Par Damien Caillard
Au 22 allée Alan Turing, il y a Turing22 bien sûr, mais également – et très prochainement – un autre acteur dédié aux start-ups. Quand les travaux en cours seront terminés y prendra place le Village by CA Centre-France, un accélérateur de start-ups porté par le Crédit Agricole Centre-France et pour lequel oeuvre Christophe Vincent, un de ses principaux « architectes ». Aujourd’hui, c’est notamment grâce à Christophe que le Crédit Agricole Centre-France est un acteur bancaire majeur de l’écosystème d’innovation auvergnat
Quand on te rencontre, on comprend vite que tu es un optimiste …
Ce qui me motive le matin, c’est que je sais que chaque jour sera différent. Je pourrai passer dix fois au même endroit sans y voir la même chose. J’aime être attentif. Tu peux vivre de manière robotique, tu traces ta route … ou bien, en étant optimiste et curieux. Je m’aperçois tous les jours de trucs différents, qui sont là depuis 10 ans ! Mais j’aime bien. Tout cela améliore ma vie au quotidien.
Mon premier ordinateur, un MO5, je l’ai eu à 6 ans. Je me souviens du bruit de cette cassette qui chargeait les logiciels … et du vendeur qui disait “il suffit de taper un ordre sur le clavier, et ça s’exécute”. Depuis ce jour, j’ai adoré l’informatique, les jeux vidéo ; j’ai baigné dedans, et j’y joue encore ! Je suis persuadé que certains jeux peuvent faciliter l’éveil, l’agilité, la mémoire. On peut dire de moi que je suis un Peter Pan qui ne veut pas grandir … mais je l’assume. Je suis un adulte avec une âme d’enfant. C’est ce qui me permet de rester optimiste chaque jour que je vis.
J’aime [aussi] apprendre, et une des joies de ce que je fais dans l’innovation est d’apprendre tous les jours. Dans nos métiers de la banque et de la finance, l’innovation est permanente et nécessaire, nous devons être toujours en mouvement. Pour autant on doit continuer d’apprendre, d’observer, de communiquer (…) Le sujet est complexe, le vocabulaire peut être barbare, il faut beaucoup de souplesse et d’agilité … l’innovation, c’est être en mouvement tout le temps. Et c’est une remise en question permanente.
Aujourd’hui, tu es un des acteurs de notre écosystème d’innovation, mais comment y es-tu arrivé ?
Mon parcours est très atypique : CAP/BEP maintenance industrielle, sur Clermont. J’ai rebondi sur une filière de réintégration longue en génie mécanique (…) parce qu’il fallait “remplir des cases”. Je n’avais rien demandé ! Mais à force de bosser et de vouloir m’en sortir, je me suis réorienté vers le commerce et le contact avec les gens, ce pour quoi j’étais fait. Montluçon, “tech de co”, puis IUP Management et gestion des entreprises à Clermont.
« Je suis un adulte avec une âme d’enfant. C’est ce qui me permet de rester optimiste chaque jour que je vis. »
Aujourd’hui, cela fait 15 ans que je finance des entreprises au CACF [le Crédit Agricole Centre-France]. Un commerçant, un artisan peut me parler “technique”, j’ai pratiqué ! Je connais les machine-outils, la mécano-soudure, l’électronique … on parle le même langage, et ça rassure l’interlocuteur car tu n’es pas que commercial ou théorique. et ça enrichit les échanges.
Visiblement, tu aimes le contact humain …
Empathique, c’est aussi une de mes définitions. Comprendre quelqu’un, c’est savoir comment il fonctionne. Et cela peut impliquer de savoir se mettre à sa place. Si j’étais dans ses chaussures, comment je réagirais ? D’une manière générale, j’aime les gens. Je pense qu’il faut qu’on s’écoute. Pas seulement s’entendre ! S’écouter.
Pendant ma vie universitaire, j’avais souffert d’un événement tragique. Je me suis toujours, et encore aujourd’hui, posé la question : si nous avions écouté, et [pas seulement] entendu, aurions nous pu éviter ce tragique événement ? C’est sûrement pour des [moments] comme cela que je suis très attaché au contact humain.
Que t’ont apportées toutes ces années en tant que conseiller bancaire ?
Professionnellement, je viens d’un circuit “classique” : financement des entreprises, des artisans, des commerçants … j’ai appris la difficulté de créer, de gérer une entreprise. La solitude que peuvent vivre les dirigeants, la difficulté qu’on a à communiquer. Peu importe le métier : beaucoup de langages se sont créés, et au final on a du mal à vulgariser son discours. Moi, je parle “banquier”, “artisan”, “commerçant” .. mais il faudrait plutôt avoir un discours de personne à personne.
J’ai aussi appris ce qu’était un réseau. J’ai compris le business, le dynamique d’un territoire, comment on peut vivre des succès et des échecs. Autant au niveau des entreprises que j’ai pu aider à financer, qu’au niveau du territoire. Etre conseiller pro dans une banque, c’est un des métiers les plus beaux et les plus riches. Financer une entreprise, c’est financer toute la vie d’un être humain : son salaire, ses embauches, sa capacité de développer un territoire … même si malheureusement on ne peut pas tout le temps dire oui. C’est aussi un métier d’anticipation, de bon sens. On se doit d’avoir un minimum de sécurité et de bienveillance pour nos clients. On ne prête pas coûte que coûte, il y a des conditions de succès qu’il faut réunir.
Parles-nous du moment où tu t’es orienté vers l’écosystème d’innovation …
En 2017, je change de métier : je m’oriente sur le segment création/reprise dans le marché des pros. C’est un poste d’expertise, avec des schémas particuliers. Mon périmètre s’étend alors à : Creuse, Corrèze, Puy-de-Dôme, Allier, Cantal. J’étais en lien avec l’écosystème type France Active, Réseau Entreprise, Plateforme Initiatives … j’ai participé à diverses animations.
« Etre conseiller pro dans une banque, c’est un des métiers les plus beaux et les plus riches »
Un jour, logiquement, je participe à mon premier comité AT2I+. C’était mon premier vrai contact avec l’innovation. En parallèle, le Bivouac se met en place, les appels à projets se lancent … j’accroche très vite ! C’était une vision économique tellement différente de ce que je faisais. En termes de variété de sujet, c’est incroyablement riche ! Tu passes de tracteurs électriques à des chatbots, en passant par du podcast vidéo …
En 2018, j’ai mon premier entretien de financement avec une start-up passée chez AT2I+. J’ai passé deux heures avec eux. C’était le désarroi le plus total pour moi. Pourtant, je maitrisais bien les entretiens avec les entreprises … mais là, je n’avais rien compris ! Je suis sorti de cet entretien avec beaucoup d’interrogations. Je me suis dit que je devais vite m’y mettre.
C’est ton métier principal aujourd’hui ?
On ne peut pas dire que c’est mon métier principal, mais une très grosse partie de mes missions. On m’a dit “la seule chose qui bouge tout le temps, c’est l’innovation”. J’en ai déduit que ceux qui travaillaient dans l’innovation ne devaient jamais s’arrêter de bouger. Aujourd’hui, c’est ma voie. Et je m’y sens super à l’aise. J’adore rencontrer des start-uppeurs, parler de produits, de visions, de process … les entretiens ne sont plus les mêmes ! On challenge le porteur de projet, on ne parle pas de taux ni de durée, on est dans un cercle vertueux de projet et de créativité.
Tu travailles à “bâtir” le Village by CA Centre-France. Pourquoi n’y en avait-il pas à Clermont ?
Le réseau des Village by CA, c’est plus d’une trentaine de sites en métropole, plus certains à l’étranger. Mais il manquait quelque chose dans le centre de la France. Pour ce réseau, il fallait un point d’ancrage ici. Cela complète bien le maillage, au-delà des grandes métropoles. Aujourd’hui, on est capable d’ancrer des villages à Nevers, à Châteauroux …
« [L’innovation], aujourd’hui, c’est ma voie. Et je m’y sens super à l’aise. «
[Depuis l’origine ] le CACF est membre fondateur du Bivouac (…) On s’est toujours positionné comme un acteur loyal. L’idée était d’étudier, à un moment donné, la finalité que le public impulse, puis que le privé prenne le relais. On a étudié différentes manières pour que ce relais se fasse. Cela a fait l’objet de plusieurs négociations, de plusieurs discussions, avec la Métropole, le Bivouac, etc.
Que va proposer le Village by CA en 2020 ?
Le Village se positionne comme une offre de plus pour son territoire, dans le cadre d’une complémentarité . On pourra proposer [aux start-ups] un accompagnement en accélération, développement de leur chiffre d’affaire et de l’aide à la levée de fonds.
D’un point de vue global, le CACF s’est doté d’une offre très large pour financer et développer l’innovation, qui va – et c’est une première en France – de la bourse pour permettre à sa start-up de pouvoir finir son incubation (maturation ) dans les meilleures conditions, venant parfaitement compléter le Fonds Métropolitain d’Innovation, en passant par l’accompagnement de l’accélération avec le Village by CA, du financement avec notre prêt INNOV +, jusqu’à notre pôle « haut de bilan » pour l’investissement en capital.
Et quel est … ou sera … ton rôle au Village ?
Moi, je fais partie de l’équipe déploiement du VIllage by CA Centre-France [avec François Guesdon]. Notre rôle, c’est de créer le Village. Il y aura des appels à candidature, sachant qu’il faudra trois personnes pour commencer : le Maire, un startup Manager, un Com’ Manager … j’adorerais y travailler, mais cela s’écrira demain. En attendant, on a beaucoup de travail pour faire un bel outil vecteur de croissance économique pour notre territoire.
C’est une formidable aventure pour moi. Je passe de l’autre côté de la barrière : je suis presque comme un entrepreneur qui créée une entreprise, et je vois l’autre facette. C’est un vrai challenge, (…) et je suis toujours autant optimiste pour demain. On a tout pour réussir à Clermont. C’est comme certaines recettes : il faut parfois donner un petit coup de pouce au mélange et apporter quelques ingrédients supplémentaires pour que ça fonctionne. J’espère qu’on sera cet ingrédient pour apporter de nouvelles choses aux start-ups et au territoire.
Pour en savoir plus
le site global des Villages by CA
le site « pros » du Crédit Agricole Centre-France