Par Damien Caillard
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Un petit tour au Bivouac … petit mais fructueux, puisque Maïté Butaije a été co-responsable de l’accompagnement des start-ups (avec Sylvain Poisson) de septembre 2017 à mai 2018 au sein de l’accélérateur clermontois. Sous forme de bilan, elle explique comment elle y a apporté une nouvelle approche de l’offre et du positionnement dans l’écosystème, issue de sa propre expérience mêlant international, journalisme et business development. D’ici l’été, elle rejoindra l’équipe de Human Booster pour continuer à accompagner des projets sur Clermont, sa nouvelle ville d’attache.
Tu es entrée dans l’entrepreneuriat … par le journalisme. Comment cela t’est-il venu ?
J’ai toujours été dans l’entrepreneuriat, même si j’ai eu un parcours atypique. Mon arrière-grand-père avait créé les usines de confitures Materne, qui appartiennent toujours à ma famille. Je suis belge, j’ai d’abord étudié la communication et le journalisme. Je me suis toujours nourrie des histoires et des parcours différents, mais ce sont les [profils] des entrepreneurs qui me passionnaient.
« Je me suis toujours nourrie des histoires et des parcours différents. »
Le média sonore était celui que je préférais. J’ai fait des documentaires radio avec des jeunes de quartiers sensibles [en Belgique], qui me parlaient de leur quartier, de leur vision de la vie. Ensuite, on a créé un collectif de ballades sonores, à la sortie de l’école [de journalisme, avec des amis]. Je ne voulais pas prendre la direction du salariat : pour moi, me réaliser professionnellement passait d’abord par [un projet] perso. On a dû lever des fonds, on travaillait pour l’attractivité du territoire … il y avait [déjà] un petit business model !
Puis ça a pris une autre ampleur. J’ai des amis à Kinshasa [en République Démocratique du Congo], des gens engagés, comme un avocat ou un professeur qui accompagnaient des jeunes. Ils nous ont demandé de développer la même chose [que les ballades sonores] là-bas. C’était le début des réseaux sociaux. On a dû aller chercher des subventions, développer des partenariats, acheter du matériel média pour le laisser là-bas. Et on est parti à 4 pendant un mois en mai 2008 : une des plus belles expériences de ma vie ! On a fait du terrain, on a formé, on a interviewé, on a préparé les dossiers, vu les partenaires … le fil conducteur, c’était de mettre en lumière des histoires d’entrepreneurs sur le thème de la débrouille*. L’entrepreneuriat devenait mon sujet.
L’international aussi. Tu as passé beaucoup de temps au Québec.
Après cette expérience [au Congo], je ne voulais toujours pas reprendre une vie normale … et je suis partie à Montréal, en aller simple, visa de travail. J’avais repéré une entreprise qui me plaisait bien : l’Institut du Nouveau Monde. Ils organisent des gros événements type World Entrepreneurship Forum, sur des enjeux de société : économie, entrepreneuriat, politique … et ils souhaitent encourager les jeunes à s’engager dans la société. Je suis allé les voir, je leur ai dit que je voulais travailler pour eux. Et ça a marché ! J’étais chef de projet marketing commercial sur [un de leurs événements].
Qu’as-tu appris au Canada sur l’entrepreneuriat ?
Je suis un électron libre, et au Canada ça fonctionne à l’autonomie. On y encourage la prise d’initiative. A l’été 2010, je suis rentrée sur Lyon/Grenoble avec mon conjoint, mais c’était très dur car je venais d’un milieu très actif à Montréal, et en France je ne trouvais pas du tout ce dynamisme entrepreneurial.
« Au Canada, cette culture lean est normale, j’en faisais sans le savoir. »
Je suis finalement retournée pour une autre mission à Montréal, au sein de la start-up e-180**. [J’ai participé à] la construction de la plateforme web pour septembre 2011, en mode agile, avec les utilisateurs. Au Canada, cette culture lean est normale, j’en faisais sans le savoir. J’y ai beaucoup appris sur le travail avec les beta testeurs, les early adopters, et je trouve que c’est la meilleure manière de faire quand on n’a pas trop de ressources.
J’ai beaucoup appris de Christine [Renaud, fondatrice de E-180] qui est un mentor pour moi ! J’ai toujours été admirative des femmes et des hommes qui entreprennent, je pense que c’est eux qui changent le monde car ils créent de la valeur.
Comment t’es-tu davantage orientée sur l’accompagnement que sur la création ?
J’avais cette expérience terrain, mais il me manquait une formation. Au printemps 2012, je suis prise au mastère spécialisé Entreprendre à EM Lyon, pour formaliser ce que j’avais appris. Mon projet était celui d’un incubateur, et je voulais développer ce type de culture en France. Après une autre expérience en Inde où j’ai analysé le business model d’une ONG*** qui fonctionne en mode start-up, avec une organisation scalable, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup comprendre de l’extérieur un projet de start-up, par la posture d’accompagnatrice. Mais j’aime aussi piloter et porter un projet !
J’ai [choisi ma] posture [après mon retour en France, en 2014, et une brève association chez Permigo] : je me suis mise à accompagner des start-ups en mode free-lance, sans m’associer aux projets. Comme j’étais tombée enceinte, et que j’ai eu deux enfants d’affilée, ce statut me convenait bien. Après la naissance de ma deuxième fille, j’ai vu l’offre du Bivouac.
Qu’est-ce qui t’a intéressée dans la proposition clermontoise ?
L’offre me correspondait bien. Je ne connaissais pas Clermont, mais les déménagements ne me faisaient pas peur. J’étais recrutée en tant que responsable de l’offre et de l’accompagnement des start-ups, aux côté de Sylvain [Poisson] avec qui je travaillais en binôme. On avait chacun son portefeuille [de start-ups], et la charge de la mise en place du service : sourcing des experts, organisation de formations et d’ateliers, sélection de mentors …
De septembre à décembre 2017, j’ai surtout travaillé sur l’offre du Bivouac. J’étais allé voir les partenaires et membres de l’écosystème, et on avait organisé deux ateliers dont le but était d’identifier leurs besoins, leurs problématiques, et à partir de là d’imaginer des offres génératrices de revenus. Les acteurs publics nous ont dit : vous arrivez à la fin de la période d’amorçage****, il faut [constituer] une vraie offre.
Quelles étaient tes recommandations concernant les start-ups ?
[Je proposais que l’] on se recentre sur l’accélération, où nos critères d’entrée seraient les critères de sortie des incubateurs locaux : un produit ou un service existant, un C.A. en croissance, une entreprise créée et implantée sur le territoire, avec une adéquation offre/marché prouvée. Notre approche passerait par deux phases : [d’abord,] accompagner la start-up d’une offre « artisanale » vers une offre « industrielle » … et scalable ! [En effet,] on s’est rendu compte que beaucoup de start-ups n’avaient pas structuré leurs process et n’étaient pas capables de gérer la demande. Ensuite, accélérer la croissance : comment acquérir plus de clients, se développer à l’international, optimiser sa comm’, son recrutement … et accompagner sur les grosses levées de fonds.
« Accompagner la start-up d’une offre artisanale vers une offre industrielle. »
Financièrement, [l’idéal serait de] fonctionner comme BUSI : dédier une avance remboursable aux start-ups que nous [suivons]. Le principe serait que les start-ups payent leur accompagnement, mais qu’on les avance pour ne pas impacter leur trésorerie. C’est [ce qu’on appellerait] l’enveloppe Boost, avec de l’accompagnement d’un partenaire du Bivouac, qui permet de responsabiliser tout le monde. Du coup, le pilotage de la qualité de notre offre devient capital. Avec, au quotidien : un start-up manager – salarié du Bivouac, coordinateur, qui s’assure que les modes d’accompagnement sont en adéquation avec les besoins des start-ups ; un mentor – de profil entrepreneur généraliste, travaillant sur le savoir-faire et le savoir-être (dont un soutien mental) ; un ou plusieurs experts qui interviennent collectivement ou individuellement. Pour tout cela, on chercherait une offre flexible, efficace et personnalisée.
Et pour l’autre volet, celui lié aux entreprises du territoire ?
[C’est plus en amont, mais il s’agirait d’] une offre pour accompagner la transition numérique des entreprises du territoire. Cela irait de workshops pour concevoir des produits en mode lean, à des « bootcamps » pour challenger des projets d’innovation, et de la mise en relation avec des start-ups et des appels à projets sponsorisables.
Tout cela doit [cependant] être validé. L’offre Boost [serait] testée d’ici le printemps [2018], et nous levons le pied sur les appels à projets et l’intégration de nouvelles startups – hormis Feel Better. L’offre corporate serait plutôt lancée au second semestre 2018.
Tu as récemment choisi de quitter le Bivouac pour rejoindre Human Booster. As-tu trouvé ton bonheur en Auvergne ?
J’ai découvert Clermont, j’adore car j’y retrouve à la fois de la Belgique et du Canada. Les Auvergnats sont des bosseurs, ils foncent, et j’adore. Il y a de la proximité et de la sincérité … c’est plus facile de créer du lien ici. Et je trouve que les acteurs de l’écosystème travaillent plutôt bien, ce qui est important car ce n’est que dans le collectif qu’on peut construire de belles choses. J’espère que ma vision internationale et à 360° de l’entrepreneuriat apportera quelque chose ici.
*le projet s’appelait Na Kin Na Belgique
**Education à 180°, qui organise des brain dates, pour se connecter avec d’autres personnes d’intérêt commun
***projet I-Lead, qui formait des jeunes sortis de l’emploi avec des formations très pratiques en adéquation avec les besoins du marché.
****la première convention du Bivouac prend fin en décembre 2018
Pour en savoir plus :
le site web de l’Institut du Nouveau Monde
le site web de e-180
le site web du Bivouac
Propos recueillis au Bivouac le 20 février 2018, sélectionnés et réorganisés pour plus de lisibilité, puis relus et corrigés par Maïté.
Crédits visuels : Clément Truchot pour la Une, Maïté Butaije pour les illustrations de l’article.
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #Journalisme – D’origine belge, Maïté a une formation journalistique mais s’est très tôt passionnée pour les histoires d’entrepreneurs. Elle avait piloté des projets autour de la radio, auprès des jeunes de quartiers difficiles puis à Kinshasa, où elle a suivi les jeunes entrepreneurs locaux « de la débrouille » à travers plusieurs reportages. C’était aussi l’occasion pour elle de monter de véritables projets économiques, avec recherche de partenaires, financement, montage de dossiers, aussi appréciés que le travail terrain.
- #International – L’expérience internationale de Maïté est très importante, entre la République Démocratique du Congo, le Canada, l’Inde, et bien sûr la France et la Belgique. Elle a notamment beaucoup travaillé à Montréal, dans l’événementiel auprès de l’Institut du Nouveau Monde puis avec une start-up appelée E-180.
- #Canada – Son expérience canadienne fut d’abord celle d’un écosystème très dynamique, où tout le monde peut être autonome et avoir des responsabilités. De plus, elle a beaucoup travaillé en mode agile, ce qui semble être une constante outre-atlantique.
- #Accompagnement – Le contraste avec la France fut donc assez fort, lors du retour de Maïté avec son conjoint. Néanmoins, elle prend la décision de se consacrer à l’accompagnement de start-ups plutôt qu’à leur lancement en tant qu’associée (bien qu’elle adore faire les deux). Ce fut un mastère spécialisé à EM Lyon puis un travail free-lance auprès de projets partout en France.
- #Bivouac – L’offre du Bivouac avait séduit Maïté dès l’été 2017. Elle y est restée en tant que chargée de l’accompagnement des start-ups, en binôme avec Sylvain Poisson, jusqu’au printemps 2018. Après une période de rencontres et d’ateliers avec les partenaires et les membres de l’écosystème, à l’automne 2017, elle a proposé une refonte de l’offre du Bivouac.
- #OffreStartups – Sa proposition tenait en deux axes : pour les start-ups, une orientation forte sur l’accélération, en complément des incubateurs clermontois. Avec l’accompagnement à l’industrialisation de l’offre, puis à l’accélération du projet. L’enveloppe Boost consisterait alors à faire payer cet accompagnement en avançant la trésorerie grâce à un partenaire du Bivouac.
- #OffreEntreprises – Le second axe est dédié aux entreprises TPE et PME du territoire pour les aider dans leur transition numérique, à travers des formations, des ateliers et de la sensibilisation à l’innovation. La validation de ces offres reste à faire, le calendrier de déploiement étant le printemps pour les start-ups et l’automne pour l’offre « corporate ».
- #Auvergne – Maïté a choisi de quitter le Bivouac pour rejoindre Human Booster. Elle tient néanmoins à rester sur Clermont, un écosystème à la fois dynamique et soudé, où les partenaires travaillent dans le même sens et avec sincérité.