Après le cancer : et si l’entrepreneuriat aidait à se reconstruire ?

Après le cancer : et si l’entrepreneuriat aidait à se reconstruire ?

Octobre Rose met en lumière la prévention et le dépistage, mais l’après-cancer reste une zone grise, souvent plus difficile à traverser que la maladie elle-même. Comment retrouver confiance, repères et énergie quand les traitements s’arrêtent ? Pour Corinne, entrepreneure et fondatrice du site reconversionenfranchise, la réponse passe par l’action collective et l’entrepreneuriat. À travers la franchise, elle défend une voie accessible pour se reconstruire et entreprendre sans être seule. Ses initiatives — challenge connecté, marches solidaires, conférences — ouvrent des espaces pour transformer l’épreuve en force et remettre du sens dans le travail.

Pour commencer, pouvez-vous revenir sur votre parcours et sur ce qui vous a guidée dans vos choix ?

Je suis parisienne et je vis toujours à Paris. Dans les années 80, j’ai intégré une école de commerce par contrainte budgétaire, alors que mon premier choix portait sur une école de communication. Après un passage dans un groupe industriel, j’ai pris goût à l’organisation de salons professionnels. Très vite, j’ai compris où était mon moteur : créer du lien, fidéliser, animer.

À la fin des années 1990, je suis devenue freelance après une période de chômage, vécue comme « une chance ». J’ai eu différentes expériences professionnelles et c’est un peu par hasard que j’ai fait la rencontre de l’enseigne Terraforme.

Très rapidement, je me suis posée une question simple : pourquoi tout concentrer à Franchise Expo Paris ? J’ai donc lancé des rencontres de proximité en région, axées sur un secteur (services à la personne, restauration, etc.), pour faire découvrir l’entrepreneuriat en franchise et créer de l’échange entre franchiseurs et porteurs de projets. En 2017, le déclic a été le thème de l’entrepreneuriat féminin à Marseille et j’ai créé la plateforme reconversionenfranchise.com, tout un écosystème pour guider, éclairer, informer les femmes qui souhaitent entreprendre.

Vous accompagnez des femmes en reconversion. Qu’est-ce qui les pousse à quitter leur poste pour changer de vie ?

Souvent, c’est en deuxième partie de carrière. Elles me disent qu’elles en ont marre. Le besoin d’exister, de faire un job qui va les épanouir, un métier qui fait sens. Les réorganisations jouent un rôle : « Avec les fusions-acquisitions, beaucoup ont l’impression qu’elles ne pourront progresser au sein de leur entreprise. La routine s’installe. » Alors vient le déclic. Elles ont envie de changer, de prendre leur vie en main. Et très concrètement : tant qu’à faire des heures, autant travailler pour soi. À ce moment-là, la question de l’entrepreneuriat arrive naturellement.

Pourquoi considérez-vous la franchise comme une voie intéressante pour les femmes en reconversion ?

La franchise est souvent caricaturée à tort. C’est une autre voie qu’on oublie pour se lancer avec plus de facilité. Vous devenez indépendante, mais pas seule. Vous ne partez pas d’une feuille blanche mais d’un modèle économique qui a fait ses preuves. On reste indépendante, mais on n’est pas seule. On apprend un métier, on s’inscrit dans des processus qui ont fait leurs preuves. Et surtout, on s’appuie sur une marque et sur un réseau de pairs. Les franchisés ne sont pas des concurrents, ce sont des alliés. On s’appelle, on se dépanne.

Entreprendre en franchise peut être une force, mais encore faut-il trouver un métier en phase avec ses objectifs de reconversion et un franchiseur dont on partage le métier, le mode de management et les valeurs.

Côté financement, la franchise rassure les banques car l’enseigne a un vécu, un référentiel en banque. Cependant, cela ne suffit pas. Au départ, un apport personnel est demandé. Celui-ci dépend des enseignes. Au-delà des chiffres, ce qui compte pour le banquier, c’est votre motivation et votre ambition à entreprendre.

À travers votre activité, vous vous engagez aussi sur la question de l’après-cancer. Que se passe-t-il concrètement dans cette période souvent méconnue ?

L’après-cancer est un passage invisible et c’est souvent le plus dur. Pendant la maladie, on est suivie. Après, c’est le vide. On se sent soi, mais dans le corps d’une autre. Le cancer est un tsunami, il balaie tout sur son passage : confiance en soi, finances, caps professionnels… On doit recommencer sans boussole.

Et il y a le concret. Il faut montrer qu’on tient le coup : la famille, les enfants, les finances. Parce que ne l’oublions pas, quand on est entrepreneure et malade, si on ne travaille pas, il n’y a pas de salaire.

En quoi cette période de l’après-cancer transforme-t-elle le rapport au travail ? Pourquoi la reconversion passe-t-elle parfois par l’entrepreneuriat ?

Après le cancer, on voit la vie autrement. « Plus de futilités. » On se demande : est-ce que je veux vraiment reprendre mon poste ? Qu’est-ce qui me fait vibrer ? Il y a une volonté avec l’objectif de faire un métier en accord avec ses valeurs. Très vite, on revient à l’essentiel : du sens, de l’utilité, la possibilité d’être responsable et fière de ce que l’on fait.
On se dit aussi : « C’est maintenant que je dois vivre », et on accepte d’être un peu égoïste, au bon sens du terme. C’est là que la reconversion arrive naturellement, souvent par l’entrepreneuriat.

Quelles actions avez-vous mises en place pour rendre visible la question de l’après-cancer ?

Depuis trois ans, j’embarque des réseaux de franchise dans un challenge connecté. Un mouvement solidaire et collectif pour aider La Niaque Asso à financer des programmes collectifs et individuels pour le retour à la vie professionnelle des femmes après un cancer. Cette association est présente dans toute la France (elle a été incubée en 2023 par Alter’Incub Auvergne-Rhône-Alpes). Cette année, il se déroule du 1er au 19 octobre. 140 participants issus des réseaux de franchise vont relever des défis sportifs, bien-être et cohésion pour collecter 10 000 € de dons. Leurs points seront transformés en dons pour La Niaque Asso.
Une action soutenue chaque année par la Banque Populaire, partenaire financier de la franchise.

Depuis l’an dernier, j’organise également des marches solidaires de 45 minutes en mode networking. Elles se déroulent le 1er octobre dès 9h30 à Paris et à Marseille. L’accès est de 1 € minimum pour augmenter le don à La Niaque Asso.

Quel message souhaitez-vous adresser aux femmes confrontées à la maladie ?

D’abord : parlez. Ne restez pas seules. Allez voir des associations et des pairs ; il y en a partout en France. Avec des personnes qui comprennent — parce qu’elles l’ont vécu ou qu’elles sont formées — la parole se libère. On croit qu’il faut tenir bon en silence ; c’est l’inverse. Demandez de l’aide. Ensuite, acceptez que tout ralentisse et que la boussole bouge : c’est normal.

Et aux autres, notamment aux employeurs ?

Aux chefs d’entreprise, je dis : engagez des personnes qui ont traversé un cancer. Elles reviennent avec une énergie rare, une vraie soif de vivre. Avec cette détermination, elles franchissent les barrières. Donnez-leur leur chance : vous gagnerez des collaboratrices qui savent pourquoi elles se lèvent le matin et qui mettent cette force au service du travail.

Pour celles et ceux qui souhaitent soutenir vos actions, comment faire concrètement ? Et si des réseaux veulent, par exemple, organiser une marche à Clermont l’an prochain ?

Pour aider, deux solutions : soutenir le challenge en faisant un don à La Niaque Asso, s’inscrire aux marches solidaires et en parler autour de soi. Pour le don ou les marches, rendez-vous sur le site www.reconversionenfranchise.com ou sur le site de La Niaque Asso.

Et pour l’année prochaine, je suis ouverte à des relais en territoires. On m’a déjà sollicitée ; l’idée, c’est d’essaimer. Si des réseaux à Clermont-Ferrand veulent porter une marche de 45 minutes et ouvrir la discussion sur l’après-cancer, qu’ils me contactent après Octobre Rose : on regardera ensemble le format et les partenaires locaux.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.