création du Bivouac, je suis allé frapper à leur porte. Je voulais me rapprocher de cette communauté. Toutes les semaines, j’étais présente, je participais aux événements, toujours très bien accueillie. Et, en mars dernier, on a intégré officiellement le Bivouac dans une promo “Basecamp”, ce qui nous a facilité la vie. Avoir des bureaux nous permet de développer la culture de l’entreprise. Et ça nous a bien servi, nous sommes passés de deux à dix collaborateurs en un an.
Le principal apport est dans le domaine des “soft skills” : l’entourage est bienveillant, quand on pose une question, on a rapidement une réponse qui nous aide à résoudre des problèmes. C’est assez vague mais c’est important. Le fait de faire partie du Bivouac change beaucoup de choses : on est pas une petite boîte isolée quand on va à la CCI, la région, chez BPI France… cela nous crédibilise et nous ouvre des portes.
Quels sont les objectifs à moyen terme?
On a commencé notre commercialisation en début d’année 2018, on a nos premiers clients avec des retours très positifs. Et on a débuté une démarche de levée de fonds, avec un DAF à temps partagé. Nous planifions de vendre à l’international dès 2019 car c’est dans notre ADN, nous avons déjà structuré notre équipe pour ça.
Quelle est votre vision de l’écosystème clermontois ?
À Clermont, la création du Bivouac, ç’a été le jour et la nuit. Avant, les acteurs économiques ne savaient pas ce qu’était une start-up, on était vus comme des hurluberlus, maintenant on est beaucoup plus pris au sérieux. Et ca a fédéré une communauté forte.
Et qu’en est-il du contexte de l’Intelligence Artificielle ?
Marie : Je reviens de la conférence “France Is AI” à Station F, la semaine dernière. Pour synthétiser ce qu’il s’est dit, 80% des discours grand public sont du pipeau et sont même là pour faire peur aux gens ! Il y a beaucoup d’abus dans les promesses, mais aussi dans la volonté de faire peur, de manière mensongère. C’est extrêmement problématique. Un paléoanthropologue à la conférence a conclu sur le fait que nous arrivons à un changement technologique très important. Il faut que les gens s’y mettent. Mais s’ils en ont peur et vont donc se cliver, se radicaliser et entrer en réaction. Cela créera des situations de crise qui dans l’histoire ont pu être très graves.
Il faut que les gens s’y mettent, mais s’ils en ont peur ils vont se cliver, se radicaliser et entrer en réaction. Ce n’est pas nouveau, la technologie a toujours fait peur
Mik : Ce n’est pas nouveau, la technologie a toujours fait peur. Les trains, même les montgolfière étaient attaquées à la fourche par les paysans. Pourtant, ce sont et ce resteront des outils neutres : il n’y a pas à avoir peur. Cela dépendra des humains, de la manière dont ça sera utilisé. En plus, on est en train de perdre du temps face aux Chinois ou Japonais, qui sont très à l’aise dans l’utilisation de ces technologies et en voient le côté utile et positif. L’Europe n’est vraiment pas en avance là-dessus. C’est fondamental d’aller de l’avant et de s’adapter aux changements technologiques.
Pour en savoir plus :
le site officiel de Opla.ai
Entretien réalisé le 23 octobre 2018 par Damien Caillard. Propos synthétisés et réorganisés pour plus de lisibilité par Cindy Pappalardo-Roy, puis relus et corrigés par Mik et Marie.
Visuels fournis par Marie sauf la photo de Une, par Damien Caillard pour le Connecteur.
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #Chatbot – Un chatbot est un robot virtuel qui aide l’humain à réaliser des tâches complexes, comme de manipuler une grande quantité de données. Il vient assister une personne. Maire et Mik ont vu Opla comme ça, quelque chose qui facilite la vie. Pour aider les humains, dans tout ce qu’ils n’aiment pas faire.
- #Opla – Ce que propose Opla aujourd’hui, c’est de créer des chatbots pour répondre aux consommateurs sur un site internet, mais surtout pour répondre aux questions récurrentes dans les entreprises. Ce qui intéresse l’équipe, c’est que les chatbots soient très pointus, qu’ils utilisent les réponses que les entreprises font, qu’elles transmettent à leur chatbot, sur la base du savoir unique à l’entreprise.
- #Valeurs – Marie et Mik voulaient créer une boîte dont ils soient fier, et ont donc choisi un modèle open source pour démocratiser l’accès aux chatbots. Cela amène aussi la transparence, car leurs clients peuvent constater par eux-mêmes la qualité de ce qu’on fait et qu’on respecte la confidentialité de leurs données. Ils tiennent à la diversité dans l’équipe, à avoir des profils différents, ce qui amène une richesse énormes.
- #Objectifs – À moyen terme, les objectifs de Opla sont de continuer leur commercialisation (les premiers clients ont eu des retours très positifs) et de se concentrer sur leur démarche de levée de fonds, avec un DAF à temps partagé. Ils planifient aussi de vendre à l’international dès 2019 car c’est dans leur ADN, ils ont déjà structuré leur équipe pour ça.
- #Écosystème – À Clermont, la création du Bivouac, ç’a été le jour et la nuit. Avant, les acteurs économiques ne savaient pas ce qu’était une start-up, Opla était vu comme des hurluberlus ; maintenant ils sont beaucoup plus pris au sérieux. Ça a fédéré une communauté forte.
- #IntelligenceArtificielle – Marie trouve qu’il y a beaucoup d’abus dans les promesses, mais aussi dans la volonté de faire peur, de manière mensongère. C’est extrêmement problématique. Il faut que les gens s’y mettent. Mais s’ils en ont peur ils vont donc se cliver, se radicaliser et entrer en réaction. Cela créera des situations de crise. Pour mis, ce n’est pas nouveau, la technologie a toujours fait peur. Les trains, même les montgolfière étaient attaquées à la fourche par les paysans. Pourtant, ce sont et ce resteront des outils neutres. L’Europe n’est vraiment pas en avance là-dessus.