Par Damien Caillard
et Cindy Pappalardo-Roy
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Elle est le « visage humain » de la Frech Tech Clermont Auvergne au quotidien : Hélène Ribeaudeau, ancienne directrice de Cybermassif et très versée dans la diffusion en local des technologies numériques, oeuvre depuis 2016 dans l’écosystème. Elle y a coordonné la rédaction de la première candidature French Tech, qui nous a valu une labellisation thématique en 2016. Aujourd’hui, l’objectif – en lien avec le Comité Stratégique mis en place au printemps 2018 – est de devenir un écosystème reconnu comme étant « généraliste », au même titre que Lyon ou d’autres grandes villes françaises.
Tu as commencé ta carrière dans le soutien local aux “TIC”…
J’avais une maîtrise plutôt analyse économique à Clermont et un DESS sur le commercial/marketing numérique, ce qui m’a donné un cursus assez complémentaire. Après quelques stages en développement web, j’ai commencé à être chargée de mission TIC à la CCI de Montluçon. C’était les premiers postes de ce type en CCI : il y avait tout à faire ! J’y suis restée un an et demi pour m’occuper principalement du déploiement d’un intranet, et de la refonte de leur site. En parallèle, Cybermassif a ouvert à Clermont en 2001.
En quoi consistait Cybermassif ?
C’était une association mise en place par André Marcon, président de la CCI Auvergne (CRCIA) et aujourd’hui de Macéo, et dont l’objectif était de déployer sur tout le Massif Central des centres de ressources dédiés aux entreprises en TIC – avec pour vocation d’accompagner les TPE et PME à ce qu’on appelle aujourd’hui la “transformation numérique”. L’association avait remporté un appel à projets du Ministère de l’Industrie pour déployer douze centres de ressources, et ils s’appuyaient d’abord sur les CCI locales. Tout était à faire : [mettre en place] le centre de ressources, et aller voir les financements pour les faire fonctionner. Du coup, j’ai créé l’association CERTIC à Montluçon, dont j’ai pris la direction en 2003. J’ai d’ailleurs connu Franck Raynaud, basé à Moulins dans le centre de ressources local.
Quelles actions as-tu menées à Cybermassif ?
J’arrive en septembre 2004 à Cybermassif, dans un contexte compliqué, dont j’étais la seule salariée au bout de trois mois. J’ai essayé de sauver l’affaire et y suis parvenue pendant onze ans. Je me suis éclatée ! Tout d’abord, j’ai continué à déployer les centres de ressources sur le terrain, ce qui m’a permis de très bien connaître les écosystèmes sur le numérique, que ce soit en Creuse, en Lozère, dans le Cantal, etc. Après, il fallait financer le fonctionnement de ces centres, dont le déploiement était basé sur des fonds publics.
L’intérêt était que chaque chef de projet, au niveau des centres de ressources, pouvait mutualiser ses compétences avec les autres.
À l’époque, il existait la Convention Massif Central, et je me suis dit qu’il y avait des financements disponibles. J’ai monté plusieurs gros projets à environ 2 millions d’euros chacun, le premier étant sur la cybersécurité et l’intelligence économique. L’intérêt était que chaque chef de projet, au niveau des centres de ressources, pouvait mutualiser ses compétences avec les autres. La [mise en commun] des financements, des pratiques et des outils, était un gros avantage. On a ainsi pu accompagner près de 600 boîtes en sécurité informatique.
Comment cela t’a-t-il mené à la French Tech ?
En 2015, l’association est dissoute pour raisons politiques et financières je pense, avec la réforme des CCI lancée, etc. En 2014, je choisis de quitter Cybermassif et de me lancer en tant qu’auto-entrepreneur en consultante numérique (avec une compétence spécifique sur la recherche de fonds européens et le montage de dossier de candidatures aux programmes européens). J’ai notamment pu travailler avec le Conseil Régional sur l’animation des laboratoires d’usages numériques.
Et en 2016, la Métropole est venue me chercher pour monter la candidature French Tech, principalement parce que j’ai une compétence pour monter les dossiers, notamment dans le numérique. [Cette année-là], je n’ai fait que ça ! Cette candidature m’a permis de bien mieux connaître l’écosystème d’innovation et du numérique, notamment les grands groupes – Engie, Limagrain, Michelin ……- qui se sont tous mobilisés. Également, les start-ups, un univers que je connaissais peu et le monde de l’enseignement et de la recherche.
Comment cela s’est-il passé ?
Le dossier était tout de même assez complexe, et a dû être fait en très peu de temps. Il a fallu aller voir les partenaires un par un, mobiliser tout le monde, récupérer les données et les témoignages, et rédiger. Un vrai challenge ! On est aussi monté défendre le dossier à Bercy avec Guillaume Blanc, Guillaume Vernat, Marc Evangelista, Benoît Membré* et moi. En 2015, il faut savoir qu’une première candidature French Tech n’avait pu être déposée à Clermont car il n’y avait pas de structure d’accélération. C’était donc un des principaux objectifs du Bivouac.
Au final, le dossier French Tech s’est appuyé à 90% [sur l’accélérateur de start-ups]. Moi, je suis arrivée au Bivouac en même temps que tout le monde, début 2016, mais en tant que consultante.
Tu as également développé les activités de la French Tech …
Je suis restée en charge de la French Tech Clermont Auvergne, entre le Bivouac et la Métropole. On a par exemple organisé avec Benoît des déplacements internationaux pour nos start-ups, à Tel Aviv pour rencontrer l’écosystème sur la mobilité dans le cadre de Ecomotion. On est aussi parti au Movin’On de Montréal en 2017, avec Michelin. J’ai aussi travaillé sur la feuille de route de la mobilité sur la métropole, constitué de vingt-deux engagements dont certains étaient justement en lien avec les start-ups.
La French Tech Clermont Auvergne se réorganise à travers une gouvernance dédiée, avec une co-présidence d’entrepreneurs.
En 2018, la French Tech Clermont Auvergne se réorganise à travers une gouvernance dédiée, plutôt novatrice pour la Métropole – avec une co-présidence d’entrepreneurs. L’idée était d’y fédérer tous les représentants de l’écosystème qui y jouent un vrai rôle : BPI, Sofimac pour le financement ; université pour l’apport en recherche ; et des entrepreneurs connus. En 2016, le dossier de candidature indiquait que l’on devait organiser l’animation de l’écosystème avec les entrepreneurs – on s’y était engagés, et c’est effectif depuis cette année.
Aujourd’hui, qu’en est-il de ce label ?
La Métropole est labellisée depuis juillet 2016 sur le réseau thématique #cleantech #mobility. Concernant la labellisation, les cartes seront rebattues d’ici la fin de l’année. On va travailler avec tous les membres du comité stratégique – qui sont [très] motivés – sur le prochain dossier de candidature qui doit impérativement être porté par les entrepreneurs selon la volonté de Kat Barlongan, nouvelle directrice de la Mission FrenchTech [au niveau national].
Pour l’instant, on est en amont du dossier, le cahier des charges n’étant pas encore sorti. L’objectif étant de ne plus être mono-thématique mais plus transversal. On attend la publication d’ici la fin du mois de novembre 2019, pour un résultat annoncé début d’année.
Quels sont les objectifs à moyen terme de la French Tech Clermont Auvergne ?
On travaille aujourd’hui sur deux axes importants : d’une part, la création d’un fonds d’investissement French Tech sur Clermont et Saint-Etienne, avec les territoires des deux métropoles. C’est en cours, et devrait voir le dernier trimestre 2019 ; ce serait une première en France. L’objectif étant de financer des start-ups en développement et accélération à partir de 2020.
On travaille aujourd’hui sur deux axes importants : la création d’un fonds d’investissement French Tech sur Clermont et Saint-Etienne, et le projet de « chaire mobilité ».
L’autre projet est la “chaire mobilité” en lien avec le programme I-SITE, ce qui sera voté le 16 novembre. c’est donc acté à ce jour [Le but, ici,] est de faire venir un chercheur étranger de renommée internationale dans la mobilité, durant trois ans, qui prendrait notamment sous son aile des étudiants en thèse. C’est Michel Dhome, à l’Université Clermont Auvergne, qui coordonne cet aspect. Ce devrait être opérationnel dès 2019.
Enfin, on a développé un site web, et on est partenaire et souvent co-organisateur sur plein d’événements : le forum numérique de la CCI, Auvermoov, le Startup Weekend, les afterworks SquareLab… Je m’occupe aussi en transversal des initiatives numériques dans la Métropole. J’aimerais par la suite emmener des start-ups sur des événements hors de la Métropole.
Quelle est ta vision globale sur l’écosystème actuel ?
Ce que je remarque, c’est que de nos jours le discours institutionnel est exactement le même qu’il y a quinze ou vingt ans, on se pose les mêmes questions d’accompagnement des entreprises : ça n’a pas bougé. C’est normal parce qu’il faut toujours accompagner les boîtes, et l’environnement avance tellement vite… mais en même temps, c’est inquiétant. Faudrait-il [le faire indéfiniment] ? Est-ce une mission pérenne des territoires ?
Cybermassif a disparu en 2015, il n’y a plus de centres de ressources sauf exception**. Ce sont les CCI, en lien avec l’Espace Entreprise Numérique de Lyon, qui ont ce rôle d’accompagnement. Mais il n’y a plus d’outil dédié sur le territoire, c’est dommage. Je pense qu’il y aurait la place pour recréer le même outil…
*Respectivement co-fondateur de Exotic Systems, co-fondateur de Coffréo, directeur de IPO Michelin et ancien directeur du Bivouac.
** À Clermont, le PRATIC est resté pendant un temps auprès de la CCI, ou l’Atelier des TIC à Moulins
Pour en savoir plus :
le site officiel de la French Tech Clermont Auvergne
Entretien réalisé le 31 octobre 2018 par Damien Caillard. Propos synthétisés et réorganisés pour plus de lisibilité par Cindy Pappalardo-Roy, puis relus et corrigés par Hélène.
Visuels fournis par Hélène sauf la photo de Une, par Damien Caillard.
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- #Cybermassif – Association mise en place par André Marcon, son objectif était de déployer sur tout le Massif Central des centres de ressources dédiés aux entreprises en TIC – avec pour vocation d’accompagner les TPE et PME à ce qu’on appelle aujourd’hui la “transformation numérique”. Hélène Ribeaudeau intègre Cybermassif en septembre 2004 dans un contexte compliqué. Elle est parvenue à sauver l’affaire pendant onze ans, en déployant les centres de ressources sur le terrain, ce qui lui a permis de très bien connaître les écosystèmes sur le numérique dans la région. Après, il fallait financer le fonctionnement de ces centres, dont le déploiement était basé sur des fonds publics.
- #FrenchTech – En 2015, l’association est dissoute pour raisons politiques et financières. C’est le moment où Hélène se lance comme auto-entrepreneur en consultante numérique et en 2016, la Métropole est venue la chercher pour monter la candidature French Tech. Cette candidature lui a permis de bien mieux connaître l’écosystème d’innovation et du numérique, notamment les grands groupes qui se sont tous mobilisés, ainsi que les start-ups et le monde de l’enseignement et de la recherche.
- #Activités – Hélène Ribeaudeau a développé les activités de la French Tech, entre le Bivouac et la Métropole. Elle a part exemple organisé des déplacements internationaux pour leurs start-ups à Tel Aviv pour rencontrer l’écosystème sur la mobilité dans le cadre de Ecomotion, est parti au Movin’On de Montréal en 2017 avec Michelin et a travaillé sur la feuille de route de la mobilité sur la métropole, constitué de vingt -deux engagements dont certains étaient justement en lien avec les start-ups. En 2018, la French Tech Clermont Auvergne se réorganise à travers une gouvernance dédiée, plutôt novatrice pour la Métropole – avec une co-présidence d’entrepreneurs. L’idée était d’y fédérer tous les représentants de l’écosystème qui y jouent un vrai rôle : BPI, Sofimac pour le financement ; université pour l’apport en recherche ; et des entrepreneurs connus.
- #Objectifs – Aujourd’hui à la French Tech, Hélène travaille sur deux axes importants : d’une part, la création d’un fonds d’investissement French Tech sur Clermont et Saint-Etienne, avec les territoires des deux métropoles ; de l’autre, le projet de la “chaire mobilité” en lien avec le programme ISITE, ce qui sera voté le 16 novembre. Aussi, elle a développé un site web, donc la French Tech est partenaire et souvent co-organisateur sur plein d’événements : le forum numérique de la CCI, Auvermoov, le Startup Weekend, les afterworks SquareLab… Elle aimerait par la suite emmener des start-ups sur des événements hors de la Métropole.
- #Vision – Ce qu’Hélène Ribeaudeau remarque sur l’écosystème actuel, c’est que de nos jours le discours institutionnel est exactement le même qu’il y a quinze ou vingt ans, on se pose les mêmes questions d’accompagnement des entreprises : ça n’a pas bougé. C’est normal parce qu’il faut toujours accompagner les boîtes, et l’environnement avance tellement vite… mais en même temps, c’est inquiétant. Faudrait-il [le faire indéfiniment] ? Est-ce une mission pérenne des territoires ? Il n’y a plus d’outil dédié sur le territoire, c’est dommage ; il y aurait la place pour recréer le même outil.