Par Alexis Echegut
Invité par l’Étincelle, Charles Marginier, créateur de Firerank, vient nous parler de son parcours dans le merveilleux monde de l’entreprenariat. Tout commence avec un rêve d’adolescent…La suite est bien plus réaliste, semée d’embûches, mais tout aussi passionnante et couronnée de succès.
Intervenant de ce jour:
- Charles Marginier, Firerank – site de Firerank – Charles Marginier LinkdIn
Synthèse de la présentation
Charles Marginier, de la vie étudiante à Firerank
Des premiers pas difficiles, mais formateurs…
Charles Marginier ne se présente pas comme un entrepreneur, et pour cause, il vient du monde technique des développeurs informatiques. Pourtant, un enchaînement d’événements va tout de même faire de lui un véritable acteur de l’écosystème innovant.
« A 16 ans, j’avais un rêve. Je voulais être capable de créer quelque chose d’automatisable, qui puisse me permettre de vivre sans travailler. Aujourd’hui, j’ai 30ans, et j’ai toujours besoin de travailler… »
Le but était alors de raccrocher ce rêve à la réalité, de manière à développer quelque chose de pertinent. Il s’agit de créer un produit, un service, et d’en tirer de l’argent. Par la force des choses, Charles Marginier devient entrepreneur…
«Ma première expérience entrepreneuriale ? Le plus bel échec de ma vie!»
L’aventure à commencé par le biais du e-commerce, et du prêt à porter féminin. L’envie de faire était là ! Mais pas les connaissances en mode, ni les compétences marketing. Peu importe, entreprendre est aussi un risque à prendre…
Associé à un ami motivé, l’entrepreneur insouciant s’est retrouvé à vendre des stocks de vêtements à Aubervilliers « comme dans la vérité si je mens ». Ce fut une forte expérience, mais, ni les techniques de gorwth hacking, ni les leviers d’internet ne suffiront à éponger les dettes de l’entreprise.
Charles nous rappelle que, avant d’entreprendre, mieux vaut porter son attention du côté de ce qui est de notre domaine de compétences. Vouloir entreprendre est une noble cause, seulement, il est en premier lieux pertinent d’identifier ses passions, ses savoirs faire, afin d’agréger tout cela, et en faire un projet.
« Une entreprise est avant tout un projet personnel, un projet de vie »
Première expérience ratée ? Il faut rebondir… Un échec entraîne toujours une remise en question profonde qui n’a pour but qu’une amélioration prochaine de ses projets. Autre que les rebonds classiques d’entreprise, l’aspect personnel post-reconversion s’impose comme le pilier d’une évolution certaine. Charles précise bien qu’il est primordial de garder l’esprit ouvert, de se remettre en question pour pouvoir continuellement changer de cap.
S’informer pour se former, et créer.
Cette profonde remise en question fait émerger de nouveaux besoins. Il s’agit alors d’apprivoiser les codes de l’e-commerce, de mieux comprendre internet au-delà de son aspect technique.
Firerank a commencé après ce premier échec, au moment même où, de son côté en 2008-2009, Facebook était en plein explosion avec des inscriptions massives et un énorme effet de mode. Charles se souvient alors des possibilités au début de Google dans les années 2000, notamment en se positionnant sur certains termes clefs très recherchées, comme par exemple les « rachats de crédit » qui génèrent de manière autonome et quasi-automatique de très fortes sommes d’argent. De la même manière chez Facebook, de très nombreuses pages communautaires, souvent farfelues, existaient. Et même si l’hébergeur n’avait pas la main dessus, ces groupes rassemblent des centaines de milliers, et même des millions de personnes. On parle aussi des Demotivateurs, de MinuteBuzz…
Ces exemples de leviers viraux générant un flux impressionnant de profil virtuels, viennent conforter Charles dans l’idée que d’acquérir une visibilité massive sur la toile est possible. Selon cette approche, on peut envisager de très nombreuses ventes dans le monde du e-commerce.
« A cette époque, on pouvait « communiquer » sans la logique d’algorithme et de « bulle cognitive » que l’on connaît aujourd’hui. »
Les projets de Charles se structurent petit à petit. C’est toujours étudiant que l’apprenti entrepreneur connaît ses premiers succès par le biais de communautés qui rassemblent au total des dizaines de millions de fans! Les contenus sont qualifiés d’infotainment (info+divertissement), sont pleins de publicités, mais l’audience est affolante, et de fortes sommes d’argent sont générées organiquement.
Firerank et ses débuts
La folle période du viral dépassée, Facebook, toujours, est en peine mutation. C’est parallèlement que les sites dits de buzz et de clickbaiting deviennent des médias. Après une brève impasse autour de services plus « tangibles » et la création d’une agence numérique, Charles décide de raccrocher à la tendance. L’idée ? Créer un site de « listes ». Il admet lui-même que le concept n’est pas si séduisant, peu importe ! Le projet, cette fois dit-il, est en phase avec les connaissances de ses associés sur les mécaniques d’acquisition d’audience. L’activité du site est pérenne au bout d’un mois seulement, avec 150 000 à 200 000 visites par jours. Fini le prêt à porter féminin, Firerank est né !
Mais alors, détaillons un peu, qu’est ce que Firerank ? Le principe est simple et efficace. On laisse les internautes voter sur des classements, et faire de la prédiction. Par exemple sur le classement des 5 premières Miss France. « Douze sosies hilarants et pas très flatteurs », « Treize idées pour avoir un look très élégant, quels sont les meilleurs conseils ? ». Voici le genre de contenus que l’on peut trouver sur la plateforme. Firerank permet en outre de collecter un maximum de data.
Premier rebond… « La publicité c’est bien, mais les contenus clickbait vendent beaucoup plus ! » Charles assume alors un virage dans cette direction. L’activité évolue, se structure et s’impose, au gré de la monétisation, au fil du vent.
Firerank et l’évolution
Charles explique être passé d’un site très qualitatif, muni de classements relativement sérieux et de traitement de data, vers l’élaboration d’autres sites (montés en parallèle de Firerank) basés sur des contenus bien plus aguicheurs.
En 2015-2016, les contenus clickbait de ses différents sites ont fini par envahir les fils d’actualité Facebook. C’est la consécration. Mais Charles vivait et travaillait à l’île Maurice à ce moment : pas si évident d’entreprendre quand le projet s’accélère et que l’on est loin du terrain.
Dans le même temps, les règles de Facebook évoluent, et la vidéo s’impose comme le nouveau fer de lance de la « clic-réussite » sur le net. Celle-ci vient compenser le temps passé sur les articles textes multipages et offre une interactivité maximale. Firerank en est impacté négativement au vue de son concept clickbait. Comment rebondir ? La réponse est toute trouvée : il faut se saisir de l’opportunité vidéo et la combiner avec la taille des communautés Firerank, et ce, toujours dans le souci d’une optimisation des audiences.
« Nous avions la capacité de bifurquer, d’emmener l’équipe vers l’évolution de la structure »
La décision fut prise de fermer le site web et de devenir 100% Facebook et vidéo. Ce ne fut pas une décision facile: Charles avait la sensation de quitter le monde des start-ups basées sur des applis ou des sites. Le métier a alors complètement changé. Aujourd’hui, Firerank c’est aussi des caméras, des drones, des fonds verts, de longues formations et tâtonnements sur Adobe Premiere et After Effects. Mais c’est la force de ces petites structures, à savoir, être capables d’être agiles, de se reconvertir. Les équipes de rédacteurs Firerank se sont alors penchés sur le montage vidéo…
Les chiffres étaient à l’avenant, avec 1,7 milliards de vidéos vues en 2017, sans aucun sponsoring de post…La croissance est purement organique ! Comment ? Simplement parce que Charles et son équipe étaient passionnés, avec un profond désir de faire vivre le projet et de se mettre à fond dans la production de contenus.
Aujourd’hui chez Firerank
« Aujourd’hui, on a une vraie culture du test. »
Firerank ne se lance pas sur de gros projets… Au contraire, ils se donnent un temps très court, l’objectif étant de tester au plus vite le contenu à travers la réactivité de la communauté. La culture du test permet d’opérer sur de micro projets pour engranger au plus vite de l’expérience directement utilisable.
Charles soutient qu’il y a aujourd’hui une profonde mutation dans la consommation d’infos, surtout pour les jeunes générations. Le contenu doit être incarné. Il apparaît que les médias ont beaucoup de mal à créer une valeur de marque, alors que des influenceurs comme les Youtubers drainent de très vastes communautés. Le contenu proposé y apparaît « vivant ».
Récemment, le 1er novembre 2017, Firerank a connu un coup dur. Soudainement, la page a disparu de Facebook. Charles et son équipe ont alors appris la suspension et la dépublication de leurs contenus, ce qui représente pas moins de 10 ans de travail…Charles met légitimement en évidence la difficulté qu’il a eu, au même titre que son équipe, de voir tout leur travail partir en poussière et disparaître des réseaux sociaux. L’évènement est d’autant plus dur à digérer au vue de l’engouement viral de la presse, même national, autour du sujet.
Il faut rebondir…Firerank était uniquement dépublié, et non pas supprimé. Ce qui laissait un petit espoir de retour… mais Facebook a opposé une fin de non-recevoir, en lien avec l’ingérence russe dans l’élection américaine. Durant l’élection de 2018, les Russes auraient utilisé des méthodes de croissance artificielle de followers pour influencer la présidentielle US, à savoir des méthodes de growth hacking … comme celles utilisées plus tôt par Charles. Facebook est intervenu « au bazooka » en visant TOUTES les personnes ayant pratiquées cette technique…
« Il faut toujours relativiser, et croire dans le fait que l’on va acquérir une expérience constructive, quels que soient les aléas »
Nouvelle idée… Charles se sentait bien plus stimulé que triste. Rapidement, une solution de rebond a été imaginée. Ce fut en se basant sur un concept américain, celui du Gameshow : une appli mobile lance un show vidéo en direct live d’une dizaine de minutes, tous les jours à chaque heure. Pendant ce laps de temps, les joueurs doivent répondre à des questions (de culture générale) et ceux qui atteignent la 10ème question se partagent un montant prédéterminé.
« Ce soir, 250 000 € à gagner ! » Voilà que plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs se joignent au concept. Firerank a développé très vite son application, et l’a faite évoluer. Même si cela a impliqué une réduction considérable de l’équipe « c’est aussi ça la vie d’une entreprise », Firerank est toujours au devant de la scène…Récemment, au vu du succès de l’application, celle-ci attire les convoitises et se voit même au centre d’une proposition de rachat qui intéresse Charles…
A bientôt pour de nouvelles aventures, de nouveaux rebonds…
Questions du public:
Comment avoir 100 000 utilisateurs en 1 mois ?
Notre métier, c’est le growth hacking : trouver des mécanismes qui, avec des coûts réduits – et une comm’ de folie – permettent de générer un effet de levier viral très fort, principalement en utilisant les réseaux sociaux.
Que ferais tu autrement pour Firerank, avec le recul ?
Je ferais de même ! La probabilité que les comptes soient dépubliés était infime. Mais on ne maîtrise pas tout, et il faut souvent réagir à ce qui arrive.
En tant qu’entreprise, n’était-ce pas risquer de tout miser sur Facebook ?
On a toujours eu une gestion « à l’auvergnate », sans dette, et de toute façon avec de fortes capacités de remboursement. Et on a tout misé sur la création d’un lien émotionnel très fort entre nos utilisateurs et nos marques, ce qui rendait le support moins important.
Les GAFA ont-ils un pouvoir de vie et de mort sur ces start-ups ?
Oui, ils ont kidnappé internet. On le voit dans de nombreux secteurs, notamment dans le monde des médias. C’est une vraie problématique : ils ne sont plus propriétaires de leurs audiences. Avant, on achetait son journal, et le contenu s’auto-suffisait pour se vendre. Aujourd’hui, en dehors d’actus fortes, les médias généralistes ne maîtrisent plus leur audience, parce qu’il n’y a presque plus de trafic en direct : tout passe par les fils d’actus des réseaux sociaux.
Le dialogue était-il impossible avec Facebook ?
On leur a beaucoup écrit … on a vu les gens de Facebook France. Mais les Russes avaient réussi de faire des pages avec des milliards de vidéos vues dénigrant Clinton et encensant Trump. On s’est rendu compte que cela influençait beaucoup les opinions. Et cela touchait à la liberté politique, un domaine sacré aux USA. Les requêtes Firerank n’ont jamais été répondues.
Un mot sur le prochain projet ?
Les questions de fond qui m’intéressent sont celles de la propriété de l’audience des médias, et la manière de voir et produire les contenus. Tout cela a évolué de manière incroyable. On voit sur les applis de gameshow : on est habitué à consommer le contenu où on veut, quand on veut, et on répond à de nombreux stimuli en ce sens.
Je pense que les médias vont créer de vraies chaînes mobiles sur la base d’applis dédiées, pour faire du live interactif (au-delà des commentaires ou des likes). Cela apporte une nouvelle forme de contenu.
Le replay de l’évènement:
Tournage par Damien Caillard, montage vidéo et synthèse par Alexis Echegut