Sébastien Noll et Matthieu Audebaud font le buzz avec ce qu’ils appellent eux-mêmes une « invention ». Leur innovation « Le Gouvernail » tellement évidente que les bêta-testeurs ne peuvent s’empêcher de s’écrier « “Votre invention est toute bête ! Pourquoi personne n’y a pensé avant ».
rencontre avec l’un des rares acteurs de la low-tech dans la mobilité de demain.
Sébastien, vous êtes lauréat du concours Auvermoov 2018. Quel est votre parcours et comment en arrive-t-on à proposer une solution de mobilité à un concours en Auvergne?
Je suis à Lyon depuis 5 ans mais j’ai eu un parcours professionnel dans le milieu des mobilités dans différentes villes de France. J’ai passé 17 ans dans le groupe Transdev (un opérateur de transports, ndlr). D’abord directeur marketing et commercial puis responsable des projets innovation France ; c’est dans le cadre de ces projets que j’ai rencontré Matthieu Audebaud, l’inventeur du gouvernail.
Quand il m’a présenté son idée, j’ai été tout de suis convaincu. On a utilisé le projet que je menais à Grenoble comme terrain d’expérimentation. Devant les réactions des utilisateurs, on a décidé de créer la structure vOOg.
Vous avez participé à de nombreux salons autour des mobilités et des nouvelles technologies. Pourtant il n’y a pas de digital derrière votre solution. Vous êtes un Alien dans l’écosystème de l’innovation de mobilités?
On est un ovni oui ! C’est notre force. Je vous donne un exemple : le salon Vivatech, c’est l’antre de la nouvelle technologie. Des stands qui rivalisent tous avec la solution numérique dernier cri qui sera remplacée par une autre l’an prochain…
Et bien les organisateurs comme les visiteurs nous ont dit que nous étions l’invention la plus forte de l’édition 2019 ! Nous étions la seule innovation où il n’y a pas besoin de prise de courant pour qu’elle fonctionne.
À Vivatech 2019, nous étions la seule innovation sans prise de courant pour qu’elle fonctionne ; on assume parfaitement ce côté low tech.
On assume parfaitement ce côté low tech. Il y a un petit ras-le-bol du numérique, que l’innovation soit dans 3 cas sur 5, une nouvelle application. Là, c’est le retour a quelque chose de simple, de pragmatique, de mécanique.
Le Gouvernail aurait pu être inventé à la Renaissance ! Je trouve ça assez amusant qu’en 2019, l’innovation qui fait le buzz, soit finalement une qui se passe du numérique, de l’électrique, et qui ne polluera pas notre planète dans 20 ans.
Justement, pouvez-vous nous pitcher le Gouvernail?
Vous avez un mât, sur lequel vous avez un cadran, et dans lequel vous avez une cartographie qui reprend l’environnement autour de vous, avec une qualité de plans que vous n’aurez jamais sur vos smartphones. Ces derniers vous indiqueront qui plutôt le Mcdo du coin que le Conservatoire !
On repère donc dans la légende ce que l’on cherche. Il a un numéro qui est attribué à chaque point d’intérêt. Ensuite on tourne “physiquement” sur soi avec le Gouvernail, et la recherche sera toujours devant soi, de manière infaillible.
Par rapport au développement de la startup, quelles sont les dates clés? Où en êtes-vous dans le processus de commercialisation de votre solution?
vOOg a été créée en septembre 2018, même si les brevets datent sont antérieurs. On a eu la chance d’avoir très rapidement des industriels qui se sont rapprochés de nous. On a notamment signé un contrat de partenariat avec le groupe Aximum, filiale de Colas qui sera le fabricant de la première série du Gouvernail.
Il y a une attente tellement forte du marché que nous avons décidé de lancer une première série dès cette année. Ce qui est très tôt par rapport à la naissance de vOOg, mais cela reflète un véritable besoin de la part des collectivités, parcs d’attraction, zoos…
Il y a une attente tellement forte du marché que nous avons lancé une première série cette année, ce qui est très tôt par rapport à la naissance de vOOg.
Petit à petit, on a des industriels et des grands noms qui se rapprochent de nous, comme Michelin : pour eux, on ré-enchante la cartographie !
C’est assez amusant qu’autour de notre mobilier mécanique on rassemble de grands groupes industriels ! Tous partagent l’avis qu’il pourrait s’agir du nouveau classique du mobilier urbain.
Vous avez mentionné Michelin, et vous avez participé à Auvermoov. Revenons un peu à l’Auvergne. Que vous a apporté ce concours ?
Un concours d’innovation qui met en avant des projets au service de la mobilité, c’est rare voire unique en France. Très concrètement, cela nous a permis d’amener notre mobilier à Clermont-Ferrand, place de Jaude, et de montrer la force du Gouvernail.
C’est aussi l’opportunité de confronter l’objet à l’usager. Nous avons récolté des centaines d’avis sur l’objet : design, matériaux utilisés… Ce sont des situations concrètes très enrichissantes pour nous.
Un concours comme Auvermoov, c’est l’opportunité de confronter l’objet à l’usager. Ce sont des situations concrètes géniales pour nous.
Le lancement de la nouvelle saison d’Auvermoov en octobre est symbolique. Il va y avoir une implantation de six gouvernails a des endroits forts de la ville et ce pendant plusieurs mois ; il n’ y a pas un clermontois qui ne vas pas en croiser un !
C’est la Success Story en Auvergne, mais vous avez aussi d’autres projets qui germent ailleurs, n’est-ce pas ?
La RATP est très intéressée par le Gouvernail. D’ailleurs, deux prototypes sont positionnés sur son périmètre, et elle souhaite en déployer plus largement sur Paris. Il y a aussi trois autres prototypes à Lyon en attendant un déploiement plus large. On commence aussi à dépasser les frontières, on a des discussions avec des japonais, des américains, des australiens… Le Gouvernail est en train de faire un buzz ! C’est très motivant pour la suite!
Sébastien, en tant qu’entrepreneur et en tant que citoyen, quelle est votre plus grande fierté?
Matthieu avait commencé à travailler les premiers prototypes avec un moule à tarte et un cardan de voitures pour vérifier que le principe marchait bien ! Quand on se remémore les débuts, et qu’aujourd’hui on commence à voir des Gouvernails qui vivent tous seuls dans les espaces publics, ça nous met des papillons dans le ventre !
Justement lorsque l’on passe du prototypage à la phase industriel, qu’est-ce qui est le plus stressant?
Je dirais que c’est de faire les bons choix. Un partenariat avec un gros industriel, ça peut vite devenir David contre Goliath. C’est à nous de faire en sorte que ce soit David AVEC Goliath. De notre côté, on a eu dès le départ un capital sympathie autour du projet. Ce sont les industriels qui sont venus à nous ; ça équilibre le rapport de force déjà très favorable grâce à la propriété intellectuelle qui couvre 43 pays !
Nous nous intéressons à l’écosystème de l’innovation. Lorsque l’on propose un produit low tech il va forcément être différent d’une solution high-tech. De qui et de quoi est composé votre écosystème?
Tous les acteurs qui proposent des solutions qui améliorent nos déplacements quotidiens ! JCDecaux avec leurs nouvelles solutions de déplacement à vélo, Colas avec leurs solutions de routes innovantes.
La logique low-tech pour équiper nos villes est assez puissante et va continuer à se développer. Les villes ont d’abord favorisé les voitures dans l’espace urbain. Maintenant c’est place aux vélos, mais des outils et leviers qui favorisent la marche, c’est plus compliqué à trouver.
Il y a forcément des gens qui vont réfléchir à rendre la ville plus « marchable ». Cela va créer de nouveaux métiers et un nouvel écosystème d’innovation autour du citoyen marcheur !
Il y a forcément des gens qui vont réfléchir à rendre la ville plus « marchable ». Cela va créer de nouveaux métiers et un nouvel écosystème d’innovation autour du citoyen marcheur !
Une petite projection utopique et dystopique, la ville en 2039 dans un futur idéal et dans un futur qui l’est moins?
La ville idéale de demain prend en compte les déplacements de chacun, sans être moralisateur : on sait que l’on ira jamais chercher des chaises à Ikea en bus ! La voiture a aussi sa place en ville. Il s’agit plus de gérer les rythmes de vie de chacun, et d’adapter les transports selon. À partir du moment où les solutions comme la marche sont optimisées, les gens passeront d’un mode à l’autre.
Et la dystopie ?
Je pense qu’on y est déjà lorsque les dispositifs s’essaiment trop rapidement sans réflexion et projection complète. Je prends l’exemple des trottinettes électriques. C’est un système de mobilité qui est venu trop vite, on voit aujourd’hui les dégâts dans nos villes. On ne sait pas gérer la circulation, ce sont des petites bombes pour l’environnement, avec des batteries polluantes. Il y a une pollution visuelle, une mauvaise distribution dans l’espace… C’est typiquement une fausse bonne idée, et on en paye un peu les conséquences aujourd’hui. Il faut veiller à bien mener une réflexion globale de la construction de la mobilité dans la ville et des valeurs qui doivent la diriger.
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #Débuts : Sébastien Noll a passé 17 ans dans le groupe Transdev (un opérateur de transports, ndlr), comme directeur marketing et commercial puis responsable des projets innovation France. Il a rencontré Matthieu Audebaud, l’inventeur du Gouvernail. Devant les réactions des utilisateurs, ils ont décidé de créer la structure vOOg.
- #NoDigital : Lors du Salon Vivatech 2019, le Gouvernail était la seule innovation où il n’y avait pas besoin de prise de courant pour qu’elle fonctionne. Sébastien et Matthieu assument parfaitement ce côté low tech.
- #LeGouvernail : Le Gouvernail est composé d’un mât, sur lequel il y a un cadran, dans lequel il y a une cartographie de qualité qui reprend l’environnement autour de vous. Il y a un numéro attribué à chaque point d’intérêt.
- #ConcoursAuvermoov : Sébastien : « Un concours d’innovation qui met en avant des projets au service de la mobilité, c’est rare, voire unique en France. » Concrètement, participer à l’édition 2018 leur a permis d’amener leur mobilier à Clermont-Ferrand, et de confronter l’objet à l’usager. Le lancement de la nouvelle saison d’Auvermoov en octobre sera symbolique, puisque six gouvernails vont être implantés à des endroits forts de la ville.
- #ÉcosystèmeInnovationMobilité : Les villes ont d’abord favorisé les voitures dans l’espace urbain et maintenant, c’est place aux vélos ; mais des outils et leviers qui favorisent la marche, c’est plus compliqué à trouver. Il y a forcément des gens qui vont réfléchir à rendre la ville plus « marchable ». Cela va créer de nouveaux métiers et un nouvel écosystème d’innovation autour du citoyen marcheur.
- #Utopie : Pour Sébastien, la ville idéale de demain prend en compte les déplacements de chacun, sans être moralisateur (la voiture a aussi sa place en ville). Il s’agit de gérer les rythmes de vie de chacun, et d’adapter les transports selon. À partir du moment où les solutions comme la marche sont optimisées, les gens passeront d’un mode à l’autre.